Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 23 juin 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron a maintenu le projet parcellaire et rejeté sa demande d'indemnisation présentée à la suite du remembrement intercommunal engagé le 3 septembre 2002 sur le territoire des communes de Lapanouse-de-Séverac, Buzeins et Lavernhe-de-Séverac et de lui attribuer une indemnité de 18 715 euros.
Par un jugement n° 1800259 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021 sous le n° 21BX00360 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL20360 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du 23 juin 2017 ;
3°) de lui attribuer une indemnité de 18 715 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et du département de l'Aveyron une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le remboursement du droit de plaidoirie.
Il soutient que :
- la délibération contestée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime ;
- elle n'est pas intervenue dans le délai d'un an prévu par l'article L. 121-10 du code rural et de la pêche maritime ;
- la composition de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron n'était pas régulière ;
- la dépossession de la parcelle cadastrée section ..., d'une superficie d'environ 3 000 mètres carrés et traversée par un canal d'irrigation, ne pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation, donner lieu à la seule attribution en équivalence de 120 points ;
- la commission n'a pas tenu compte de ce que la parcelle cadastrée section ... constitue un immeuble à destination spéciale au sens de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant sont inopérants ou ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me B... pour M. A....
Une note en délibéré présentée pour M. A... par Mme B... a été enregistrée le 23 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion de la réalisation du projet de mise à deux fois deux voies de la route nationale 88 entre Rodez et Séverac-le-Château, une opération de remembrement intercommunal a été ordonnée par arrêté préfectoral du 3 septembre 2002 sur le territoire des communes de Lapanouse-de-Séverac, Buzeins et Lavernhe-de-Séverac (Aveyron). Par un jugement du 24 mars 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération des 29 et 30 novembre 2006 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron avait rejeté la réclamation de M. A... relative aux parcelles qui lui avaient été attribuées dans le cadre de ce remembrement. En exécution de ce jugement, la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron s'est prononcée une nouvelle fois sur la réclamation de M. A... et l'a rejetée par une délibération du 23 juin 2017. M. A... fait appel du jugement du 27 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière délibération et à l'octroi d'une indemnité de 18 715 euros.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'octroi d'une indemnité :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-10 du code rural et de la pêche maritime : " La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés (...) devant la juridiction administrative. / En cas d'annulation par cette juridiction d'une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive ".
3. La circonstance que la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron s'est prononcée sur la réclamation de M. A... après l'expiration du délai prévu par les dispositions du second alinéa de l'article L. 121-10 du code rural et de la pêche maritime, dont le respect n'est pas prescrit à peine de nullité ou de dessaisissement, est sans incidence sur la légalité de la délibération contestée et sur le droit du requérant au bénéfice de l'indemnité réclamée.
4. En deuxième lieu, l'article L. 121-8 du code rural et de la pêche maritime, qui définit la composition de la commission départementale d'aménagement foncier, dispose également, en son avant-dernier alinéa, que : " La commission peut appeler à titre consultatif toute personne dont il lui paraît utile de recueillir l'avis ".
5. D'une part, aucun texte ne prévoyant que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier doit comporter la liste des membres de la commission ayant participé à la délibération, le moyen tiré de l'absence de cette mention ne saurait être accueilli. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que l'administration doit produire le procès-verbal de présence correspondant à la séance de la commission du 23 juin 2017, ainsi que le nombre des votants et la teneur du vote, afin de vérifier la régularité de sa composition, le respect des règles de quorum et la répartition des votes, M. A... n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
6. D'autre part, il ressort des mentions de l'extrait du registre des délibérations de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron concernant la séance du 23 juin 2017, dont l'inexactitude n'est pas établie, que la responsable de la mission appui juridique et administratif de la direction départementale des territoires de l'Aveyron assurant les fonctions de secrétaire de la commission n'a pas participé aux délibérations. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux géomètres-experts qui ont été entendus par la commission à titre d'information, dès lors qu'ils avaient suivi l'opération de remembrement, aient ait été présents lorsque la commission s'est prononcée sur la réclamation de M. A.... Ainsi ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la commission aurait siégé dans des conditions irrégulières.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque la commission départementale, saisie à nouveau à la suite d'une annulation par le juge administratif, constate que la modification du parcellaire nécessaire pour assurer par des attributions en nature le rétablissement dans leurs droits des propriétaires intéressés aurait des conséquences excessives sur la situation d'autres exploitations, elle peut, par décision motivée, prévoir que ce rétablissement sera assuré par une indemnité à la charge du département, dont elle détermine le montant ".
8. La délibération contestée, par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de l'Aveyron a maintenu le projet parcellaire et rejeté la demande d'indemnisation de M. A..., après avoir estimé que son compte de propriété était équilibré, ne relève pas des dispositions de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime. Par suite, elle n'était pas au nombre des décisions qui doivent être motivées au titre de ces dispositions. En conséquence, le moyen ainsi soulevé doit être écarté comme inopérant.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime : " Doivent être réattribués à leurs propriétaires, sauf accord contraire, et ne subir que les modifications de limites indispensables à l'aménagement : (...) 5° De façon générale, les immeubles dont les propriétaires ne peuvent bénéficier de l'opération d'aménagement foncier agricole et forestier, en raison de l'utilisation spéciale desdits immeubles ".
10. La présence d'un surcreusement encadré de deux alignements d'arbres traversant la parcelle cadastrée section ..., constituant les vestiges d'un canal d'irrigation dont il n'est pas établi qu'il était utilisable et utilisé à la date d'ouverture des opérations de remembrement, ne saurait conférer à cette parcelle le caractère de terrain à utilisation spéciale au sens des dispositions de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime. En outre, le requérant n'apporte pas la preuve, en tout état de cause, de ce que ce canal serait indissociable d'un moulin fondé en titre. Par suite, le moyen tiré de ce que la parcelle cadastrée section ... aurait dû être réattribuée à M. A... en application de ces dispositions doit être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés (...) ". Ces dispositions ne garantissent aux propriétaires ni une égalité absolue entre la surface qui leur est attribuée et celle de leurs apports, ni une équivalence parcelle par parcelle ou classe par classe entre ces terres. Les commissions d'aménagement foncier sont seulement tenues d'attribuer des lots équivalents en valeur de productivité réelle aux apports de chaque propriétaire après déduction de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs. L'aggravation éventuelle des conditions d'exploitation et la règle de l'équivalence entre les apports et les attributions s'apprécient non parcelle par parcelle mais pour l'ensemble d'un compte de propriété.
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a reçu 58 hectares 53 ares 76 centiares d'une valeur culturale de 892 360 points en échange d'apports de 58 hectares 4 ares 37 centiares valant 881 053 points. Les seules circonstances que la parcelle cadastrée section ... est traversée par un ancien canal d'irrigation, qui est sans incidence sur la valeur de productivité réelle des sols, et que le comblement hypothétique de ce canal rendrait erroné son classement en catégorie de culture " terres labourables " ne sont pas de nature à établir une sous-évaluation par la commission départementale d'aménagement foncier. Compte tenu du caractère excédentaire du compte de propriété de M. A..., à hauteur de 11 307 points et d'ailleurs de 49 ares 39 centiares, la prétendue sous-évaluation de la parcelle cadastrée section ..., tirée de ce que son estimation à une valeur de 120 points serait insuffisante et de ce que la superficie retenue l'aurait diminuée de 1 800 mètres carrés par rapport à la réalité, ne suffit pas à considérer que la commission aurait méconnu la règle d'équivalence posée par l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime ou que sa délibération conduirait à une aggravation des conditions d'exploitation.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et du département de l'Aveyron, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. Pour les mêmes motifs, les conclusions de M. A... tendant au remboursement du droit de plaidoirie doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron et au département de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL20360 2