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21/09/2023 | FRANCE | N°22TL22370

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 21 septembre 2023, 22TL22370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202029 du 1er juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Be...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202029 du 1er juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement à l'exception du point 13 qui ne retient pas l'existence d'une menace à l'ordre public ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 du préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré du détournement de pouvoir du préfet en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur la méconnaissance des dispositions des articles L. 611-3, L. 435-3 et R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

- elles méconnaissent le principe du contradictoire et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'arrêté a été rédigé avant son audition libre ; il n'a pas été en mesure de présenter des observations ;

- elles sont entachées d'un détournement de procédure ; il n'a jamais été placé en garde à vue ; une procédure pénale a été utilisée aux fins de notification de l'arrêté ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il était mineur à la date de son entrée sur le territoire français ainsi que l'établit la délivrance de son passeport ;

- il bénéficie d'une présomption de minorité en application des dispositions de l'article 47 du code civil ainsi que du principe de présomption d'innocence ;

- le préfet a commis une erreur de droit en fondant la mesure d'éloignement sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet ne pouvait pas lui opposer une entrée irrégulière sur le territoire français ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ainsi que l'a admis le jugement attaqué au point 13 ;

- le préfet de l'Hérault et le tribunal ont commis une erreur de droit en ce que la décision méconnaît les articles L. 611-3, L. 435-3 et R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il était en droit de demander un titre de séjour jusqu'à la veille de ses 19 ans en restant en situation régulière sur le territoire français ; le préfet ne pouvait prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il bénéficie d'un contrat jeune majeur et est inscrit en CAP métallerie-serrurerie ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle ne peut être fondée sur les dispositions du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il était mineur à la date de son entrée en France ;

- elle ne peut être fondée sur les dispositions du 4° du même article en ce que sa déclaration de son intention de se soustraire à une éventuelle mesure d'éloignement ne peut pas être retenue contre lui ;

- elle ne peut être fondée sur les dispositions du 7° du même article dès lors que l'enquête judiciaire est encore en cours ;

- elle ne peut être fondée sur les dispositions du 8° du même article dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a communiqué plusieurs identités ;

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :

- il était mineur au moment de son entrée sur le territoire français ;

- en outre, cette décision est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en soutenant qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 19 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2023 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 21 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., se disant ressortissant gambien, né le 12 décembre 2003, déclare être entré sur le territoire français en août 2020. Il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Hérault et a signé le 17 décembre 2021 un contrat jeune majeur. Par un arrêté du 19 avril 2022, le préfet de l'Hérault a obligé M. B... à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par la présente requête, M. B... fait appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des termes du jugement qu'est visé le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire et de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au point 5 de ce jugement, le tribunal a écarté comme inopérant le moyen fondé sur la présomption d'innocence garanti selon lui par ces mêmes stipulations. Toutefois, le moyen tiré de la violation de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'absence de procédure contradictoire est également inopérant dès lors que, ainsi que l'a relevé le premier juge, l'arrêté du 19 avril 2022 ne constitue ni une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, ni une accusation en matière pénale et ne rentre pas dans le champ d'application de ces stipulations. Par suite, en ne répondant pas à ce moyen inopérant après l'avoir visé, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

3. En deuxième lieu, il ressort des points 11 et 12 du jugement attaqué que le tribunal a considéré que les articles L. 611-3 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient inopérants dès lors qu'il avait été démontré que M. B... était majeur au moment de son entrée sur le territoire national. Par suite, alors qu'est visé le moyen fondé également sur la méconnaissance de l'article R. 431-5 du même code fixant notamment les délais dans lesquels peut être présentée une demande de titre de séjour d'un étranger déjà présent en France après son dix-huitième anniversaire, un tel moyen doit être regardé comme ayant été implicitement écarté comme inopérant. Par suite, en ne répondant pas à ce moyen dûment visé, le jugement n'est pas irrégulier. Par ailleurs, si l'appelant remet en cause l'appréciation portée par le premier juge pour écarter ces moyens s'agissant de la minorité alléguée lors de son entrée sur le territoire national, un tel moyen se rattache non à la régularité du jugement mais à son bien-fondé.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés. ". Contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal a répondu avec une précision suffisante, au point 6 du jugement attaqué, au moyen tiré du détournement de procédure de l'arrêté contesté du préfet de l'Hérault. Par suite et alors que le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, le jugement critiqué est suffisamment motivé sur le point invoqué par l'appelant.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".

6. Ainsi qu'il a été exposé au point 2 du présent arrêt, ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions, lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale, et non à la procédure suivie pour l'édiction d'une décision administrative. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux d'audition du 2 décembre 2021 et du 15 avril 2022 que M. B..., assisté d'un interprète, a été informé de l'éventualité d'une mesure d'éloignement vers son pays d'origine ou dans un pays où il est légalement admissible et a pu présenter toutes les observations qu'il estimait pertinentes sur ses conditions de séjour, sur sa situation personnelle et sur la perspective d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, s'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral du 19 avril 2022 a été notifié à M. B... lors de son audition du 20 avril 2022, les conditions de notification de l'arrêté en litige demeurent sans incidence sur la légalité des décisions qu'il contient, laquelle s'apprécie à la date de leur édiction. Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".

9. La présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ne peut être renversée par l'administration qu'en apportant la preuve, en menant les vérifications utiles, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

10. D'une part, si l'appelant s'est présenté sur le territoire français en août 2020 sous l'identité de M. D... B..., de nationalité gambienne né le 12 décembre 2003, la consultation du fichier " Eurodac " a permis au préfet de l'Hérault de constater qu'il avait effectué deux demandes d'asile en Italie en 2016 et une en Allemagne en 2017, mais que l'identité dont il se prévaut n'apparait ni dans le fichier automatisé des empreintes digitales, ni dans le système de visa biométrique. Les informations transmises par les autorités italiennes au préfet de l'Hérault ont démontré que le relevé d'empreintes correspondait en réalité à l'identité de M. C... E..., de nationalité ivoirienne né le 1er janvier 2000. Une enquête judiciaire diligentée sur instruction du vice-procureur de la République chargé des mineurs près le tribunal judiciaire de Montpellier a alors été ouverte du 9 décembre 2020 au 20 avril 2022 pour les chefs d'accusation " d'escroquerie et détention de faux documents administratifs ". L'analyse en fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières de Montpellier a révélé " l'absence des doubles légalisations obligatoires " et " l'absence de timbre sec sur l'apostille " sur le certificat de naissance présenté par M. B... lors de son entrée en France.

11. D'autre part, alors que l'appelant a bénéficié d'une prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Hérault en qualité de mineur isolé, il ressort des pièces du dossier que les examens médicaux, radiographies et examens osseux réalisés le 28 janvier 2021 sur sa personne font état d'un âge minimal théorique de 19 ans et d'un âge moyen théorique de 23,6 ans, rendant " (...) l'âge allégué de 17 ans (...) incompatible avec [les] constatations médico-légales (...) ". Par ailleurs, la carte d'identité consulaire délivrée à M. B... le 9 mai 2022 par les autorités consulaires gambiennes, laquelle a pour vocation d'établir la preuve de résidence à l'étranger d'un ressortissant et n'est pas un document d'état civil, n'est pas de nature à combattre efficacement les suspicions d'inauthenticité nées de l'examen documentaire réalisé par les services de police et de l'audition de l'intéressé. Enfin, si M. B... produit nouvellement en appel son passeport délivré le 29 septembre 2022, ce document de voyage, établi postérieurement à l'arrêté en litige sur le fondement d'actes d'état civil dont l'authenticité n'est pas justifiée, ne constitue pas un document d'état civil permettant de vérifier la date de naissance de l'intéressé.

12. Au regard de l'ensemble de ces éléments et compte tenu de l'incertitude affectant l'âge de l'intéressé, le préfet de l'Hérault a pu légalement estimer que M. B... n'établissait pas être mineur à la date de son entrée sur le territoire français. En outre, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 47 du code civil sur la validité des actes d'état-civil établis à l'étranger doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

14. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault s'est fondé sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour édicter une mesure d'éloignement à l'encontre de M. B.... Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 11, l'appelant ne démontre pas être entré régulièrement sur le territoire français et ne dispose d'aucun droit au séjour en France. Dans ses conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 précité doit être écarté. D'autre part, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault s'est également fondé sur les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger M. B... à quitter le territoire français dès lors que son comportement frauduleux consistant à falsifier des documents d'état civil ou à utiliser des faux constitue une menace pour l'ordre public. Toutefois, si l'appelant soutient que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre publique, il résulte de l'instruction que le préfet de l'Hérault aurait pris la même décision sur le seul fondement du 1° de l'article L. 611-1 précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 11, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 611-3 précité doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 435-3 et R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à l'admission exceptionnelle au séjour d'un étranger confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de 16 ans et de 18 ans et au délai pour présenter une telle demande.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

17. Il ressort des pièces du dossier que M. B... déclare être présent en France depuis août 2020, soit depuis moins de deux ans à la date de la décision en litige. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il y a vécu la majeure partie de sa vie. Si l'appelant, célibataire et sans enfant, se prévaut d'un contrat jeune majeur signé le 17 décembre 2021, des résultats de son certificat d'aptitude professionnelle métallerie serrurerie et de son inscription à un club de football, de telles circonstances ne peuvent suffire à caractériser l'intensité et la centralité de ses intérêts personnels en France, alors qu'en outre, M. B... ne démontre pas l'impossibilité de poursuivre sa formation hors de France. Par ailleurs, l'intéressé, qui soutient ne pas avoir des membres de sa famille en France, ne produit pas d'éléments de nature à établir une insertion particulière dans la société française eu égard à un cercle social ou familial. S'il produit son diplôme d'études en langue française dit " A... A2 " obtenu le 5 septembre 2022 et son certificat de scolarité pour l'année 2022/2023, ces documents, postérieurs à la date à laquelle le préfet a pris la mesure d'éloignement contestée, sont sans incidence sur la légalité de cette mesure qui s'apprécie à la date de son édiction. Dans ces conditions, eu égard à la faible durée et aux conditions de son séjour sur le territoire national, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

18. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...)3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". L'article L. 612-3 de ce code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;(...) / 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

19. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a fondé la décision de refus de délai de départ volontaire sur les dispositions des 1°, 4°, 7° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition du 2 décembre 2021 que l'intéressé a déclaré, alors qu'il était assisté d'un interprète, sa volonté de se soustraire à une éventuelle mesure d'éloignement. Il résulte également de ce qui a été exposé aux points 10 et 11 du présent arrêt que M. B..., dont l'acte de naissance a été déclaré irrecevable après l'analyse en fraude documentaire et à l'identité l'authenticité, est entré irrégulièrement sur le territoire français sans solliciter de titre de séjour alors qu'il était majeur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des 1°, 4°, 7° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit, de même que celui tiré de l'erreur d'appréciation dont procèderait la décision refusant un délai de départ volontaire, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :

20. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

21. L'obligation de quitter le territoire français et la décision portant refus de délai de départ volontaire n'étant pas entachées des illégalités alléguées, l'appelant n'est pas fondé à s'en prévaloir par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

22. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Berry et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

X. Haïli La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22370


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22370
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-21;22tl22370 ?
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