Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2107294 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et mis à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2023, sous le n° 23TL00023, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel il lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le tribunal ne pouvait se fonder sur la méconnaissance de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour annuler l'arrêté en litige alors que seule la preuve de la contribution matérielle du père à l'entretien de son enfant est rapportée, à l'exclusion d'éléments démontrant qu'il aurait conservé des liens personnels avec celui-ci et qu'il participerait à son éducation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, Mme D..., représentée par Me Seignalet-Mauhourat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Mme D... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 7 juin 2023.
II. Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2023, sous le n° 23TL00024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2107294 rendu par le tribunal administratif de Toulouse le 6 décembre 2022.
Il soutient que la requête par laquelle il a saisi la cour comporte un moyen sérieux de nature à justifier, en l'état de l'instruction, outre l'annulation du jugement litigieux, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées à l'appui de la demande soumise au tribunal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, Mme D..., représentée par Me Seignalet-Mauhourat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Mme D... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 7 juin 2023.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- et les observations de Me Seignalet-Mauhourat, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante malgache née en 1992, est entrée en France, le 14 septembre 2014, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valant premier titre de séjour pour une durée d'un an valable, jusqu'au 13 septembre 2015. Après avoir séjourné sous couvert de titres de séjour temporaires portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelés, l'intéressée a obtenu un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 30 octobre 2019 au 29 octobre 2020. Le 10 mars 2019, Mme D... a donné naissance à un enfant, A... B.... Le 8 octobre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en se prévalant des dispositions alors codifiées au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article L. 313-10 du même code. Par un arrêté du 7 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sous le n° 23TL00023, le préfet de la Haute Garonne relève appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision et lui a enjoint de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Sous le n° 23TL00024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes précitées n° 23TL00023 et n° 23TL00024 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 23TL00023 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Pour annuler l'arrêté du 7 avril 2021 du préfet de la Haute-Garonne, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que Mme D... doit être regardée comme justifiant, par la production d'un récapitulatif de virements bancaires réguliers à son profit pour la période de janvier 2020 à février 2021, de la réalité de la contribution de M. C... à l'entretien de leur enfant A... B... et, par suite, du maintien de ses liens avec celui-ci, de sorte qu'en refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'autorité préfectorale a méconnu l'intérêt supérieur de son fils mineur.
4. D'une part, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. D'autre part, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France de manière régulière le 14 septembre 2014 avant de bénéficier de titres de séjour portant la mention " étudiant " puis, en dernier lieu, d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 30 octobre 2019 au 29 octobre 2020. Il ressort également des pièces du dossier que de son union avec M. C..., ressortissant malgache recruté en qualité de sous-officier sous contrat au sein du premier régiment étranger de génie de Laudun-l'Ardoise (Gard), et titulaire d'une carte de résident valable du 5 septembre 2022 au 4 septembre 2032, est né un enfant, A... B..., le 10 mars 2019, reconnu par son père le 12 mars 2019. Il est constant que le couple, d'abord lié par un pacte civil de solidarité s'est séparé avant de contracter mariage le 28 janvier 2022, soit postérieurement à l'arrêté en litige. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... a, en dépit de sa situation professionnelle et de son éloignement géographique, conservé des liens étroits avec son fils ainsi qu'en attestent les photographies versées au dossier, les relevés de permissions annuelles accordées à ce dernier mentionnant systématiquement comme adresse de contact celle de Mme D... ainsi que les nombreux virements bancaires en faveur de cette dernière comportant la mention " pension alimentaire ". Dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de la Haute-Garonne a, en refusant le renouvellement du titre de séjour " vie privée et familiale " de Mme D..., porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant A... B... et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé cette décision ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 7 avril 2021, lui a enjoint de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et mis à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme D... a été maintenue en appel de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Seignalet-Mauhourat, avocat de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Seignalet-Mauhourat de la somme de 1 200 euros.
Sur la requête n° 23TL00024 :
9. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2107294 du 6 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet.
DÉCIDE:
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée dans le cadre de la requête n° 23TL00024.
Article 2 : La requête n° 23TL00023 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 3 : L'État versera à Me Seignalet-Mauhourat une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Seignalet-Mauhourat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à Me Seignalet-Mauhourat, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 23TL00023 - 23TL00024