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21/09/2023 | FRANCE | N°22TL21472

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 21 septembre 2023, 22TL21472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2021 par lequel le préfet de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201137 du 25 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 24 juin 2022, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2021 par lequel le préfet de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201137 du 25 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2021 du préfet de Vaucluse ;

3°) à titre principal, d'ordonner au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, d'ordonner le réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a commis une erreur et n'a pas statué sur l'entièreté de ses demandes en jugeant qu'il n'avait pas sollicité la communication de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car le préfet de Vaucluse n'a pas mentionné le lien entre son pays d'origine et les troubles de stress post-traumatique dont il souffre ;

- il n'a pas pu vérifier la régularité des informations contenues dans l'avis du collège des médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration, qui n'a pas été transmis par le préfet malgré sa demande ;

- il est porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen sérieux ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'ayant pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation ;

- le tribunal et le préfet n'ont pas pris en compte son insertion professionnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui en constitue le fondement ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal n'a pas pris en compte le lien entre son pays d'origine et les troubles de stress post-traumatique dont il souffre.

La préfecture de Vaucluse a été mis en demeure de produire des observations en défense le 23 février 2023.

Par ordonnance du 27 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mai 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Chabert, président.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant togolais, né le 31 décembre 1997, est entré irrégulièrement en France en 2017 selon ses déclarations. Le 9 avril 2019, il a présenté une demande d'admission au séjour en qualité de réfugié. Les 6 juin 2019 et 17 juin 2021, il a présenté des demandes d'admission à titre exceptionnel en raison de son état de santé. Par une décision du 15 octobre 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Cette décision a été confirmée le 10 juin 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 22 septembre 2021, le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de 60 jours, et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".

3. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de Vaucluse s'est fondé sur l'avis du 9 septembre 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'intéressé, qui a levé le secret médical, soutient qu'il souffre des suites d'une blessure au genou à l'arme blanche dont il a été victime au Togo, de problèmes psychologiques graves et de troubles post-traumatiques nécessitant une prise en charge médicale en France dont le défaut peut avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle et dont il ne peut pas bénéficier dans son pays d'origine. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que malgré une demande adressée tant au préfet de Vaucluse qu'au tribunal tendant à ce que lui soit communiqué cet avis, il n'a pu en prendre connaissance, faisant ainsi obstacle à ce qu'il puisse vérifier les mentions qui y sont apposées. Malgré une mesure d'instruction en ce sens de la cour du 11 juillet 2023 restée sans réponse, le préfet de Vaucluse n'a pas produit l'avis du 9 septembre 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions et ainsi que le soutient l'appelant, la décision de refus de séjour doit être regardée comme entachée d'un vice de procédure qui a privé l'intéressé d'une garantie. Il s'ensuit que la décision de refus de séjour et par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans doivent être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2021 du préfet de Vaucluse.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint à l'administrative de délivrer un titre de séjour à l'appelant. En revanche, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de Vaucluse, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la situation de M. B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 200 euros à M. B... au titre des frais non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2201137 du tribunal administratif de Nîmes du 25 mai 2022 et l'arrêté du 22 septembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

X. Haïli

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

0N° 22TL21472 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21472
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : PYXIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-21;22tl21472 ?
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