Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 27 mai 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année.
Par un jugement n° 2102378 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté du 27 mai 2021 en tant seulement qu'il prononce une interdiction de retour d'une durée d'un an.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme A..., représentée par Me Viens, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2021 en tant qu'il n'a pas annulé le refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler, dans cette mesure, l'arrêté préfectoral du 27 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète du Gard de lui délivrer le titre de séjour sollicité et, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 30 jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 14 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2022 à 12 heures.
Par une décision du 14 février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante haïtienne, née le 5 octobre 1959, déclare être entrée en France le 1er décembre 2009 et s'être maintenue sur le territoire national depuis lors, malgré une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 19 juillet 2017 par arrêté du préfet du Val-d'Oise. Le 17 décembre 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 27 mai 2021, la préfète du Gard a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire national pendant une durée d'un an. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de ces décisions, le tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 3 décembre 2021 dont Mme A... relève appel, annulé cet arrêté en tant seulement qu'il prononce une interdiction de retour d'une durée d'un an à son encontre.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. Mme A..., qui a vécu jusqu'à l'âge de 50 ans dans son pays d'origine, a décidé de venir s'installer en France plusieurs années après la mort de son époux et de ses parents et l'installation en France de deux de ses filles ayant obtenu la nationalité française. La durée et la continuité de sa présence en France n'est cependant pas établie par les pièces qu'elle produit. De plus, elle a fait l'objet de deux mesures d'éloignement, la première prise par le préfet du Val-de-Marne, le 24 mars 2014, et la deuxième prise par le préfet du Val-d'Oise, le 7 juillet 2017. De plus, si ses parents et son époux sont décédés, elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine. Elle ne démontre pas également l'intensité et la stabilité des liens qu'elle entretient avec deux de ses filles, de nationalité française, résidant en France, et avec son fils, titulaire d'un titre de séjour par les pièces qu'elle produit. À cet égard, l'allégation selon laquelle elle est venue en France dans le but de se rapprocher de ses enfants demeurant en région parisienne, n'est pas corroborée par sa domiciliation dans le département du Gard. En tout état de cause, comme les premiers juges l'ont estimé à bon droit, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas atteinte au maintien de ses liens avec la partie de sa famille résidant en France dès lors qu'elle peut leur rendre visite en sollicitant au préalable un visa. Enfin, elle ne justifie ni d'une insertion professionnelle régulière en France ni de compétences ou de formations en lien avec un projet professionnel. Compte tenu de l'ensemble de ses éléments, en refusant de délivrer à Mme A... un titre de séjour, la préfète du Gard n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
5. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés au point 4, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
6. Mme A..., qui fait état d'agressions physiques dont elle a été victime dans son pays d'origine en 1999 et en 2009 afin de lui soutirer les revenus de son commerce, n'établit pas être exposée personnellement et actuellement à un risque pour sa vie en cas de retour en Haïti. Elle n'établit pas davantage que son état de santé ne pourrait être pris en charge par le système de santé de son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 mai 2021 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20775