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19/09/2023 | FRANCE | N°22TL22400

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22TL22400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204412 du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et des pièces, enregistrés le 28 novembre 2022 et le 20 février 2023, Mme A..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204412 du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrés le 28 novembre 2022 et le 20 février 2023, Mme A..., représentée par Me Brel, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où sa demande d'aide juridictionnelle serait rejetée.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit au regard du régime de la preuve applicable en matière de disponibilité du traitement dans le pays d'origine ;

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

- elles sont entachées d'incompétence de son auteur ;

- elles sont insuffisamment motivées.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- l'autorité préfectorale a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant liée par l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant aux écritures et pièces produites en première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 11 janvier 2023.

Par une ordonnance du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 20 janvier 1989, déclare être entrée en France le 18 novembre 2019 pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 octobre 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 mars 2021. Le 16 mars 2022, l'intéressée a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé. Mme A... relève appel du jugement du 3 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement des dispositions des 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de renvoi.

Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Dès lors que Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 10 janvier 2023, ses conclusions tendant à être admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet et il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le moyen tiré de ce que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal a méconnu la charge de la preuve en matière de disponibilité du traitement dans le pays d'origine ne se rapporte pas à la régularité du jugement attaqué mais à son bien-fondé et est, dès lors, inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par la présidente du tribunal au point 3 du jugement attaqué.

5. En second lieu, les décisions en litige visent les dispositions applicables à la situation de Mme A..., en particulier l'article L. 425-9 sur le fondement duquel a été examinée sa demande de titre de séjour ainsi que les dispositions du 3° et du 4° de l'article L. 611-1 du même code. Elles mentionnent l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressée en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français. Elles précisent que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 octobre 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 mars 2021, ainsi que les raisons de fait pour lesquelles sa demande de titre de séjour pour raisons de santé doit être rejetée en précisant, ensuite, en s'appropriant les motifs de l'avis rendu le 22 juin 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par ailleurs, dès lors que la décision obligeant l'appelante à quitter le territoire sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de Mme A... en précisant qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte, est, dès lors, suffisamment motivé.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté en litige que l'autorité préfectorale se serait abstenue d'exercer l'étendue de sa compétence en s'estimant liée par le sens de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 juin 2022 sur l'état de santé de Mme A....

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. /

Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

8. L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 425-12 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. À défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet. Dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance d'un titre de séjour prévu à l'article R. 431-12 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / Le demandeur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de sa demande en préfecture pour transmettre à l'office et de l'intégration le certificat médical mentionné au premier alinéa. Lorsque la demande est fondée sur l'article L. 431-2, le certificat médical est transmis dans le délai mentionné à ce même article ".

9. Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé ajoute que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

10. L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'avis du collège de médecins de l 'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de 1'affection en cause. L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. Afin de contribuer à 1'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à 1'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office ".

11. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

12. Il résulte des dispositions précitées que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

13. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

14. D'une part, s'il appartient bien au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour pour raisons de santé, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016 précité, il ne lui appartient pas de porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir que les sources d'information sur lesquelles s'est fondé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour émettre son avis se limitent à de simples rapports généraux sur les systèmes de santé de chaque pays.

15. D'autre part, par son avis du 22 juin 2022, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes sans s'estimer en situation de compétence liée, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Pour remettre en cause cet avis, l'appelante a versé au dossier les éléments relatifs à sa situation médicale, en particulier des certificats médicaux qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.

16. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier sur lesquelles l'intéressée a accepté de lever le secret médical, que Mme A... souffre d'une pathologie psychiatrique pour laquelle elle bénéficie d'un suivi spécialisé et d'un traitement composé, en dernier lieu d'après l'ordonnance délivrée le 15 février 2022, des molécules suivantes : alprazolam, loxapine, sertraline, cyamémazine et zopiclone. Mme A... précise, en produisant un certificat médical daté du 16 septembre 2022 venant attester d'un état de santé préexistant, qu'un diagnostic de troubles psychiatriques sévères a été posé au mois de juillet 2020 dont un syndrome de stress post-traumatique et un état anxio-dépressif en lien avec son parcours migratoire et des événements traumatiques survenus dans son pays d'origine en lien avec l'arrestation et l'emprisonnement de son mari en 2015 dans le cadre d'un conflit familial financier et les violences physiques et sexuelles dont elle a fait l'objet lors de son propre emprisonnement en 2016. Elle indique en outre, être tombée enceinte sur le territoire français avec un début de grossesse estimé au 7 mai 2022 et joint, dans le dernier état de ses écritures, l'acte de naissance de son fils né, le 24 janvier 2023, à Toulouse. Toutefois, par ces seuls éléments qui se bornent à établir que son traitement et son suivi sont indispensables pendant des mois et ne doivent pas être interrompus sous peine de voir réapparaître des idées suicidaires, Mme A... ne démontre ni que le traitement qu'elle suit en France ne serait pas disponible en Guinée ni qu'elle ne serait pas en mesure de bénéficier d'un traitement composé de substances actives dotées de propriétés thérapeutiques équivalentes à celles dont elle bénéficie sans qu'il y ait lieu d'exiger une prise en charge médicale en tous points équivalente à celle dont elle dispose dans le système de santé en France. Par suite, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de manière certaine que des molécules présentant des principes actifs et ou des propriétés thérapeutiques équivalentes aux traitements prescrits en France ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine et qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier, en Guinée, d'un suivi médical adapté, sans qu'il soit exigé qu'il soit en tous points équivalent à celui dont elle dispose en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A.... Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, la décision refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas illégale ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 16, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté.

18. En deuxième lieu, aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions dont Mme A... doit être regardée comme se prévalant de la méconnaissance en lieu et place de celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 15 et 16.

19. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Mme A... soutient qu'elle est présente sur le territoire français depuis trois ans, qu'elle est accueillie au sein d'un centre d'hébergement d'urgence associatif depuis le mois de juillet 2021 au sein duquel elle a développé des liens personnels stables et pérennes avec l'équipe pluridisciplinaire qui l'accompagne et les autres femmes hébergées dans cette structure. Elle indique, en outre, être investie comme bénévole au sein d'une association, avoir suivi des cours d'informatique et s'être impliquée dans un projet vidéo ayant donné lieu à la réalisation d'un film. L'appelante produit, enfin, l'acte de naissance de son fils né en 2023, soit postérieurement à l'arrêté attaqué. Toutefois, par ces éléments, Mme A... ne peut être regardée comme ayant tissé en France des liens privés, familiaux et professionnels tels qu'elle aurait vocation à y rester alors qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'elle est entrée en France à l'âge de 30 ans, en vue d'y solliciter l'asile et qu'elle y a résidé le temps de l'instruction de sa demande d'asile et s'y maintient en dépit du rejet définitif de sa demande de protection internationale, d'autre part, que l'intégralité de sa famille vit en Guinée, notamment son conjoint, l'un de ses enfants mineurs ainsi que ses cinq frères et sœurs et, enfin, qu'elle ne produit aucun élément précis et circonstancié sur la nature des liens qu'elle a développés en France au regard de ceux conservés dans son pays d'origine. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de son entrée et de son séjour en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas en faisant obligation de quitter le territoire français à Mme A..., porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

20. En premier lieu, la décision faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français n'étant pas illégale ainsi qu'il a été dit aux points 17 à 19, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté.

21. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Mme A... soutient qu'elle encourt des persécutions en cas de retour en Guinée, pays qu'elle a été contrainte de fuir à la suite de son arrestation et des violences physiques et sexuelles qu'elle a subies lors de son incarcération. Elle indique, en outre, qu'un retour aura, à tout le moins, pour effet de raviver les événements traumatiques à l'origine de ses troubles psychiatriques. Toutefois, par ces éléments, l'intéressée ne se prévaut d'aucune autre circonstance, autre que celles dont elle a déjà fait part aux autorités en charge de l'asile, de nature à établir qu'elle était, à la date de la décision en litige, personnellement exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements contraires à ces stipulations tandis que, ainsi qu'il a été dit, sa demande d'asile a été rejetée de manière définitive. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le pays à destination duquel Mme A... est susceptible d'être éloignée.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 8 juillet 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à être admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22400
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-19;22tl22400 ?
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