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04/10/2023 | FRANCE | N°22TL20794

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 04 octobre 2023, 22TL20794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B..., sa sœur, ont demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les avis de sommes à payer du 28 août 2020 émis respectivement à leur encontre pour des montants de 10 540,23 euros et de 10 540,22 euros, de les décharger de l'obligation de payer les sommes réclamées et, à titre subsidiaire, de ramener les sommes mises à leur charge à de plus justes proportions en les déchargeant du paiement de la somme de 7 369 euros.

Par un jugement n°

2004822-2004823 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B..., sa sœur, ont demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les avis de sommes à payer du 28 août 2020 émis respectivement à leur encontre pour des montants de 10 540,23 euros et de 10 540,22 euros, de les décharger de l'obligation de payer les sommes réclamées et, à titre subsidiaire, de ramener les sommes mises à leur charge à de plus justes proportions en les déchargeant du paiement de la somme de 7 369 euros.

Par un jugement n° 2004822-2004823 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2022, et un mémoire enregistré le 12 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... et Mme B..., représentés par la Selarl Schneider avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 janvier 2022 ;

2°) à titre principal, d'annuler les avis de sommes à payer du 28 août 2020 ;

3°) de les décharger de l'obligation de payer respectivement la somme de 10 540,23 euros et celle de 10 540,22 euros ;

4°) à titre subsidiaire, de ramener les sommes mises respectivement à leur charge à de plus justes proportions en les déchargeant de la somme de 12 740,45 euros ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Escales une somme de 2 500 euros à verser à leur profit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, les avis de sommes à payer qui trouvent leur fondement dans l'arrêté de péril imminent du 22 juillet 2019 sont dépourvus de base légale dès lors que cet arrêté est entaché d'une erreur de droit ; en effet, le péril ayant justifié cet arrêté provient du mauvais état de la couche rocheuse naturelle qui constitue l'assise des constructions et trouve donc son origine dans une cause naturelle, étrangère à l'immeuble dont ils sont propriétaires ; cet arrêté est également entaché d'un détournement de procédure dès lors que le maire d'Escales aurait dû faire application de ses pouvoirs de police générale et non des pouvoirs qu'il tire des articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

- à titre subsidiaire, seules les mesures prescrites par l'arrêté de péril imminent et non réalisées par les propriétaires pouvaient être mises à leur charge ; la somme mise à leur charge respective doit dès lors être ramenée à de plus justes proportions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, la commune d'Escales, représentée par la SCP Cabée-Biver, conclut à ce qu'il soit sursis à statuer, dans l'attente de l'arrêt que doit rendre le Conseil d'État sur l'arrêt de la présente cour en date du 18 octobre 2022, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis solidairement à la charge de M. et Mme B... le paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 18 octobre 2022 à l'encontre duquel elle a formé un pourvoi, est voué à être annulé par le Conseil d'État ;

- l'arrêté du 22 juillet 2019 est suffisamment motivé ;

- il n'est pas entaché d'une erreur de droit dès lors que le péril imminent constitué par le talus composé de blocs rocheux soutenus par un mur de pierre qui constitue l'assise du bâtiment des consorts B... est inhérent à ce dernier, notamment du fait de l'absence de collecte des eaux de toiture qui favorise l'altération du rocher et du fait de l'altération du mur en pierres maçonnés situés sous l'éperon rocheux ; ce mur, en pierres maçonnés a une fonction de mur de soutènement ;

- en ce qui concerne le détournement de procédure allégué, ce moyen reprend en fait le moyen relatif à l'erreur de droit ; les fondations de l'immeuble des requérants sont constituées par un talus rocheux soutenu par le mur en maçonnerie, qui constituent des éléments indissociables ;

- la commune apporte la preuve de l'absence de détournement de pouvoir dès lors que les requérants n'ont jamais saisi le juge judiciaire pour poursuivre leurs réclamations, et que l'arrêté de main levée du péril imminent du 12 mars 2020 a été pris au vu, d'une part, des travaux réalisés par les consorts E..., en attendant la réalisation des travaux d'enfouissement des réseaux par l'opérateur public, et d'autre part, des conclusions de l'expert judiciaire du 2 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Schneider, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme B..., sa sœur, sont propriétaires en indivision d'une construction

ancienne située impasse du Château à Escales (Aude), sur une parcelle cadastrée section A, n° 220, bâtie sur un talus en surplomb de la voie publique. Au vu des conclusions du rapport remis le 22 juillet 2019 par M. D..., expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, le maire d'Escales a, le jour même, pris un arrêté de péril imminent, par lequel il a ordonné aux propriétaires de prendre les mesures de nature à faire cesser l'imminence du péril dans un délai de trente jours. Compte tenu de la carence de M. et Mme B..., la commune d'Escales a exécuté d'office les travaux prescrits par l'expert et a émis à leur encontre le 28 août 2020 des avis de sommes à payer d'un montant respectif de 10 540,23 euros et 10 540,22 euros, en remboursement des sommes avancées par la commune pour les travaux de confortation de leur immeuble. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 18 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes d'annulation des avis de sommes à payer émis à leur encontre le 28 août 2020 et de décharge des sommes correspondantes.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511- 1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version alors applicable : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3 ". Aux termes de l'article L. 511-3 de ce code, dans sa version alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 ".

3. Les procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, doivent être mises en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Elles se distinguent en cela des pouvoirs reconnus au maire par l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'appliquent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure. Il n'y a pas lieu, pour déterminer les champs respectifs de ces deux procédures, d'avoir recours à un critère tiré de l'origine naturelle ou artificielle du danger. En revanche, la conception et l'exécution d'une construction inadaptée au terrain d'assise, doit faire regarder comme établie l'existence d'une cause propre à l'immeuble, prépondérante du péril justifiant l'intervention d'un arrêté de péril imminent sur le fondement des dispositions précitées.

4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 22 juillet 2019 que le péril grave et imminent pour la sécurité des usagers de la rue du Pech de la commune d'Escales trouve son origine dans le talus sur lequel est implantée la construction de deux étages, cadastrée A 220, dont M. et Mme B... sont propriétaires. Ce talus est composé en partie basse de murs en pierres maçonnés venant se bloquer sous les blocs massifs de rocher, ces derniers constituant l'assise des murs des bâtiments. De plus, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 2 mars 2020, reprenant l'étude géotechnique relative aux parcelles A 218 et A 219, voisines de la parcelle A 220, que le château est fondé au rocher. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que le socle rocheux servant d'assise à la construction des consorts B... serait soutenu par le mur de pierres maçonnées. Par ailleurs, si le diagnostic géotechnique de l'éperon rocheux réalisé le 19 novembre 2019 relève que l'absence de collecte des eaux des toitures des constructions qui surmontent l'éperon rocheux favorise son altération et le développement de la végétation, il n'indique pas que ce désordre constituerait la cause prépondérante de la désagrégation du socle rocheux à l'origine du risque imminent des chutes de pierres sur la voie publique. D'ailleurs, cette étude, qui repose sur une simple inspection visuelle faite à distance du site, indique qu'elle n'inclut aucun avis sur le mur maçonné ancien situé sous l'éperon rocheux ni d'examen de la stabilité générale du talus. Il résulte ainsi de l'instruction que le péril imminent pour les usagers de la voie publique trouve son origine dans le socle rocheux servant d'assise à la construction ancienne dont M. et Mme B... sont propriétaires. Dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que la conception et l'exécution de la construction des requérants serait inadaptée au terrain rocheux d'assise, le péril grave et imminent ne pouvait être regardé comme provenant à titre prépondérant des causes propres de l'immeuble des requérants. Par suite, le maire d'Escales ne pouvait légalement faire usage des pouvoirs qu'il tire de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation pour prendre l'arrêté du 22 juillet 2019, qui est entaché d'illégalité. Par voie de conséquence, les avis de sommes à payer émis à l'encontre de M. et Mme B... sont dépourvus de base légale.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'annulation des avis de sommes à payer des 28 août 2020 et de décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées.

Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :

6. La cour n'est pas tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'État appelé à se prononcer sur le pourvoi en cassation de la commune d'Escales formé contre son arrêt n° 20TL03227 du 18 octobre 2022. Par suite, les conclusions à fin de sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'État sur ce pourvoi doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune d'Escales sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, M. et Mme B... n'étant pas la partie perdante à l'instance.

8. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune d'Escales une somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées sur le même fondement par M. et Mme B....

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 janvier 2022 et les avis de sommes à payer du 28 août 2020 sont annulés.

Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés de l'obligation de payer les sommes dont le paiement était poursuivi par les avis de sommes à payer du 28 août 2020.

Article 3 : La commune d'Escales versera à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B... et à la commune d'Escales.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20794
Date de la décision : 04/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02-02-02-01 Collectivités territoriales. - Commune. - Attributions. - Police. - Police de la sécurité. - Immeubles menaçant ruine. - Procédure de péril.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SCP CABEE - BIVER - LAREDJ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-04;22tl20794 ?
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