Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a fait à l'intéressé interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2102947 du 16 septembre 2021, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, M. A..., représenté par Me Bruggiamosca, demande à la cour :
1°) d'ordonner la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a fondé son arrêté contesté, conformément à l'article L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2021 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2021 ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, par application de l'article L. 911-2 du même code, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'auteur de la décision ne justifie pas de sa compétence ;
- l'absence de communication du procès-verbal d'audition ne permet pas de vérifier quels ont été les éléments transmis par M. A... de sorte que le principe général du droit communautaire du droit d'être entendu, rappelé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision n'a pas fait l'objet d'un examen préalable de sa situation personnelle ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation du risque de fuite, au regard des dispositions des articles L. 612-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale par exception d'illégalité des deux décisions précédentes ;
- la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et insuffisamment motivée ;
- La décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La procédure a été communiquée le 20 septembre 2022 au préfet des Bouches du Rhône qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 25 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2022.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- et les observations de Me Bruggiamosca, représentant le requérant.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 5 janvier 1972 à Gharmadou en Tunisie, soutient être entré en France en 2009 et s'y être maintenu depuis lors en situation irrégulière. Il a fait l'objet le 10 juillet 2020 d'une première décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à laquelle il n'a pas déféré. Il a été interpellé le 11 septembre 2021 lors d'un contrôle routier. Par un arrêté du 12 septembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a fait à l'intéressé interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement n° 2102947 du 16 septembre 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a fondé sa décision :
2. L'affaire est en état d'être jugée et le principe du contradictoire a été respecté. Il n'apparaît donc pas nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner la communication de l'entier dossier détenu par l'administration.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Le requérant reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché de l'incompétence de son auteur. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit au point 2 du jugement attaqué par le président du tribunal administratif de Nîmes.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, la décision en litige vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier celles de l'article L. 423-23, au regard desquelles le préfet a examiné la situation de l'intéressé qui est par ailleurs exposée, de même que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et se fonde sur ces articles pour indiquer les raisons de sa mesure d'éloignement. Dès lors, cette décision comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi régulièrement motivée.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de la décision contestée, que le préfet des Bouches du Rhône s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
7. En se bornant à soutenir que " l'absence de communication du procès-verbal d'audition ne permet pas de vérifier quels ont été les éléments transmis par M. A... ", le requérant n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, outre qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la possibilité pour le conseil de l'intéressé d'en solliciter la communication, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'autorité préfectorale a versé, au cours de l'instruction contradictoire devant le premier juge, le procès-verbal d'audition de l'intéressé en date du 12 septembre 2021 par les services de police. Enfin, l'intéressé ne fait état devant la cour d'aucun élément laissant supposer qu'il n'aurait pas pu faire valoir, notamment lors de son audition par l'officier de police judiciaire, préalablement à l'édiction de la décision attaquée, tous les éléments relatifs à sa vie personnelle qui pourraient faire obstacle à son éloignement du territoire.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. A... soutient être entré en France en 2009 et s'être maintenu continuellement depuis. Cependant, outre l'absence de justificatifs pour les années 2009 et 2010, les pièces éparses versées au dossier, constituées notamment de relevés de comptes, de transferts de fonds, de factures, de documents médicaux et de bulletins de salaire, ne permettent pas de justifier de la continuité de son séjour, qui au demeurant procède d'un maintien durablement irrégulier sur le territoire français, pour l'ensemble de la période alléguée, notamment de janvier à juin 2011, de janvier à mars 2012 et d'octobre 2012 à décembre 2012, de janvier à avril 2013 et juin 2013 à décembre 2013, ou encore sur les années 2014 à 2019. S'il fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française, Mme B..., depuis près de trois ans avec laquelle il a le projet de conclure un pacte civil de solidarité, l'ancienneté et la stabilité de cette relation n'est pas établie et cette circonstance ne suffit pas à établir qu'il aurait constitué le centre de ses intérêts personnels et familiaux sur le territoire national. Par ailleurs, l'appelant n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 38 ans et où résident notamment ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
10. L'illégalité de la mesure portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant refus de délai de départ volontaire, doit être écartée.
11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
12. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. A... s'est soustrait à l'exécution de la mesure préfectorale d'éloignement prise à son encontre le 10 juillet 2020. Aucune circonstance particulière de nature à remettre en cause ce risque de fuite n'a en outre été invoquée par l'appelant. Dans ces conditions, le préfet des Bouches du Rhône a pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, pour ce seul motif, en application du 5° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions invoquées à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit, en conséquence, être écarté.
14. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 7 de son jugement le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, moyen que l'appelant réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.
15. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet des Bouches du Rhône s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation doit être écarté.
16. Eu égard aux énonciations indiquées au point 9 du présent arrêt et dont il résulte que M. A... ne peut se prévaloir d'attaches privées et professionnelles d'une intensité particulière en France et que l'intéressé se maintient en situation irrégulière depuis son entrée sur le territoire français en 2009, selon ses dires, en dépit de la notification d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à deux années la durée d'interdiction de retour sur le territoire français le préfet des Bouches du Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté qu'il conteste. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Bruggiamosca et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21402