La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2023 | FRANCE | N°22TL21514

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 11 juillet 2023, 22TL21514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M .A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202038 du 10 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administ

ratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet de la Haute-Garonne.

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M .A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202038 du 10 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet de la Haute-Garonne.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, sous le n° 22TL21514, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- le premier juge a commis une erreur de droit en considérant que les dispositions des articles L. 521-1, L. 521-7 et R. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obligation à l'autorité de police de transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'asile présentée par un étranger à l'occasion de son interpellation ; en effet, les services de police ont seulement le devoir, ce qu'ils ont fait, d'orienter le ressortissant étranger vers l'autorité compétente ; en l'espèce, M. B... a reçu une brochure détaillant les démarches qu'il devait accomplir pour déposer une demande d'asile en bonne et due forme ;

- par ailleurs, il a été procédé à un examen sérieux de la situation de M. B..., qui est célibataire, sans enfant, n'a ni attaches en France, ni ressources, ni adresse fixe et n'a présenté ni documents d'identité, ni de voyage en cours de validité.

II. Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, sous le n° 22TL21515, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n ° 2202038 du 10 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse par lequel le tribunal a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Il soutient que les conditions d'octroi du sursis à exécution de ce jugement sont remplies dès lors qu'il justifie, dans sa requête au fond, de moyens sérieux d'annulation de ce jugement et à l'appui du rejet des conclusions en annulation et en injonction présentées par M. B....

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 23 juin 1992 et qui serait de nationalité tunisienne, déclare être entré sur le territoire français au début de l'année 2022. Il a été interpellé par les services de police le 6 avril 2022 et, par un arrêté du 7 avril 2022, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

2. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel et demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 10 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté précité.

3. Les requêtes précitées n°s 22TL21514 et22TL21515 concernent la situation de M. B.... Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En vertu de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, à la détermination de l'État responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, (...), ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement ". En vertu de l'article L. 521-7 de ce code : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'État. (...) La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2. / (...) ". Par ailleurs, selon l'article R. 521-1 du même code : " (...) lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police ". Et selon son article R. 521-4 : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, il est orienté vers l'autorité compétente. (...) Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile et dispensent pour cela la formation adéquate à leurs personnels ".

5. Les dispositions précitées ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger formule une demande d'asile, à l'occasion de son interpellation. Hors les cas concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger formulant sa demande d'asile à la frontière ou en rétention et hors les cas visés aux c) et d) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet saisi d'une demande d'asile est ainsi tenu de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 521-7. Par voie de conséquence, ces dispositions font légalement obstacle à ce que l'autorité administrative prenne une mesure d'éloignement à l'encontre de l'étranger qui, avant le prononcé d'une telle mesure, a clairement exprimé le souhait de former une demande d'asile devant les services de police lors de son interpellation, même s'il ne s'est pas volontairement présenté devant eux.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déclaré explicitement, lors de son audition par les services de police du 25 février 2022, vouloir demander l'asile en France. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de l'intéressé entrait dans les cas visés aux c) et d) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les services de police étaient tenus de transmettre cette demande aux services préfectoraux et ceux-ci de l'enregistrer et de remettre à M. B... une attestation de demandeur d'asile. L'administration ne saurait être regardée comme ayant satisfait à ces obligations en se bornant à remettre à l'intéressé, à l'issue de cette audition du 25 février 2022, un simple document d'information décrivant les démarches à engager pour déposer une demande d'asile. Par suite, le préfet, auquel il n'appartenait pas d'apprécier le bien-fondé de la demande d'asile formulée par l'intimé, ne pouvait, à l'occasion de son interpellation le 6 avril 2022, prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans entacher sa décision d'une erreur de droit. La circonstance par ailleurs invoquée par le préfet selon lequel M. B... n'aurait pas, postérieurement à sa retenue administrative du 7 février 2022, alors qu'il en avait la possibilité, présenté de demande d'asile, se trouve sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 7 avril 2022.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel il a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur la requête n° 22TL21515 :

8. Dès lors qu'il est statué au fond par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 22TL21514 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 22TL21515 présentée par le préfet de la Haute-Garonne.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 22TL21514 et 22TL21515

2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21514
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : MOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-11;22tl21514 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award