Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la société Enedis à lui payer la somme de 34 680 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de déplacement d'un poteau électrique implanté en bordure du chemin de desserte des lots du lotissement " B... C... " situé à Bagnols-sur-Cèze dans le Gard.
Par une ordonnance n° 2102133 du 8 octobre 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. C..., représenté par la SCP Lemoine Clabeaut, demande :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nîmes du 8 octobre 2021 ;
2°) de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 34 680 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que dans le délai imparti pour présenter son mémoire complémentaire, il a présenté le jugement rendu le 11 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Nîmes sur la base duquel il recherchait la responsabilité d'Enedis au titre de son inertie fautive ; il a ainsi apporté les précisions suffisantes permettant d'apprécier le bien-fondé de sa demande ;
- la responsabilité de la société Enedis est engagée en raison de son inertie fautive à procéder au déplacement du poteau litigieux dès lors que tant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nîmes que la cour d'appel de Nîmes ont reconnu cette carence ;
- il a subi un préjudice du fait de cette inertie fautive d'Enedis, correspondant au montant de l'astreinte fixée par le juge de l'exécution à 31 680 euros ; il a en outre, subi un préjudice moral qu'il estime à 3 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2023, la société Enedis, représentée par le cabinet Delran, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le requérant ne produit pas la décision contestée ;
- l'action indemnitaire du requérant est prescrite sur le fondement de l'article L. 323-8 du code de l'énergie ;
- elle n'a commis aucune faute.
Par une ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 avril 2023 à 12 heures.
En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par lettre du 20 juin 2023 que la cour est susceptible de soulever d'office l'incompétence du juge administratif à connaître des conclusions indemnitaires concernant un dommage occasionné par le déplacement du poteau électrique en litige qui est la conséquence directe de la servitude que constitue ledit poteau électrique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a cédé à M. A... les parcelles ... d'un lotissement situé à Bagnols-sur-Cèze (Gard). L'accès à ce lot s'effectue par une impasse privative nommée " impasse ... " sur laquelle était implanté un poteau électrique. Par un jugement du 19 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Nîmes a condamné M. C... à enlever ce poteau dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement et, à défaut d'exécution dans le délai imparti, a fixé une astreinte de 80 euros par jour de retard. Par un jugement du 11 janvier 2019, le juge de l'exécution de ce tribunal a liquidé le montant de l'astreinte à verser à M. A... pour un montant de 31 680 euros. M. C... relève appel de l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nîmes rejetant sa demande de condamnation de la société Enédis à lui payer la somme de 34 680 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de déplacement du poteau électrique litigieux.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article L. 323-7 du code de l'énergie : " Lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L. 323-4 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L'indemnité qui peut être due à raison des servitudes est fixée, à défaut d'accord amiable, par le juge judiciaire ".
3. Il résulte de ces dispositions que si les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d'entretien des ouvrages ressortissent à la compétence des juridictions administratives, en revanche, les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées par les dispositions du code de l'énergie au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, tels que la dépréciation de l'immeuble, les troubles de jouissance et d'exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien.
4. La demande de M. C..., propriétaire du terrain sur lequel la société Enédis avait implanté un pylône supportant une ligne électrique, tendant à ce que lui soient remboursés les frais d'astreinte mis à sa charge par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nîmes, à raison de l'inertie de cette société à effectuer le déplacement de ce pylône, doit être regardée comme tendant à l'indemnisation d'un dommage constituant une conséquence d'une servitude au sens de l'article L. 323-7 du code de l'énergie. Il en résulte que le litige opposant M. C... à Énédis quant à l'indemnisation de ce dommage relève de la compétence du juge judiciaire.
5. Il résulte de ce qui a été exposé aux points précédents qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître de la demande indemnitaire présentée par M. C.... Dès lors, il y a lieu d'annuler l'ordonnance n° 2102133 du 8 octobre 2021 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nîmes s'est reconnu compétent pour en connaître et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant une somme sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif du 8 octobre 2021 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la société anonyme Enédis.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :
M. D...,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. D...
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21TL04670