Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 28 novembre 2018, par laquelle le maire de Le Malzieu-Ville a préempté la parcelle section A n° 329 d'une contenance de 311 m², ensemble la décision du 7 mars 2019 de rejet express de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1901433 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire enregistrés le 8 mars 2021 , le 24 mars 2021 et le 17 septembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA00890 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00890, M. C..., représenté par la SCP Ernst et Young, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2021 ;
2°) d'annuler les décisions en litige ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Le Malzieu-Ville une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement a omis de viser les mesures d'instruction mises en œuvre par le juge, soit la mise en demeure de conclure adressée à la commune défenderesse et la demande de pièces complémentaires, ainsi que la production par la commune de la délibération municipale justifiant la délégation au maire, postérieurement à la clôture de l'instruction, méconnaissant ainsi le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte l'acquiescement aux faits de la commune dans l'appréciation portée sur la réalité du projet ;
- le tribunal a commis une erreur dans la qualification juridique des faits en regardant le projet en litige comme une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- le droit de préemption n'a pas été exercé en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, d'une action ou opération répondant à l'un des objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, en méconnaissance de l'article L. 210-1 de ce code ;
- la commune ne justifie pas, à la date de la décision de préemption, de la réalité d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés le 23 juillet 2021 et le 6 janvier 2022, la commune de Le Malzieu-Ville, représentée par la SELARL Symchowicz-Weissberg et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 5 octobre 2022 par une ordonnance en date du même jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Vivien, représentant l'appelant ;
- et les observations de Me Lucas, représentant la commune intimée.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 septembre 2018, le notaire des consorts B... a déclaré à la commune de Le Malzieu-Ville (Lozère) leur intention d'aliéner à M. C..., au prix de 35 000 euros, une parcelle non bâtie située lieudit La Faisse, cadastrée section A numéro 329, à l'intérieur d'une zone soumise au droit de préemption urbain. Par une décision du 28 novembre 2018, le maire de Le Malzieu-Ville a exercé au nom de la commune le droit de préemption urbain sur cette parcelle, au même prix, en vue de l'agrandissement de l'aire de jeux du rez-de-jardin de l'école publique et l'aménagement de son accès. Par la présente requête, M. C..., acquéreur évincé, relève appel du jugement n° 1901433 en date du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision de préemption ainsi que la décision du 7 mars 2019 rejetant son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, ni l'article R. 741-2 du code de justice administrative ni aucune règle générale de procédure ne prévoient que figurent dans les visas du jugement des mentions relatives à la mise en œuvre des pouvoirs d'instruction du juge, sur le fondement des articles R. 612-3 et R. 613-1-1 du même code. Par suite, l'absence de ces mentions dans les visas n'est pas susceptible d'entacher le jugement attaqué d'une méconnaissance du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable.
3. En deuxième lieu, il incombe au tribunal de tenir compte d'une délégation de signature et des éléments relatifs à la publication de cet acte réglementaire qui ont été produits après la clôture de l'instruction et alors même que le défendeur était en mesure de les verser aux débats avant cette clôture. Contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges pouvaient régulièrement se fonder au point 3 de leur jugement sur la délibération du 3 novembre 2014 par laquelle le conseil municipal a délégué l'exercice du droit de préemption au maire de Le Malzieu-Ville pour la durée de son mandat, sans être tenus d'en ordonner préalablement la communication aux parties, ni de rouvrir l'instruction. Au demeurant, cette délibération a été versée au contradictoire par les premiers juges en application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative. Enfin, le fait, pour le jugement attaqué, après avoir analysé les moyens contenus dans les mémoires produits par les parties, d'avoir visé " les autres pièces du dossier " sans mentionner spécifiquement les pièces produites le 28 décembre 2020 après mise en œuvre par le tribunal des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative par une demande de pièces complémentaires du 9 décembre 2020, n'entache pas le jugement d'irrégularité.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ". La méconnaissance par les premiers juges de ces dispositions, à la supposer avérée, n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Par suite, M. C... ne saurait utilement se prévaloir d'un tel moyen pour contester la régularité du jugement. Au demeurant, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges se sont bornés à vérifier l'exactitude des faits exposés par le requérant dans ses écritures, au regard des pièces du dossier versées par ce dernier à l'appui de sa requête introductive d'instance. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour méconnaissance de la " règle de l'acquiescement aux faits " doit être écarté.
5. En dernier lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et de qualification juridique des faits que les premiers juges auraient commises pour contester la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations ".
7. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
8. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Le Malzieu-Ville a exercé le droit de préemption urbain de la commune sur la parcelle dont s'agit, au même prix, en vue de l'agrandissement de l'aire de jeux du rez-de-jardin de l'école publique et l'aménagement de son accès. Il ressort en particulier du rapport de motivation annexé à la décision du 28 novembre 2018, que ce projet permettra aux élèves de profiter d'un sol végétalisé, notamment pour la pratique d'activités sportives et ludiques, évitera les déplacements des élèves vers le terrain de sports de la commune situé à 800 mètres de distance, ainsi que les décalages des récréations des classes induites par le manque de surface de jeux. En outre, ce projet d'aménagement permettra d'améliorer l'accès de l'école, après réalisation d'un nouveau portail, notamment pour les véhicules de secours et de lutte contre les incendies. Dans ces conditions, ce motif est d'intérêt général en ce que ce projet d'extension d'un équipement collectif répond à l'un des objectifs mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. La réalité de ce projet est, pour sa part, démontrée tant par sa nature, mentionnée dans la décision de préemption et son rapport de motivation, que par le plan de masse simplifié daté du 17 octobre 2018 qui présente l'aménagement projeté, et ce alors même que ses caractéristiques précises n'auraient pas été définies à cette date.
9. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par elle. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme que demande la commune de Le Malzieu-Ville au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Le Malzieu-Ville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à sera notifié à M. A... C... et à la commune de Le Malzieu-Ville.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Lozère, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL00890