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27/06/2023 | FRANCE | N°22TL21537

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 27 juin 2023, 22TL21537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux recours distincts, d'annuler les arrêtés du 16 décembre 2021 et 16 février 2022 par lesquels le préfet du Tarn leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés, ainsi que les arrêtés des mêmes jours par lesquels la même autorité les ont assignés à résidence

Par deux jugements n° 2107278 du 22 décembre 2021 et n° 22

00926 du 24 février 2022, les magistrats désignés par la présidente du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux recours distincts, d'annuler les arrêtés du 16 décembre 2021 et 16 février 2022 par lesquels le préfet du Tarn leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés, ainsi que les arrêtés des mêmes jours par lesquels la même autorité les ont assignés à résidence

Par deux jugements n° 2107278 du 22 décembre 2021 et n° 2200926 du 24 février 2022, les magistrats désignés par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ont rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022 sous le n° 22TL21537, M. A..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2107278 du 22 décembre 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Tarn de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de procédure contradictoire ;

- il est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru à tort tenu d'édicter cette mesure ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'il emporte sur sa situation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de procédure contradictoire ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est illégale en l'absence de perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement ;

- il n'existait pas de nécessité à l'assigner à résidence ;

- elle porte une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 16 décembre 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022 sous le n° 22TL21539, Mme A..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200926 du 24 février 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assignée à résidence ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Tarn de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de procédure contradictoire ;

- il est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru à tort tenu d'édicter cette mesure ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'il emporte sur sa situation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de procédure contradictoire ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est illégale en l'absence de perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement ;

- il n'existait pas de nécessité à l'assigner à résidence ;

- elle porte une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 8 mars 2023.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants albanais, sont entrés en France le 24 mars 2019. Ils ont fait l'objet, chacun, d'une mesure d'éloignement le 25 novembre 2019 à la suite du rejet de leurs demandes d'asile. Par arrêtés du 16 décembre 2021, s'agissant de M. A..., et du 16 février 2022, en ce qui concerne son épouse, la préfète du Tarn leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés et les a assignés à résidence.

2. M. et Mme A... relèvent appel, respectivement, par les requêtes n° 22TL21537 et 22TL21539, des jugements des 22 décembre 2021 et 24 février 2022 par lesquels les magistrats désignés par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ont rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux précités.

Sur la jonction :

3. Les requêtes n° 22TL21537 et 22TL21539 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

En ce qui concerne la légalité externe des arrêtés préfectoraux litigieux :

4. Les arrêtés litigieux, qui visent les textes dont ils font application et mentionnent les conditions d'entrée et de séjour de chacun des appelants, et notamment la circonstance qu'ils ont déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qui n'a pas été exécutée et celle qu'ils ne justifient pas d'une insertion particulière en France, indiquent, à l'égard de l'ensemble des décisions qu'ils comportent, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, il n'était pas nécessaire de préciser les activités de bénévole à Emmaüs des intéressés. De même, la circonstance que l'article 3 de la convention internationale relative aux droits des enfants n'est pas visé, alors que l'ensemble des autres textes applicables le sont, est sans incidence sur la légalité des décisions. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du défaut de motivation de celles-ci.

5. Il ne ressort ni des arrêtés litigieux ni d'aucune pièce des dossiers que le préfet du Tarn ne se serait pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation, ni se serait cru tenu d'édicter les mesures contestées.

6. Chacun des appelants a été entendu, préalablement à l'édiction des arrêtés litigieux, lors d'une audition durant laquelle ils ont été mis à même de faire valoir tous les éléments utiles relatifs à leur situation personnelle. Par conséquent, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait méconnu leur droit d'être entendu.

En ce qui concerne la légalité interne des arrêtés litigieux :

7. M. et Mme A... sont entrés en France le 24 mars 2019, à l'âge, respectivement, de 25 et de 23 ans. Ils n'ont pas sollicité leur admission au séjour et ont fait l'objet, chacun, d'une mesure d'éloignement le 25 novembre 2019, qu'ils n'ont pas exécutée. S'ils se prévalent, chacun, de la présence sur le territoire national de leur conjoint et de leur enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils seraient dépourvus de toute attache personnelle ou familiale en Albanie, où leur cellule familiale a vocation à se reconstituer. S'ils soutiennent être intégrés en France, notamment dans le milieu associatif, cette seule circonstance ne saurait établir qu'ils aient fixé le centre de leurs attaches personnelles sur le territoire français, alors qu'ils sont sans ressource et logement propres. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. S'agissant des décisions portant refus d'un délai de départ volontaire, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français dont ils font l'objet.

9. En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi, les appelants n'apportent aucun élément établissant qu'ils risquent d'être exposés à des peines ou traitement contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays d'origine.

10. Enfin, et pour ce qui est des décisions les assignant à résidence, si les appelants contestent le caractère nécessaire de ces mesures, compte tenu de leurs garanties de représentation et de ce qu'ils ont satisfait à toutes les convocations qui leur ont été adressées, celles-ci ont été prises sur le fondement de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, cet article ne prévoit pas que le prononcé de ces mesures soit subordonné à l'existence d'un risque de fuite. Par ailleurs, si les intéressés font valoir qu'il n'existe pas de perspective raisonnable à leur éloignement, ils ne produisent aucun élément en ce sens, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme A... ne pourraient être prochainement renvoyés en Albanie. En outre, l'autorité préfectorale n'a pas porté une atteinte excessive à leur liberté d'aller et venir en leur interdisant de se déplacer sans autorisation hors du périmètre du département du Tarn et en les obligeant à se présenter tous les mercredis à 9 h 30 aux services de gendarmerie de Villefranche d'Albigeois (Tarn), alors que les intéressés ne se prévalent d'aucune circonstance les empêchant de respecter les obligations prescrites par l'arrêté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les magistrats désignés par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ont rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1 : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21537-22TL21539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21537
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SELARL Sylvain LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-27;22tl21537 ?
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