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11/07/2023 | FRANCE | N°21TL20708

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 11 juillet 2023, 21TL20708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 décembre 2015 de la commune d'Albi ainsi que les décisions du 23 juin 2014 et du 7 mars 2016 de la communauté d'agglomération de l'Albigeois portant refus de réalisation des travaux confortatifs des berges du Séoux, d'enjoindre à ces collectivités de réaliser les travaux définis par l'expert judiciaire et de les condamner solidairement à leur verser la somme de 134 020,72 euros en réparation des préju

dices subis dont 10 000 euros au titre du préjudice moral.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 décembre 2015 de la commune d'Albi ainsi que les décisions du 23 juin 2014 et du 7 mars 2016 de la communauté d'agglomération de l'Albigeois portant refus de réalisation des travaux confortatifs des berges du Séoux, d'enjoindre à ces collectivités de réaliser les travaux définis par l'expert judiciaire et de les condamner solidairement à leur verser la somme de 134 020,72 euros en réparation des préjudices subis dont 10 000 euros au titre du préjudice moral.

Par un jugement n° 1601565 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires en réponse, enregistré le 16 août 2021, le 26 janvier 2022 et le 10 mai 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, et des pièces enregistrées le 27 septembre 2022, Mmes A..., représentées par Me Larrouy-Castéra, demandent :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions de rejet de leurs demandes préalables adressées à la commune d'Albi et à la communauté d'agglomération de l'Albigeois ;

3°) d'enjoindre à ces collectivités publiques de réaliser les travaux définis par le rapport de l'expert judiciaire de nature à mettre fin aux préjudices subis dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune d'Albi et la communauté d'agglomération de l'Albigeois à leur verser une somme de 150 820,72 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de mettre à la charge de ces collectivités publiques la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais de l'expertise judiciaire.

Elles soutiennent que :

- la responsabilité de la commune d'Albi est engagée au titre de la carence fautive de son maire dans l'exercice des pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; les critères de la gravité et de l'imminence du danger posés pour l'application de cet article, ne sont pas cumulatifs mais alternatifs ; le risque d'effondrement du talus et, par voie de conséquence, de leur maison, est imminent ; la gravité du risque est suffisamment caractérisée ; de plus, l'instabilité du talus ne résulte pas d'une cause intrinsèque au tréfonds de leur propriété et de leur inaction à l'entretenir dès lors qu'elles n'en sont pas les propriétaires et ne peuvent être qualifiées de propriétaires riveraines

- la responsabilité de la communauté d'agglomération de l'Albigeois est engagée en raison du caractère insuffisant et non-conforme des travaux entrepris en vertu de l'arrêté préfectoral du 25 août 2010 pris sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, déclarant la restauration du lit et des berges du ruisseau du Séoux d'intérêt général ; l'imparfaite exécution des travaux, en méconnaissance des prescriptions de l'arrêté, est la cause exclusive des dommages subis ; elles ne sont pas propriétaires du talus litigieux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 avril et 16 novembre 2021 et le 6 octobre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune d'Albi et la communauté d'agglomération de l'Albigeois, représentées par Me Lecarpentier, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mmes A... une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- le maire de la commune d'Albi n'a commis aucune carence fautive sur le fondement de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales supposant une situation de danger à la fois grave et imminent qui, dans les circonstances de l'espèce, n'était pas constituée ;

- en tout état de cause, il n'existe pas de lien de causalité entre cette supposée carence du maire et les préjudices allégués dès lors que les expertises mettent en évidence l'existence d'une cause intrinsèque à l'instabilité du talus litigieux et que la perte de jouissance du jardin trouve son origine dans la configuration et la composition du talus que les requérantes étaient tenues d'entretenir en qualité de propriétaires riveraines d'un cours d'eau non domanial en application de l'article L. 215-14 du code de l'environnement ; de plus, à supposer la carence du maire établie, elle ne saurait engager la responsabilité de la commune d'Albi dès lors que l'intervention du maire dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale de l'eau, s'effectue au nom de l'État ;

- les dommages résultant de l'inexécution ou la mauvaise exécution d'une opération de travaux publics ne sont pas qualifiables de dommages de travaux publics ; les préjudices allégués ne trouvent pas leur origine dans la réalisation des travaux de reprofilage du lit et des berges du Séoux que la communauté d'agglomération a réalisés mais dans le refus de financement des travaux préconisés par différents experts qui leur incombe en tant que propriétaires du talus.

Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée 18 octobre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique

-et les observations de Me Cadiou, représentant Mmes A... et celles de Me Lecarpentier, représentant la commune d'Albi et la communauté d'agglomération de l'Albigeois.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est usufruitière et occupante d'une maison d'habitation avec jardin, sise ... à Albi, dans le lotissement Sainte Carême, ..., surplombant le ruisseau du Séoux, cours d'eau non domanial. Sa fille, Mme C... A..., est nue-propriétaire de ce bien. Par arrêté préfectoral en date du 25 août 2010, la restauration du lit et des berges du ruisseau précité a été déclarée d'intérêt général. Des travaux ont été réalisés à compter du 13 septembre 2010. Puis, par lettre du 23 juin 2014, la communauté d'agglomération de l'Albigeois a refusé d'effectuer les travaux modificatifs de stabilisation du talus demandés par Mme A... tandis que, par lettre du 14 décembre 2015, la commune d'Albi a refusé la demande de Mme A... tendant à la réalisation de travaux de confortement du talus situé en fond de sa propriété ainsi qu'au dédommagement, à hauteur de 47 855,59 euros, du préjudice qu'elle aurait eu à subir du fait de son voisinage immédiat avec le ruisseau du Séoux. Enfin, par lettre du 7 mars 2016, la communauté d'agglomération de l'Albigeois a refusé de réaliser les travaux confortatifs du talus et a rejeté la demande indemnitaire formulée par les intéressées. Mmes A... relèvent appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande indemnitaire et en injonction.

Sur la responsabilité de la commune d'Albi :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les éboulements de terre ou de rochers (...), de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'État dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 215-7 du code de l'environnement : " L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux (...) ". Et aux termes de l'article L. 215-12 du même code : " Les maires peuvent, sous l'autorité des préfets, prendre toutes les mesures nécessaires pour la police des cours d'eau ". En vertu des pouvoirs de police qui lui sont confiés par les dispositions de l'article L. 215-7 du code de l'environnement, il appartient au préfet de prendre toutes dispositions nécessaires au libre cours des eaux, le maire pouvant, sous l'autorité de celui-ci, prendre également les mesures nécessaires pour la police des cours d'eau non domaniaux en application des dispositions de l'article L. 215-12 du même code. Le maire exerce alors cette police spéciale en tant qu'agent de l'État, et non comme exécutif de la commune. La carence fautive du maire dans l'exercice de cette police spéciale, est susceptible d'engager la responsabilité de l'État et non celle de la commune.

4. S'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, le maire ne saurait toutefois s'immiscer dans l'exercice de la police spéciale du préfet qu'en cas de péril imminent.

5. Il est constant que le ruisseau " Le Séoux ", qui borde la propriété de Mmes A..., constitue un cours d'eau non domanial. Les constats de l'expert judiciaire, qui fait état, dans son rapport du 19 juin 2015, de ce que l'érosion du talus peut devenir menaçante à terme pour la partie sud de l'habitation et de ce que l'instabilité du talus est effectivement de nature dans un temps plus ou moins long à créer des éboulements successifs, ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'un danger imminent justifiant que le maire d'Albi prenne des mesures provisoires pour y remédier. Par suite, la responsabilité de la commune d'Albi ne saurait être engagée sur le fondement de la carence fautive de son maire à exercer ses pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.

Sur la responsabilité de la communauté d'agglomération de l'Albigeois :

6. L'article L. 215-2 du code de l'environnement dispose que : " le lit des cours d'eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives (...) " et l'article L. 215-4 du même code pose le principe de l'entretien des cours d'eau non domaniaux par les propriétaires riverains, en précisant, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, que : " (...) L'entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique (...) notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives ". En vertu des dispositions du I de l'article L. 211-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent " utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, s'il existe, et visant : 1° L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ; (...) 4° La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols ; (...) 7° La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines ; 8° La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines ; 9° Les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile ; (...) ". L'article L. 151-37 du code rural et de la pêche maritime dispose : " Le programme des travaux à réaliser est arrêté par la ou les personnes morales concernées. Il prévoit la répartition des dépenses de premier établissement, d'exploitation et d'entretien des ouvrages entre la ou les personnes morales et les personnes mentionnées à l'article L. 151-36 ", c'est-à-dire celles qui ont rendu les travaux nécessaires ou qui y trouvent intérêt.

7. Il résulte de ces dispositions que ni l'État ni les collectivités territoriales ou leurs groupements n'ont l'obligation d'assurer la protection des propriétés voisines des cours d'eau non domaniaux contre l'action naturelle des eaux, cette protection incombant, en vertu des dispositions de l'article L. 215-14 du code de l'environnement, au propriétaire riverain c'est-à-dire au propriétaire qui est tenu à un entretien régulier du cours d'eau non domanial qui borde sa propriété. Au sens de ces dispositions, le propriétaire riverain doit être entendu comme la personne dont la propriété borde le cours d'eau. Toutefois, sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent prendre à leur charge des travaux d'intérêt général relevant des propriétaires riverains.

8. La responsabilité des collectivités territoriales ou de leurs groupements qui ont pris en charge les travaux déclarés d'intérêt général par le préfet sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, peut être engagée à l'égard des propriétaires riverains du cours d'eau non domanial au titre des dommages de travaux publics conduits dans des conditions anormales qui présentent, de ce fait, un caractère accidentel.

9. Selon le rapport d'expertise judiciaire du 19 juin 2015, l'érosion du talus à l'origine des désordres constatés, à savoir une perte de terrain en crête de talus et la fissuration d'une jardinière, est due à des causes naturelles provenant des effets conjugués de l'écoulement des eaux du ruisseau du Séoux et d'averses de pluies fortes et successives. Il relève également une aggravation de ce phénomène naturel depuis 1988 résultant de l'absence d'intervention des propriétaires riverains et du fait que les travaux d'aménagement du talus, qui ne se sont pas attaqués à la cause réelle du problème, n'ont pas permis d'y remédier.

10. Sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, cité au point 6, la communauté d'agglomération de l'Albigeois, qui a entrepris des travaux consistant en l'aménagement du lit et des berges du Séoux visant à stabiliser le talus riverain et le profil en long du cours d'eau, après que le préfet eut prononcé, par son arrêté du 25 août 2010, le caractère d'intérêt général de ces travaux, doit être regardée comme ayant pris à sa charge une mission d'entretien du cours d'eau dans l'intérêt général. Ces divers travaux, qui ont ainsi été effectués dans l'intérêt général pour pallier la carence des propriétaires riverains auxquels il incombait d'assurer l'entretien de ce ruisseau au droit de leur propriété, revêtaient le caractère de travaux publics.

11. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du compte-rendu de contrôle effectué le 27 septembre 2011 par les services de la préfecture que les travaux réalisés n'étaient pas conformes à ceux définis dans le dossier déposé et déclarés d'intérêt général par l'arrêté du 25 août 2010 et que la consolidation des berges n'était pas assurée. De plus, il est constant qu'eu égard aux désordres constatés, la communauté d'agglomération de l'Albigeois a engagé un contentieux à l'encontre de la société Chognot qui avait réalisé ces travaux. Ainsi, ces éléments, qui corroborent le rapport d'expertise du 19 juin 2015, mettent en évidence que ces travaux n'ont pas été conduits dans des conditions normales. Par suite, Mmes A... sont fondées à soutenir que la responsabilité de la communauté d'agglomération de l'Albigeois est engagée à leur égard.

12. Toutefois, Mmes A..., qui avaient vocation à tirer bénéfice des travaux, doivent être regardées comme ayant la qualité d'usager par rapport à ces travaux. Dès lors qu'il ressort également du rapport d'expertise que le retard des propriétaires des rives à intervenir est à l'origine de l'érosion du talus dans les proportions constatées à la date de l'expertise, Mmes A... qui supportent l'obligation d'entretien des berges du Séoux, doivent être regardées comme étant responsables des conséquences dommageables à hauteur d'une moitié et la communauté d'agglomération de l'Albigeois à hauteur de la moitié restante.

13. Il en résulte que Mmes A... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs conclusions indemnitaires à l'encontre de la communauté d'agglomération de l'Albigeois.

Sur les préjudices :

14. En premier lieu, les requérantes se prévalent d'une diminution de la valeur vénale de leur propriété et d'une perte de jouissance de leur jardin résultant de la perte de terrain en crête de talus. Le rapport d'expertise judiciaire du 19 juin 2015 relève l'existence de cette perte de terrain en crête de talus comme constituant le seul préjudice subi, à la date de sa rédaction, par Mmes A.... Toutefois, l'existence des chefs de préjudices en procédant ne peut être regardée comme établie qu'à la condition que cette perte de terrain soit advenue au cours de la période de dix ans d'autorisation des travaux déclarés d'intérêt général, soit du 25 août 2010 au 25 août 2020. Il n'est cependant pas utilement contesté que la perte de terrain a commencé en 1988 et qu'à la date du rapport d'expertise du 18 juillet 2014 de l'entreprise Eleta, diligentée à la demande de Mme A..., un glissement de terrain avait été constaté, établissant à 4,80 m la distance entre le talus et la maison. De plus, il ressort du constat d'huissier du 2 mars 2021 que la maison n'était plus à cette date située qu'à 4,36 m du talus. En conséquence, la perte de terrain en crête subi par Mmes A... doit être regardée comme établie de 2010 à 2020.

15. D'une part, l'estimation de la valeur vénale de la propriété de Mmes A... reposant sur une attestation d'une agence immobilière ainsi que la proportion de la perte de valeur vénale estimée à 5 % par ces dernières n'étant pas contestées en défense, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 9 000 euros. Compte tenu de la part de responsabilité de la communauté d'agglomération de l'Albigeois dans la réalisation de ce préjudice, cette dernière doit être condamnée à verser à Mmes A... la somme de 4 500 euros pour ce chef de préjudice.

16. D'autre part, l'estimation de la valeur locative mensuelle de la maison des requérantes à 700 euros n'est pas contestée en défense. La perte de valeur locative, estimée à 50 % par les requérantes étant excessive au regard du dommage, peut être évaluée à 10 %. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 5 040 euros. Compte tenu de la part de responsabilité de la communauté d'agglomération de l'Albigeois dans la réalisation de ce préjudice, cette dernière doit être condamnée à verser à Mmes A... la somme de 2 520 euros pour ce chef de préjudice.

17. En dernier lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral dont se prévalent les requérantes, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros. Compte tenu de la part de responsabilité de la communauté d'agglomération de l'Albigeois dans la réalisation de ce préjudice, cette dernière doit être condamnée à verser à Mmes A... la somme de 500 euros pour ce chef de préjudice.

18. Il résulte de ce qui précède que Mme A... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande indemnitaire en tant qu'il n'a pas condamné la communauté d'agglomération de l'Albigeois à leur verser la somme de 7 520 euros.

Sur les conclusions en injonction :

19. La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d'une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables de ce comportement.

20. Elle peut également, lorsqu'elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu'elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. De telles conclusions à fin d'injonction ne peuvent être présentées qu'en complément de conclusions indemnitaires.

21. De la même façon, le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires.

22. Dès lors que, par son arrêté du 25 août 2010, le préfet a accordé à la communauté d'agglomération de l'Albigeois une autorisation de réaliser des travaux déclarés d'intérêt général pour une période de dix ans, le dommage de travaux public imputable à cette personne publique ne peut être regardé comme persistant à la date du présent arrêt. Par suite, les conclusions en injonction ne peuvent qu'être écartées.

Sur les frais d'expertise :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la part de responsabilité encourue par chacune des parties, de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Toulouse, d'un montant de 2 234,87 euros, pour une moitié à la charge de la communauté d'agglomération de l'Albigeois et pour l'autre moitié de Mmes A..., soit pour un montant de 1 117,43 euros chacune.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la communauté de l'Albigeois sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, Mmes A... n'étant pas la partie perdante à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de même nature présentées par la commune d'Albi.

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de l'Albigeois une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur ce fondement à l'encontre de la commune d'Albi qui n'est pas partie perdante, ne peuvent être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1 : La communauté d'agglomération de l'Albigeois versera à Mmes A... la somme de 7 520 euros en réparation des préjudices subis

Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise, d'un montant de 2 234,87 euros, sont mis à la charge, pour une moitié, de la communauté d'agglomération de l'Albigeois, pour un montant de 1 117,43 euros, pour l'autre moitié à la charge de Mmes A..., pour un même montant.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2.

Article 4 : La communauté d'agglomération de l'Albigeois versera à Mmes A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des prétentions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Mme C... A..., à la commune d'Albi et à la communauté d'agglomération de l'Albigeois.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL20708


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL20708
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

27-01-01 Eaux. - Régime juridique des eaux. - Régime juridique des cours d'eau.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-11;21tl20708 ?
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