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14/09/2023 | FRANCE | N°22TL22619

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 22TL22619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103502 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, M. A... C..., repr

senté par Me Belaïche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103502 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, M. A... C..., représenté par Me Belaïche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la préfète du Gard de lui délivrer une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté attaqué bénéficiait d'une délégation irrégulière ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'alinéa 2 de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la notion de " communauté de vie " entre époux est inexistante en droit communautaire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juillet 2023.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêt n° C-40/11 de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant brésilien, a épousé le 9 novembre 2013 une ressortissante portugaise et a bénéficié en conséquence d'une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne, valable du 13 avril 2015 au 12 avril 2016 et renouvelé trois fois jusqu'au 1er juillet 2019. Il fait appel du jugement du 15 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 200-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : 1° Conjoint du citoyen de l'Union européenne (...) ". L'article L. 232-1 du même code dispose que : " (...) les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille, tels que définis aux articles L. 200-4 et L. 200-5 et accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français (...) ". Selon l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / Il en va de même pour les ressortissants de pays tiers, conjoints ou descendants directs à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l'article L. 233-1 ". Aux termes enfin de l'article L. 234-1 du même code : " (...) Les ressortissants de pays tiers, membres de famille, acquièrent également un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français à condition qu'ils aient résidé en France de manière légale et ininterrompue pendant les cinq années précédentes avec le citoyen de l'Union européenne mentionné au premier alinéa. Une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit leur est délivrée ".

3. Pour refuser de renouveler la carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne de M. A... C..., la préfète du Gard a estimé qu'il avait perdu cette qualité depuis le mois de mai 2020, date à laquelle il était séparé de son épouse. Toutefois, la notion de " membre de la famille " d'un citoyen de l'Union, définie à l'article 2, point 2, sous a), de la directive du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres repose notamment sur la qualité de conjoint, laquelle n'exige pas le constat d'une vie commune des époux. Le conjoint du citoyen de l'Union entre dans le champ d'application de cette directive si le lien conjugal n'a pas été dissous, alors même que les époux seraient séparés. Le lien conjugal ne peut être considéré comme dissous tant qu'il n'y a pas été mis un terme par l'autorité compétente et que tel n'est pas le cas des époux qui vivent simplement de façon séparée, même lorsqu'ils ont l'intention de divorcer ultérieurement, de sorte que le conjoint ne doit pas nécessairement habiter en permanence avec le citoyen de l'Union pour être titulaire d'un droit dérivé de séjour. Il s'en déduit qu'il ressort des dispositions des articles L. 233-2 et L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issus de la transposition par la loi de cette directive, éclairées notamment par l'arrêt n° C-40/11 Yoshikazu Iida contre Stadt Ulm de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 novembre 2012, que la délivrance d'une carte de séjour à un ressortissant d'un État tiers en sa qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne n'est subordonnée à aucune condition de communauté de vie entre les époux. Dès lors que le mariage de M. A... C... avec une ressortissante portugaise résidant en France n'avait pas été dissous par l'autorité compétente à la date de l'arrêté attaqué, il avait la qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne au sens des dispositions précitées. Par suite, l'arrêté attaqué, qui a répondu à une simple demande de renouvellement d'une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne, a méconnu les dispositions de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement mais seulement le réexamen de la situation de M. A... C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gard de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2022. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant, sous réserve qu'il renonce à la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2103502 du 15 février 2022 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté de la préfète du Gard du 1er juillet 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de réexaminer la situation de M. A... C... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A... C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C..., à Me Raphaël Belaïche et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL22619 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22619
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-14;22tl22619 ?
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