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20/07/2023 | FRANCE | N°22TL21282

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 juillet 2023, 22TL21282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 mai 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2104007 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Lafon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mon

tpellier du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre, à t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 mai 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2104007 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Lafon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle remplit toutes les conditions ; si elle élève seule son fils, de nationalité française, le père, de nationalité française, de ce dernier, participe à son entretien et à son éducation ;

- subsidiairement, la décision attaquée même si elle n'est pas assortie d'une mesure d'éloignement, va à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant car elle conduira à terme à la séparation de son fils avec l'un de ses parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 2 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée le 19 juin 2023 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante togolaise née le 20 novembre 1984, a sollicité, le 2 mars 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent de son enfant français, né le 9 juin 2020 de sa relation avec M. C..., de nationalité française. Par un arrêté du 21 mai 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 31 mars 2022 dont Mme B... relève appel, rejeté sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".

3. En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

4. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent français auteur de la reconnaissance. La circonstance que cette décision de justice ne serait pas exécutée est également sans incidence.

5. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, l'appelante est mère d'un enfant français, né le 9 juin 2020 de sa relation avec M. C..., de nationalité française. Les deux parents ont reconnu leur fils à la mairie de Béziers le 20 décembre 2019 et sa naissance a été déclarée par M. C... le 12 juin 2020.

6. Il ressort des écritures en défense que le préfet de l'Hérault ne fonde plus le refus de délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " opposé à l'appelante sur l'absence de preuve de la contribution effective à l'entretien et à l'éduction de Gagno Gabriel de Mme B... et du père de l'enfant mais sur la seule circonstance que le père de l'enfant, qui n'était pas le demandeur du titre, ne contribuait pas effectivement à l'entretien et à l'éducation de ce dernier.

7. Il est constant qu'à la date de la décision attaquée, les parents sont séparés et que l'appelante élève seule son fils. Il est non moins constant qu'aucune décision de justice ne règle la question relative à la contribution de chacun des parents à l'entretien et à l'éduction de ce dernier. Pour justifier de la contribution effective du père de son fils à son entretien et à son éducation, Mme B... soutient, d'une part, que M C... a pris à sa charge, avant sa naissance, les frais de logement pour ce dernier et elle-même, lui verse une pension alimentaire d'un montant variant de 100 à 200 euros et effectue pour leur enfant des achats alimentaires, vestimentaires et de pharmacie et que, d'autre part, il entretient un lien affectif et éducatif avec ce dernier.

8. D'une part, si le bail d'habitation souscrit par M. C... le 20 novembre 2019 pour le logement situé, 4 rue de l'Auvergne à Béziers et les quittances de loyer dont se prévaut Mme B... ne la mentionnent pas comme étant la locataire de ce logement, il ressort toutefois des pièces du dossier et, notamment de son relevé de situation auprès de la caisse des affaires familiales de l'Hérault, qu'elle a emménagé le 21 novembre 2019 dans ce logement pris à bail par M. C....

9. D'autre part, par la production, d'une part, des factures d'achats d'aliments, de vêtements et de médicaments pour nourrisson qui comportent la mention du nom de M. C... et d'une date, pour certaines, antérieure à la décision attaquée et, d'autre part, des relevés du livret A de l'appelante faisant apparaître le versement, depuis décembre 2020, d'une pension alimentaire en sa faveur d'un montant variant de 100 à 200 euros qui, bien que n'étant pas mensuel, présente une périodicité suffisante et s'ajoute à une aide mensuelle du département, Mme B... justifie de la contribution effective du père à l'entretien de leur enfant en fonction de ressources de ce dernier et des besoins de leur fils. Par ailleurs, il ressort des attestations des médecins de la direction départementale de la protection maternelle et infantile que M. C... accompagne Mme B... pour les consultations médicales de leur enfant au centre de protection maternelle et infantile. Enfin, les photographies montrant M. C... en compagnie de son jeune fils au jardin d'enfants ou se livrant avec lui à des activités ludiques, mettent en évidence qu'il participe à son développement et à son épanouissement affectif. Il en résulte que, par les pièces qu'elle produit, Mme B... justifie de la contribution du père de son enfant, de nationalité française, à l'entretien et à l'éducation de ce dernier.

10. Il en résulte que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 mai 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'exécution du présent jugement implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de l'Hérault délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté préfectoral du 21 mai 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera la somme de 1 200 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Madame A..., D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21282
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : LAFON PORTES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;22tl21282 ?
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