Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du n° 2019-2015 du 19 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Toulouse a prononcé le retrait de son autorisation d'occuper un emplacement sur le marché biologique du square Charles de Gaulle.
Par un jugement n° 1903379 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en réplique, enregistré le 17 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Lapuelle, demande :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête qui n'est pas tardive, est recevable ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il ne permet pas d'identifier avec précision l'autorisation retirée ;
- il est entaché d'une irrégularité procédurale dès lors que son adoption n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ; il n'est pas établi que les avertissements lui ont bien été notifiés et qu'elle a eu connaissance de son droit à faire valoir ses observations ; le délai de 48 heures était insuffisant pour lui permettre de présenter ses observations ; elle n'a jamais été informée de la sanction susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- il est dépourvu de base légale dès lors qu'il se fonde sur une décision du 3 janvier 2019 ;
- il est entaché d'une erreur de fait dès lors que son conjoint n'est pas l'auteur des menaces qui fondent le retrait de son autorisation d'occuper un emplacement du marché ;
- l'infraction de remballage tardif n'est pas matériellement établie dès lors que, d'une part, aucune décision n'a modifié les dispositions de l'article 30 du règlement des marchés de plein vent prévoyant que le rechargement des marchandises doit se dérouler pour toutes les catégories de commerçants de 12 h 30 à 13 h 30 et que, d'autre part, l'identité de l'auteur des menaces n'est pas précisément identifiée ;
- il est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où seuls les faits de remballage tardif qui sont établis, étaient susceptibles de donner lieu à une sanction qui, selon le règlement général des marchés, ne pouvait prendre la forme d'un retrait définitif de l'autorisation sans en méconnaître son article 35 ;
- les faits de remballage tardif commis les 23 février et 9 mars 2019, qui avaient fait l'objet d'une décision du 21 mars 2019 décidant de la suspension de son autorisation pour le marché du 6 avril 2019, ne pouvaient légalement fonder une sanction d'exclusion temporaire sans méconnaître le principe non bis in idem ;
- la sanction prononcée présente un caractère disproportionné compte tenu des conséquences qu'elle emporte sur la viabilité financière de son exploitation, du fait qu'elle n'est pas l'auteur des propos litigieux, du contexte d'épuisement de son compagnon âgé de 67 ans et de l'absence d'antécédents aussi graves ; l'article 35 du règlement ne prévoit aucune application automatique de la sanction la plus sévère.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril et 3 juin 2022, la commune de Toulouse, représentée par Me Banel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête enregistrée après l'expiration du délai d'appel est irrecevable ;
- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé sans que ne puisse y faire obstacle l'erreur de plume qu'il contient en ce qui concerne la date de délivrance de l'autorisation d'occupation de l'emplacement ;
- la procédure contradictoire préalable a été respectée dès lors que les avertissements mentionnent expressément la possibilité pour le titulaire de présenter ses observations ;
- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur de fait ; si le règlement l'autorisait, en tant que titulaire de l'emplacement, d'être remplacée par son conjoint, elle demeurait responsable des agissements de ce dernier ; il n'est pas utilement contesté que son remplaçant n'avait pas respecté les horaires du marché et n'avait pas proféré de menaces à l'encontre du placier ;
- le principe non bis in idem n'a pas été méconnu ;
- l'erreur de plume sur la date de l'arrêté retiré n'a pas pour effet de le priver de base légale ;
- la sanction prononcée présente un caractère proportionné.
Par une ordonnance du 9 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Foucard, représentant Mme B... et celles de Me Chapel représentant la commune de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été autorisée, par arrêté municipal du 11 avril 2019, à occuper, pour l'année 2019, un emplacement sur le marché biologique du square Charles de Gaulle à Toulouse afin d'y exercer la vente de produits de charcuterie, viande porcine et légumes frais. Elle s'est vu notifier par le placier du marché biologique un premier avertissement lors du marché du samedi 23 février 2019 en raison d'un rechargement tardif de ses marchandises. Un nouvel avertissement lui a été adressé pour les mêmes motifs lors du marché qui s'est tenu le 9 mars 2019. En raison de cette récidive, Mme B... a vu son autorisation d'occupation de son emplacement suspendue par un arrêté municipal du 21 mars 2019, pour le marché du samedi 6 avril 2019. Lors du marché du 13 avril 2019, le placier a adressé à l'intéressée un nouvel avertissement pour retard au remballage et menaces de mort prononcées à son encontre. Le maire de Toulouse a alors pris un arrêté du 19 avril 2019 portant abrogation, à compter du 27 avril 2019, de l'autorisation d'occupation dont elle bénéficiait. Mme B... relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". Seule une notification régulière, faite au domicile réel de la partie elle-même, et non pas à celle du mandataire du requérant même s'il y a élu domicile, est de nature à faire courir le délai d'appel.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception de la notification du jugement attaqué fait apparaître que le pli contenant ce jugement a été notifié à Mme B... le 1er avril 2021. Dès lors, la requête qui a été enregistrée le 1er juin 2021, a été présentée par l'appelante dans le délai de deux mois. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête ne peut qu'être écartée.
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
4. Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) " . Aux termes de l'article L. 122-2 de ce code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre (...) ".
5. Eu égard au caractère de sanction administrative que présentait dans les circonstances de l'espèce le retrait de l'autorisation d'occupation d'un emplacement sur un marché de plein vent et à sa gravité, une telle mesure ne pouvait légalement intervenir sans que Mme B... eût été mise à même de discuter les griefs formulés contre elle. Ainsi, le respect du principe général des droits de la défense impliquait que l'occupante fût informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et de la sanction encourue.
6. L'avertissement établi le 13 avril 2019 par l'agent municipal assermenté qui relève le nom de Mme B... en tant que commerçante concernée, la date, le lieu et la nature des infractions constatées, ne constitue pas l'une des sanctions fixées par l'article 35 du règlement des marchés de plein vent mais tient lieu de procès-verbal de constatation des infractions commises à ce règlement par la requérante. À cet égard, cet avertissement mentionne au titre des infractions qui lui sont imputées le remballage tardif des marchandises et les menaces adressées au placier. Cet avertissement indiquait également à la contrevenante qu'elle disposait du droit de présenter des observations sous un délai de 48 heures et que, dans le cas d'infractions lourdes, la méconnaissance de ce délai entraînerait le déclenchement d'une procédure de sanction. Si la requérante ne peut être regardée comme ignorant les dispositions de l'article 35 du règlement des marchés de plein vent porté à sa connaissance lors de la délivrance de son autorisation d'occupation d'un emplacement sur le marché biologique, cet article, qui prévoit que les infractions graves, au titre desquelles figurent les menaces de mort, sont passibles d'un éventail de sanctions telles qu'un avertissement, une suspension d'une semaine, une suspension d'un mois ou un retrait définitif de l'autorisation ou la perte de l'ancienneté, ne permet cependant pas à lui seul de déterminer la sanction encourue pour de tels faits. Dès lors, par les mentions contenues dans l'avertissement du 13 avril 2019, Mme B... était certes informée, avec une précision suffisante, des griefs formulés à son encontre mais pas de la sanction encourue pour les infractions qui lui étaient reprochées. Faute d'une telle information, Mme B... n'a pas été mise à même de présenter utilement sa défense et ses observations auprès de la commune de Toulouse. Par suite, elle est fondée à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu.
7. Il en résulte que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 avril 2019.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Toulouse tendant à leur application, Mme B... n'étant pas la partie perdante à l'instance.
9. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'arrêté municipal du 19 avril 2019 est annulé.
Article 3 : La commune de Toulouse versera à Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Toulouse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL22357