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20/07/2023 | FRANCE | N°22TL21651

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 juillet 2023, 22TL21651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes, l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2200730 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 22 juillet 2022, Mme A... C..., épouse B..., représentée par Me Beautes, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes, l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2200730 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, Mme A... C..., épouse B..., représentée par Me Beautes, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous besoin sous astreinte et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 18 00 euros au bénéfice de son conseil, Me Beautes, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en effet, elle est entrée en France en 2015 en compagnie de son conjoint, sous couvert d'une carte de résident de longue durée délivrée par les autorités italiennes, le court séjour effectué au Maroc entre le 25 juillet et le 10 septembre 2021 ne pouvant être considéré comme ayant interrompu son séjour en France ; de plus, la vie commune entre elle et son mari est réelle depuis 2015 et ce dernier est salarié dans le bâtiment dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; sa sœur, de nationalité française, est également présente en France ; elle s'occupe, ainsi qu'en attestent les pièces du dossier, de leur fils né le 5 mai 2016 en France et qui y est scolarisé ;

- pour les mêmes motifs, la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que compte tenu de la vie familiale intense qu'elle a développée en France , elle justifie d'un motif exceptionnel ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle porte, par ailleurs, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire porte également atteinte à l'intérêt de leur enfant au regard des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par une décision du 9 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a admis Mme A... C..., épouse B..., au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

-l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., épouse B..., de nationalité marocaine, née le 10 janvier 1984, déclare être entrée en France en 2015. Elle a présenté, le 5 octobre 2021, une demande de titre de séjour auprès du préfet de Vaucluse au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 14 décembre 2021, le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. Par la présente requête, Mme C..., épouse B..., relève appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser le séjour à un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Par conséquent, la circonstance selon laquelle Mme C... n'est pas entrée en France par la voie du regroupement familial, ne lui interdit pas de se prévaloir des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... par les documents qu'elle produits, notamment par la production d'une attestation de Pôle Emploi faisant état d'une activité salariée pour la période du 26 au 30 mai 2015, ainsi que par la production d'un certificat de travail du 7 juillet 2015 et des fiches de paie correspondant à cette période d'emploi, établit sa présence en France en 2015, ce qui corrobore son affirmation selon laquelle elle est entrée en France en 2015, sous couvert de la carte de résident italienne dont elle disposait. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier, que le conjoint de l'appelante réside en France de façon régulière et que leur enfant y est scolarisé depuis 2019, alors que plusieurs documents produits au dossier et notamment les attestations des bailleurs et des voisins de l'appelante établissent sa présence, ainsi que la vie commune du couple, depuis 2015.

6. En conséquence et dès lors que son déplacement effectué au Maroc entre le 25 juillet et le 10 septembre 2021 ne peut être considéré comme ayant interrompu le séjour en France de l'intéressée, celle-ci est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, compte tenu de l'ancienneté et de l'intensité des liens familiaux l'unissant à son mari ainsi qu'à son fils, alors que sa sœur, de nationalité française, vit également en France, la décision attaquée de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que du refus de séjour qui lui a été opposé par le préfet de Vaucluse par l'arrêté du 14 décembre 2021 et des décisions subséquentes d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

9. Le motif d'annulation retenu au point 6 implique que la préfète de Vaucluse délivre à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Beautes, conseil de Mme C... épouse B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 14 décembre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de délivrer à Mme C... un titre de séjour au titre de la " vie privée et familiale ", dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4: L'État versera à Me Beautes, avocate de Mme C... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse B..., à Me Beautes, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21651

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21651
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BAUTES GEORGIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;22tl21651 ?
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