Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme C... B..., sa sœur, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 du maire d'Escales de péril imminent affectant l'immeuble dit " D... " situé dans cette commune en tant qu'il concerne la parcelle A 220.
Par un jugement n° 1905003-1905004 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2020, sous le n° 20MA03227, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL03227, et des mémoires en réplique, enregistrés les 28 mai et 7 juillet 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, les consorts B..., représentés par la Selarl Schneider associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 du maire d'Escales ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Escales une somme de 2 000 euros à verser à leur profit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé s'agissant de la nature et de la gravité du péril qui fonde la procédure prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, qui ne trouvent à s'appliquer que lorsque le danger provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ; il ressort de l'expertise judiciaire que la dégradation du terrain rocheux sur lequel sont directement implantées les constructions constitue la cause prépondérante du risque identifié par l'expert ; dès lors que le danger provient à titre prépondérant de cette cause étrangère à l'immeuble, la procédure tirée de l'article L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ne pouvait être mise en œuvre ;
- il est entaché d'un détournement de procédure dès lors que le maire aurait dû faire application de ses pouvoirs de police générale qu'il tient des articles L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales et ne pas user de ses pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que l'intention réelle du maire d'Escales est de les dissuader de poursuivre leur procédure contentieuse les opposant à la commune ; ils pâtissent d'une différence de traitement par rapport aux propriétaires des autres parcelles concernées par l'arrêté en litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 avril, 22 juin et 8 septembre 2021, la commune d'Escales, représentée par la SCP Cabee-Biver-Spanghero, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis solidairement à la charge des consorts B... le paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté du 22 juillet 2019 est suffisamment motivé ce que les premiers juges ont parfaitement estimé ;
- en ce qui concerne la méconnaissance alléguée de l'article L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, le péril grave et imminent constitué par le talus composé de blocs rocheux soutenus par un mur de pierres maçonnées est inhérent au bâtiment des consorts B... dont il constitue le fondement ou l'assise ; au surplus, les murs en pierres maçonnées qui constituent la base du talus servant d'assise au bâtiment ne constituent pas un ouvrage naturel ; le péril imminent est inhérent à l'édifice appartenant aux requérants, notamment du fait de l'absence de collecte des eaux de toiture qui favorise l'altération du rocher et du fait de la dégradation du mur en pierres maçonnées situé sous l'éperon rocheux ;
- en ce qui concerne le détournement de procédure allégué, ce moyen reprend en fait le moyen relatif à l'erreur de droit ; les fondations de l'immeuble des requérants sont constituées par un talus rocheux soutenu par le mur en maçonnerie qui constituent des éléments indissociables ;
- la commune apporte la preuve de l'absence de détournement de pouvoir dès lors que les requérants n'ont jamais saisi le juge judiciaire pour poursuivre leurs réclamations, et que l'arrêté de main levée du péril imminent du 12 mars 2020 a été pris au vu d'une part, des travaux réalisés par les consorts E..., en attendant la réalisation des travaux d'enfouissement des réseaux par l'opérateur public et d'autre part, des conclusions de l'expert judiciaire du 2 mars 2020.
Par une ordonnance du 8 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,
- les observations de Me Schneider, représentant les requérants et celles de Me Bidois représentant la commune d'Escales.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme B..., sa sœur, qui sont propriétaires de la parcelle A 220 située à Escales (Aude), ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté de péril imminent du 22 juillet 2019 pris par son maire leur enjoignant de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ledit péril. Ils relèvent appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 511- 1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version alors applicable : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3 ". Aux termes de l'article L. 511-3 de ce code, dans sa version alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 ".
3. Les procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, doivent être mises en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Elles se distinguent en cela des pouvoirs reconnus au maire par l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'appliquent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure. Il n'y a pas lieu, pour déterminer les champs respectifs de ces deux procédures, d'avoir recours à un critère tiré de l'origine naturelle ou artificielle du danger. En revanche, la conception et l'exécution d'une construction inadaptée au terrain d'assise, doit faire regarder comme établie l'existence d'une cause propre à l'immeuble, prépondérante du péril justifiant l'intervention d'un arrêté de péril imminent sur le fondement des dispositions précitées.
4. Il ressort des conclusions du rapport d'expertise du 22 juillet 2019 que le talus sur lequel est implantée la construction de deux étages dont les consorts B... sont propriétaires, est composé en partie basse de murs en pierres maçonnés venant se bloquer sous les blocs massifs de rocher constituant l'assise des murs des bâtiments. Il ne résulte ni de ses conclusions ni d'aucune autre pièce versée au dossier que le talus rocheux serait soutenu par le mur de pierres maçonnées ni que le talus et l'immeuble des intéressés constitueraient un tout indissociable. Il résulte, en revanche, de ses conclusions que le péril imminent sur le fondement duquel le maire d'Escales a pris son arrêté, a pour origine les désordres graves affectant le talus servant de terrain d'assise à la construction des appelants. À cet égard, la commune ne peut utilement faire valoir en défense la circonstance que le diagnostic géotechnique de l'éperon rocheux réalisé le 19 novembre 2019 relève que l'absence de collecte des eaux des toitures des constructions qui surmontent l'éperon rocheux favorise son altération et le développement de la végétation, dès lors que l'arrêté de péril imminent du 22 juillet 2019 n'a pas été pris par le maire au vu de cet élément. Dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que la conception et l'exécution de la construction des appelants serait inadaptée au terrain rocheux d'assise, le péril grave et imminent ne pouvait être regardé comme provenant à titre prépondérant des causes propres de leur immeuble. Par suite, le maire d'Escales ne pouvait légalement faire usage des pouvoirs qu'il tire de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation pour prendre l'arrêté du 22 juillet 2019 et cet arrêté doit être annulé.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les consorts B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune d'Escales sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les consorts B... n'étant pas la partie perdante à l'instance.
8. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune d'Escales une somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées sur le même fondement par les consorts B....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2020 et l'arrêté du maire d'Escales du 22 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : La commune d'Escales versera aux consorts B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B... et à la commune d'Escales.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président de chambre,
M. Bentolila, président assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL03227