La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2023 | FRANCE | N°21TL03590

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 13 juillet 2023, 21TL03590


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2021 sous le n° 21MA03590 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03590 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis des mémoires enregistrés le 24 octobre 2022 et le 27 avril 2023, la société anonyme Immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel le maire de Saint-Christol-lez-Alès a rejeté sa demande de permis de construire valant autorisa

tion d'exploitation commerciale pour l'implantation d'un commerce de bricolage...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2021 sous le n° 21MA03590 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03590 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis des mémoires enregistrés le 24 octobre 2022 et le 27 avril 2023, la société anonyme Immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel le maire de Saint-Christol-lez-Alès a rejeté sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'implantation d'un commerce de bricolage et de matériaux à l'enseigne " Brico Cash " ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de rendre un avis favorable sur sa demande d'autorisation dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt et au maire de Saint-Christol-lez-Alès de lui délivrer le permis de construire correspondant ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à ladite commission de statuer à nouveau sur sa demande dans le même délai et au maire de statuer également à nouveau ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au regard de l'article R. 752-34 du code de commerce car ses représentants ont été entendus par la commission par audioconférence et dans des conditions non satisfaisantes, ce qui l'a privée d'une garantie ;

- les motifs opposés par la Commission nationale d'aménagement commercial à son projet sont entachés d'erreurs d'appréciation au regard des objectifs mentionnés aux articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce en ce qui concerne l'aménagement du territoire, le développement durable et la valorisation des filières locales.

Par un mémoire en défense et des pièces enregistrés les 27 octobre 2021 et 1er juin 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial, représentée par son président, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2022, la commune de Saint-Christol-lez-Alès, représentée par la SCP CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- son maire se trouvait en situation de compétence liée pour rejeter la demande de permis de construire présentée par la société requérante en raison de l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial ;

- elle s'en remet à l'appréciation de la cour pour le surplus.

Par une ordonnance en date du 27 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;

- l'ordonnance n° 2020-1507 du 2 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Carteret, substituant Me Debaussart, représentant la société Immobilière européenne des Mousquetaires, et de Me Langlois, substituant la SCP CGCB et associés, représentant la commune de Saint-Christol-lez-Alès.

Considérant ce qui suit :

1. La société Immobilière européenne des Mousquetaires a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, le 22 janvier 2019, pour la réalisation d'un magasin de commerce de bricolage et matériaux de construction à l'enseigne " Brico Cash " sur les parcelles cadastrées section BD nos 169, 170, 172, 174 et 177, situées au lieu-dit " L'Espervette ", sur le territoire de la commune de Saint-Christol-lez-Alès (Gard). Le 11 avril 2019, la commission départementale d'aménagement commercial du Gard a rendu un premier avis défavorable sur ce projet. La société pétitionnaire a présenté, le 31 juillet 2020, pour le même projet légèrement modifié, une nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, laquelle a fait l'objet d'un second avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Gard le 15 octobre 2020. La société Immobilière européenne des Mousquetaires a introduit, le 27 novembre 2020, un recours préalable contre cet avis auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial, mais ladite commission a rejeté ce recours et également émis un avis défavorable sur le projet dans sa séance du 18 février 2021. Par un arrêté du 28 mai 2021, le maire de Saint-Christol-lez-Alès a rejeté la demande de permis de construire présentée le 31 juillet 2020. Par la présente requête, la société Immobilière européenne des Mousquetaires demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article L. 752-1 du code de commerce mentionne que : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / (...) ". L'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d'autorisation présentée par la société Immobilière européenne des Mousquetaires que le projet de magasin en litige porte sur une surface de vente de 4 933,69 mètres carrés. En application des dispositions précitées, le maire de Saint-Christol-lez-Alès était donc lié par l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial le 18 février 2021 et ne pouvait par conséquent que rejeter la demande de permis de construire déposée le 31 juillet 2020. Par les moyens qu'elle soulève, la société requérante invoque l'illégalité de l'avis défavorable du 18 février 2021.

En ce qui concerne la légalité externe :

4. D'une part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial : " Sous réserve de la préservation, le cas échéant, du secret du vote, le président du collège d'une autorité mentionnée à l'article 1er peut décider qu'une délibération sera organisée au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. ". Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 décembre 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire : " Jusqu'à l'expiration de la période de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020 susvisé et prorogé par la loi du 14 novembre 2020 susvisée, augmentée d'une durée d'un mois, (...) peuvent procéder à des délibérations dans les conditions prévues par l'ordonnance du 6 novembre 2014 susvisée et ses mesures réglementaires d'application, à l'initiative de la personne chargée d'en convoquer les réunions, les conseils d'administration ou organes délibérants en tenant lieu, organes collégiaux de direction ou collèges des établissements publics (...). / Il en va de même pour les commissions administratives et pour toute autre instance collégiale administrative ayant vocation à adopter des avis ou des décisions, quels que soient leurs statuts (...). ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 752-34 du code de commerce dans sa version applicable au litige : " (...) / Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties et le membre de la commission départementale désigné en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 752-16 sont convoqués à la réunion (...) ". Selon l'article R. 752-36 du même code : " La commission nationale entend toute personne qui en fait la demande écrite au secrétariat, en justifiant les motifs de son audition, au moins cinq jours avant la réunion. / Sont dispensés de justifier les motifs de leur audition : l'auteur du recours devant la commission nationale, le demandeur (...). / (...) Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. ".

6. Il ressort du procès-verbal de la réunion tenue le 18 février 2021 par la Commission nationale d'aménagement commercial que l'audition des dirigeants et de l'avocat de la société requérante a été organisée par audioconférence. En application de l'article 2 de l'ordonnance susvisée du 6 novembre 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a prévu à l'article 1er de son règlement intérieur que son président pouvait décider d'organiser les séances par voie dématérialisée en cas de circonstance exceptionnelle et notamment d'épidémie. De plus, l'article 1er de l'ordonnance précitée du 2 décembre 2020 permettait également au président de la commission de recourir à une délibération par audioconférence à la date du 18 février 2021. Il ressort par ailleurs du procès-verbal de la réunion de la Commission nationale d'aménagement commercial que les dirigeants et l'avocat de la société pétitionnaire ont pu présenter des observations circonstanciées à l'appui de la demande d'autorisation, s'agissant notamment de la nature de l'offre commerciale, de la gestion des eaux pluviales, de la réalisation d'un écran végétal et de la desserte par les transports alternatifs. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à étayer ses allégations selon lesquelles l'audition se serait déroulée dans des conditions techniques insatisfaisantes. Par suite et alors au surplus que la société avait déjà pu compléter son dossier initial avant la séance en répondant aux questions qui lui avaient été adressées par le service instructeur, le moyen tiré de ce que l'avis de la commission du 18 février 2021 aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. L'article L. 750-1 du code de commerce dispose que : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ".

8.

L'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, mentionne que : " I. - La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; (...) / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre (...), du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / (...) / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; (...) / III. - La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. (...) ".

9. Il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation visés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est localisé à environ 1,3 kilomètre du centre-ville de Saint-Christol-lez-Alès et à 200 mètres de la limite sud du territoire de la commune d'Alès. Si l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial du 18 février 2021 indique que le site est éloigné des principales zones d'habitat et s'il est vrai que le terrain ne se situe pas dans une zone densément bâtie, il ne s'inscrit plus dans les espaces agricoles environnants et s'intègre au contraire dans un secteur à vocation urbaine, le long de la route départementale n° 6110 reliant les zones agglomérées d'Alès et Saint-Christol-lez-Alès. Il est notamment localisé à proximité du lycée Jacques Prévert au sud, de plusieurs constructions accueillant des activités de commerce, services ou artisanat au nord, d'un lotissement pavillonnaire à l'est et d'une zone pavillonnaire plus diffuse à l'ouest. La commune de Saint-Christol-lez-Alès est par ailleurs identifiée comme un " pôle d'appui " au sein du document d'aménagement artisanal et commercial du schéma de cohérence territoriale du Pays des Cévennes et le terrain d'assiette du projet est inclus dans une " zone d'aménagement commercial " au titre de ce schéma. Le terrain est également classé en zone urbaine U4b à vocation d'activités commerciales et tertiaires par le document graphique du plan local d'urbanisme de la commune, avec un emplacement réservé sur sa limite ouest pour l'élargissement de la voie publique dans le cadre d'un projet de contournement routier. En outre, les distances par rapport aux zones d'habitat les plus denses ne sont pas excessives et ne sont notamment pas inappropriées pour un magasin de bricolage et de vente de matériaux.

11. D'autre part, l'analyse d'impact produite par la société Immobilière européenne des Mousquetaires à l'appui de sa demande d'autorisation indique que le projet s'insère dans une zone de chalandise de 137 000 habitants ayant connu une progression démographique de 6,2 % sur les dix dernières années. La Commission nationale d'aménagement commercial a relevé dans son avis que le taux de vacance de locaux commerciaux s'élevait à 20 % pour la commune de Saint-Christol-lez-Alès et à 14 % pour la commune d'Alès, soit des taux supérieurs à la moyenne nationale de 13 %. Elle a également rappelé que la commune d'Alès bénéficiait du programme national " Action cœur de ville " dont l'objectif est notamment de revitaliser son centre-ville. Il n'est cependant pas contesté qu'une localisation en centre-ville serait inadaptée pour la vente de matériaux de construction dans le cadre d'un projet décrit par la société pétitionnaire comme s'inscrivant dans un concept de " magasin-entrepôt ". Il ressort par ailleurs de l'étude relative à la vacance commerciale du centre-ville d'Alès, réalisée par l'agence d'urbanisme de la région nîmoise et alésienne, qu'il existe peu de locaux vacants susceptibles de présenter une surface de vente significative et que nombre de ces locaux sont dégradés, inutilisables, inaccessibles aux personnes à mobilité réduite ou non réellement disponibles. Enfin, il n'existe aucun magasin de bricolage au sein de la commune de Saint-Christol-lez-Alès et, si deux commerces de proximité sont recensés dans le centre-ville d'Alès pour ce secteur d'activité, le projet en litige ne paraît pas de nature à avoir des incidences négatives significatives sur ces derniers, lesquels subissent surtout la concurrence des grandes surfaces généralistes ou spécialisées implantées en périphérie immédiate de la ville. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et alors que la société requérante se prévaut également de sa volonté de réduire le taux d'évasion commerciale vers l'agglomération nîmoise, le projet en litige ne contrarie pas l'objectif de revitalisation du centre-ville.

12. Enfin, il ressort de la motivation de son avis du 18 février 2021 que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a émis aucune réserve sur les conditions de desserte du projet par la route ou par les transports en commun. Elle a seulement relevé que la desserte du magasin par les modes de déplacement doux ne serait pas satisfaisante. Il est vrai que les voies publiques environnantes ne sont que partiellement aménagées pour la circulation piétonne et que seul un tronçon très limité de la route départementale 367a dispose d'une piste cyclable dans le secteur d'implantation du projet. L'insuffisance de l'accessibilité du commerce projeté aux piétons et aux cycles n'est toutefois pas de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée, notamment eu égard à la nature de l'activité prévue, pour laquelle les déplacements se réalisent à 97 % par véhicule individuel motorisé, selon les données non contestées produites par la société requérante. Il ressort au surplus des pièces du dossier que le projet de contournement routier de Saint-Christol-lez-Alès, validé dans son principe, prévoit de créer une piste cyclable.

13. Il résulte de ce qui a été exposé aux trois points précédents que la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet litigieux compromettrait la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire.

S'agissant de l'objectif de développement durable :

14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet ne supporte actuellement aucune construction ni aucun aménagement sur sa superficie totale de 21 150 mètres carrés. Il en ressort également que la réalisation du bâtiment commercial projeté par la société Immobilière européenne des Mousquetaires conduirait à imperméabiliser une superficie de 10 677 mètres carrés sur ce terrain, soit 50,5 % de la superficie totale de l'unité foncière. Dans ces conditions et alors même que la société requérante a prévu de maintenir perméables l'ensemble des places de stationnement et de mettre en place des bassins de rétention pour la gestion des eaux pluviales, la Commission nationale d'aménagement commercial a pu relever à juste titre, dans le cadre de son examen de la qualité environnementale du projet, que la réalisation d'une telle opération impliquerait une importante imperméabilisation du sol.

15. D'autre part, il ressort notamment des plans produits par la société pétitionnaire à l'appui de sa demande d'autorisation que le projet consiste à réaliser un bâtiment de forme parallélépipédique de l'ordre de 150 mètres de longueur, 40 mètres de largeur et 8,50 mètres de hauteur, au bord de la route départementale n° 6110. Par son aspect massif et ses dimensions imposantes, la construction ainsi projetée serait en rupture avec le tissu urbain avoisinant, lequel se caractérise pour l'essentiel par un habitat pavillonnaire de densité et de hauteur mesurées, à l'exception du lycée Jacques Prévert qui est néanmoins implanté plus en retrait par rapport à la route départementale. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes plans que, pour tenir compte de la topographie du terrain naturel, lequel présente une pente de 15 %, la société pétitionnaire a prévu la réalisation d'une plateforme impliquant des remblais et déblais d'une particulière importance, sur des hauteurs comprises entre 5 et 6 mètres aux extrémités nord et sud du terrain, ainsi que l'édification de murs de soutènement imposants sur trois côtés du bâtiment. Dans son avis du 8 octobre 2020, la direction départementale des territoires et de la mer du Gard a d'ailleurs souligné le caractère disproportionné des aménagements prévus et l'aspect monolithique du bâtiment projeté en rupture avec son environnement. Les mesures proposées par la société requérante en termes de plantation de haies végétales ne sont pas suffisantes pour réduire de manière significative les impacts négatifs de l'opération à cet égard. Par suite et ainsi que l'a retenu la Commission nationale d'aménagement commercial dans son avis du 18 février 2021, le projet litigieux ne permet pas une insertion paysagère et architecturale satisfaisante.

16. Enfin, il ressort également des plans annexés à la demande d'autorisation que la zone de livraison prévue par la société Immobilière européenne des Mousquetaires à l'arrière du magasin serait située à seulement 31 à 45 mètres de distance des façades des maisons les plus proches sur le côté est de l'unité foncière et que les poids-lourds auraient vocation à circuler sur la voie communale longeant les habitations implantées au nord et à l'est. Il n'apparaît pas que les nuisances sonores et visuelles susceptibles d'être ainsi engendrées par le projet pour les riverains puissent être limitées de manière efficace par la seule présence des murs de soutènement et des haies végétales prévues par la société pétitionnaire. Par conséquent et compte tenu de ce qui a été indiqué au point précédent en ce qui concerne l'insertion paysagère de la construction, c'est à juste titre que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que le projet porté par la société requérante génèrerait des nuisances pour son environnement proche.

17. Il résulte de ce qui a été exposé aux trois points précédents que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que le projet contesté compromettrait la réalisation de l'objectif de développement durable.

S'agissant de l'objectif de protection des consommateurs :

18. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt, le projet de la société requérante ne peut pas être regardé comme étant insuffisamment proche des lieux de vie. D'autre part, si la Commission nationale d'aménagement commercial a valablement relevé que la société pétitionnaire n'avait pas envisagé des mesures suffisantes pour valoriser les filières de production locales, un tel motif ne saurait toutefois suffire à lui seul pour estimer que le projet compromettrait la réalisation de l'objectif de protection des consommateurs.

19. Il résulte de l'instruction que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait émis le même avis défavorable sur la demande d'autorisation en litige si elle s'était uniquement fondée sur le motif tiré de ce que le projet en cause était de nature à compromettre la réalisation de l'objectif de développement durable, lequel permettait de justifier légalement le sens de cet avis ainsi qu'il a été dit au point 17. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis rendu par cette commission le 18 février 2021 serait illégal.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Immobilière européenne des Mousquetaires n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel le maire de Saint-Christol-lez-Alès a rejeté sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'implantation d'un commerce de bricolage et de matériaux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Immobilière européenne des Mousquetaires et n'appelle pas de mesure d'exécution particulière au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. En conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par ladite société doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société Immobilière européenne des Mousquetaires au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Christol-lez-Alès à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Immobilière européenne des Mousquetaires est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Christol-lez-Alès au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immobilière européenne des Mousquetaires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la commune de Saint-Christol-lez-Alès.

Copie en sera adressée à la préfète du Gard et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL03590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03590
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : DEBAUSSART

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-13;21tl03590 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award