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14/09/2023 | FRANCE | N°22TL21760

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 22TL21760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2003992 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2022, M. A..., représent

é par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2003992 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2022, M. A..., représenté par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête n'est pas tardive ;

- la signataire de l'arrêté attaqué était dépourvue de délégation opposable aux tiers ;

- la décision portant refus de titre de séjour se fonde sur un avis irrégulier du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il justifie ne pas pouvoir bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- le tribunal a, sur ce point, dénaturé les pièces du dossier et entaché son jugement d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, fait appel du jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur le moyen commun aux décisions contestées :

2. Aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme D... C..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer notamment les décisions attaquées et que, conformément aux dispositions de son article 7, cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à savoir le recueil administratif spécial n° 31-2020-086 du même jour. M. A... ne produit aucun élément de nature à contredire les allégations du préfet de la Haute-Garonne selon lesquelles ce recueil pouvait être consulté dans les services administratifs et, par suite, bien que n'ayant pas été mis en ligne sur le site Internet de la préfecture, l'arrêté du 2 avril 2020 faisait l'objet d'une publicité conforme aux dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration et était entré en vigueur à la date de l'arrêté contesté du 9 juin 2020. En tout état de cause, Mme C... bénéficiait d'une délégation en vertu de l'arrêté du 17 décembre 2019 lui permettant de signer les mêmes décisions qui était applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 2 avril 2020 prévoyant son abrogation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte doit être écarté.

Sur le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour se fonde sur un avis irrégulier du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 mai 2019 selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a levé le secret médical, souffre d'une spondylarthrite ankylosante magnétique active et d'un syndrome de stress post-traumatique. Son état de santé nécessite une perfusion toutes les sept semaines d'inflectra 400 mg, un traitement à partir de venlafaxine, tranxene, amisulpride et de tercian, ainsi qu'un suivi psychothérapeutique. Les certificats médicaux versés au dossier par le requérant ne permettent pas de remettre en cause les conclusions du collège de médecins s'agissant de la disponibilité en Algérie du principe actif de l'inflectra, connu sous le nom de remsima, ainsi que le confirme un avis émis en 2016 par la commission de la transparence relevant de la Haute autorité de santé. Le préfet de la Haute-Garonne produit par ailleurs une copie de la nomenclature nationale algérienne des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine, dans sa version du 31 décembre 2019, indiquant que le remsima, la venlafaxine, le tranxene et l'amisulpride y sont disponibles. Il n'est pas sérieusement contesté que tel est également le cas d'une substance active pouvant se substituer au tercian et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait traiter efficacement la pathologie dont souffre M. A.... Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait bénéficier en Algérie d'un suivi psychothérapeutique adapté à sa pathologie, alors que le lien existant entre cette dernière et les évènements traumatisants qu'il aurait vécus en Algérie il y a environ trente ans n'est pas établi et que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à démontrer la réalité de tels évènements. Enfin, le requérant, qui se borne à produire des documents d'ordre général, n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier effectivement de l'ensemble des traitements nécessités par son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine, y compris le traitement par anti-TNF Alpha lié aux perfusions d'inflectra, notamment grâce à une prise en charge du coût de ses soins dans le cadre du régime de sécurité sociale existant en Algérie. Par suite, alors même que l'organisation générale des soins dans cet Etat n'offrirait pas les mêmes possibilités thérapeutiques qu'en France, M. A... doit être regardé comme pouvant effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

7. En troisième lieu, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir, pour contester le jugement attaqué, de ce que les premiers juges auraient, dans le cadre de l'application des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dénaturé les pièces du dossier et entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation.

8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que M. A... pourrait bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. Par ailleurs, il déclare être entré en France le 1er mai 2017, à l'âge de 45 ans, soit trois ans avant l'intervention de l'arrêté contesté. Il est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En cinquième lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.

12. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 6, 8 et 9 du présent arrêt, les moyens selon lesquels la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui mentionne que l'état de santé de l'intéressé ne justifie pas une admission au séjour en qualité d'étranger malade, vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cet article en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.

14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. A... n'établit aucun risque de subir personnellement de tels traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, et pour les motifs déjà mentionnés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Garonne, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Djamila Benhamida et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21760 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21760
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-14;22tl21760 ?
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