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14/09/2023 | FRANCE | N°22TL21757

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 22TL21757


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant six mois.

Par un jugement n° 2005898 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2022, Mme C..., représentée par Me Benha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant six mois.

Par un jugement n° 2005898 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2022, Mme C..., représentée par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et que les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- l'arrêté critiqué a été signé par une autorité compétente ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen réel et particulier de sa situation ;

- cette décision porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision de refus de séjour illégale ;

- cette décision porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2021.

Par ordonnance du 13 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Restino a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante tunisienne née le 17 novembre 1970, a demandé son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 2 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant six mois. Mme C... relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal administratif a suffisamment répondu, au point 6 du jugement, au moyen tiré de l'existence de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels justifiant sa demande de titre de séjour, à savoir la durée de son séjour en France, les attaches familiales qu'elle y a et l'absence d'attaches familiales en Tunisie. D'autre part, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait dénaturé les pièces du dossier relève de la critique du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

3. Aux termes de l'article L. 222-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement (...) ". Il résulte de ces dispositions que les actes réglementaires ne sont opposables, tant aux tiers qu'à l'administration, qu'à condition d'avoir été publiés.

4 . Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme D... B..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer notamment les décisions attaquées et que, conformément aux dispositions de son article 7, cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à savoir le recueil administratif spécial n° 31-2020-086 du même jour. Mme C... ne produit aucun élément de nature à contredire les allégations du préfet de la Haute-Garonne selon lesquelles ce recueil pouvait être consulté dans les services administratifs et, par suite, bien que n'ayant pas été mis en ligne sur le site Internet de la préfecture, l'arrêté du 2 avril 2020 faisait l'objet d'une publicité conforme aux dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration et était entré en vigueur à la date de l'arrêté contesté du 9 juin 2020. En tout état de cause, Mme B... bénéficiait d'une délégation en vertu de l'arrêté du 17 décembre 2019 lui permettant de signer les mêmes décisions qui était applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 2 avril 2020 prévoyant son abrogation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de séjour :

5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de la requérante avant de refuser son admission exceptionnelle au séjour.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme C... se prévaut de sa résidence en France depuis plus de cinq ans et fait valoir qu'elle est veuve, son époux étant décédé peu de temps avant son arrivée en France en mars 2015, munie d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial. Elle soutient que ses enfants, son petit-fils et sa sœur résident en France, où elle aurait ainsi le centre de ses attaches familiales. Elle fait enfin valoir que son fils mineur, qui souffre de troubles autistiques, est scolarisé en France et y bénéficie d'une prise en charge médicale spécialisée depuis plus de cinq années. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille en France et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle se serait insérée dans la société française ni qu'elle serait dépourvue d'attaches privées et familiales en Tunisie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans, alors que son époux résidait en France, et où elle peut reconstituer la cellule familiale qu'elle forme avec son fils mineur. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision critiquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes circonstances de fait, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Il résulte de ce qui a été exposé au point 7 ci-dessus que le refus de séjour n'a pas pour effet de séparer la requérante de son fils mineur. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. La décision critiquée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que Mme C... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

14. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

15. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus, les moyens tirés de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaîtrait le droit au respect de sa vie privée et familiale et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Garonne, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

17. Le présent arrêt ne nécessite aucune mesure d'exécution particulière. Il en résulte que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... C..., à Me Djamila Benhamida et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL21757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21757
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-14;22tl21757 ?
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