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15/06/2023 | FRANCE | N°21TL02399

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 15 juin 2023, 21TL02399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le maire de Saint-Génis-des-Fontaines s'est opposé à sa déclaration préalable portant sur la création d'un portail dans un mur de clôture existant, ainsi que de la décision du 3 septembre 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux présenté contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1905825 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa dema

nde et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'artic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le maire de Saint-Génis-des-Fontaines s'est opposé à sa déclaration préalable portant sur la création d'un portail dans un mur de clôture existant, ainsi que de la décision du 3 septembre 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux présenté contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1905825 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2021 sous le n° 21MA02399 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL02399 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme A... B..., représentée par la SELARL Callon avocat et conseil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 et la décision du 3 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Génis-des-Fontaines une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire de Saint-Génis-des-Fontaines n'a pas pu légalement s'opposer aux travaux projetés sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que ces travaux n'entraînent aucun risque pour la sécurité de la circulation des véhicules et des piétons ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la demande de substitution de motif présentée par la commune en considérant que le mur de clôture avait été irrégulièrement rehaussé dès lors que cette modification n'était soumise à aucune autorisation préalable ;

- le portail projeté débouche sur la voie publique et la commune n'est donc pas fondée à solliciter une substitution de motif en raison de l'absence de titre lui conférant une servitude de passage sur le domaine public constitué par le square situé sur la parcelle limitrophe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2021, la commune de Saint-Génis-des-Fontaines, représentée par la SCP HG et C avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance en date du 17 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2022.

Les parties ont été informées, le 25 mai 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de prononcer d'office à l'encontre de la commune intimée une injonction tendant à la délivrance d'une décision de non-opposition à déclaration préalable au bénéfice de la requérante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est propriétaire d'une maison à usage de résidence principale, implantée sur la parcelle cadastrée section AM n° 361 située n° 2 allée des Magnolias, sur le territoire de la commune de Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales). Le 2 juillet 2019, l'intéressée a présenté auprès des services de cette commune une déclaration préalable de travaux portant sur la création d'un portail dans un mur de clôture donnant sur l'avenue des Bougainvilliers. Par un arrêté du 11 juillet 2019, le maire de Saint-Génis-des-Fontaines s'est opposé à cette déclaration préalable. Mme B... a présenté un recours gracieux contre cet arrêté le 16 juillet 2019, mais le maire a rejeté ce recours gracieux par une décision du 3 septembre 2019. Par la présente requête, l'intéressée relève appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le motif initialement opposé par le maire :

2. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour s'opposer aux travaux déclarés par Mme B... sur le fondement de l'article R. 111-2 précité du code de l'urbanisme, le maire de Saint-Génis-des-Fontaines a considéré que le positionnement du portail dans l'angle sud-ouest de la parcelle cadastrée section AM n° 361 et donnant directement sur l'avenue des Bougainvilliers, serait de nature à entraver la visibilité pour les usagers de cette voie et à porter ainsi atteinte à la sécurité publique. Il ressort toutefois des pièces du dossier et en particulier des plans et des photographies joints par la requérante à sa déclaration préalable que les travaux projetés portent sur la pose d'un portail de trois mètres de large débouchant sur le trottoir bordant l'avenue des Bougainvilliers, laquelle est une voie urbaine rectiligne et suffisamment large où la vitesse des véhicules est limitée à 50 kilomètres par heure et sur laquelle débouchent d'ailleurs les accès de la plupart des propriétés voisines au sein de ce quartier résidentiel. La seule circonstance que, pour tenir compte de la configuration des lieux, la requérante ait prévu de positionner le portail suivant un angle de 30 degrés par rapport à l'avenue n'est pas de nature à engendrer un risque particulier pour la sécurité publique dès lors que les usagers disposeront d'une vue dégagée de part et d'autre de l'ouverture projetée. Dans ces conditions et alors que la commune n'apporte aucun élément permettant d'établir que la voie en cause connaîtrait un trafic automobile soutenu, il n'apparaît pas que le projet de Mme B... serait susceptible d'entraîner des risques de nature à justifier qu'il soit fait opposition à sa déclaration préalable sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par conséquent et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le motif de refus initialement opposé par le maire est entaché d'illégalité.

En ce qui concerne les nouveaux motifs invoqués par la commune :

4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. En premier lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination.

6. L'article R. 421-9 du code de l'urbanisme prévoit que : " En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : / (...) / e) Les murs dont la hauteur au-dessus du sol est supérieure ou égale à deux mètres ; / (...) ".

7. Il ressort notamment des photographies versées au dossier par la commune intimée et il n'est au demeurant pas contesté que Mme B... a procédé à des travaux de rehaussement du mur de clôture entourant sa propriété à une période comprise entre les années 2008 et 2019. S'il n'est pas démontré que l'intéressée ait sollicité et obtenu une autorisation d'urbanisme pour la réalisation de ces travaux, il ressort cependant du procès-verbal de constat dressé par un huissier le 9 juillet 2021 à la demande de Mme B..., produit pour la première fois en appel, que le mur rehaussé présente une hauteur comprise entre 1,55 et 1,74 mètre à l'angle sud-ouest de la parcelle, soit, contrairement à ce qu'avait soutenu la commune en première instance, une hauteur inférieure au seuil de deux mètres prévu par les dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme mentionnées au point précédent. Par suite, les travaux de rehaussement exécutés par l'appelante se trouvaient dispensés de toute formalité au titre de la législation d'urbanisme et l'administration ne peut donc utilement lui reprocher de n'avoir pas présenté une déclaration préalable portant également sur la régularisation de ces travaux. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la première demande de substitution de motif présentée par la commune intimée sur le fondement des principes rappelés au point 5 du présent arrêt.

8. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".

9. Si l'autorité administrative compétente et, en cas de recours, le juge de l'excès de pouvoir doivent s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle d'assiette du projet par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude, ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.

10. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été précisé au point 3 ci-dessus et que l'indique d'ailleurs l'arrêté contesté, que le portail projeté par Mme B... débouche directement sur le trottoir de l'avenue des Bougainvilliers, lequel constitue un accessoire de cette voie publique ouverte à la circulation générale. La seule circonstance que la requérante ait prévu de positionner le portail litigieux légèrement en biais par rapport à ladite voie ne permet pas de regarder l'accès projeté comme débouchant sur le square situé sur la parcelle limitrophe, lequel se trouve au demeurant en retrait de la partie de cette parcelle utilisée pour la circulation des piétons et le stationnement des véhicules. En conséquence, le projet de Mme B... ne nécessite pas l'institution d'une servitude de passage sur le domaine public. Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont estimé fondée la seconde demande de substitution de motif présentée par la commune intimée sur le fondement des principes rappelés au point 9 du présent arrêt.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs invoqués par la commune de Saint-Génis-des-Fontaines dans l'arrêté en litige ou au cours de la procédure contentieuse n'était de nature à justifier légalement que le maire s'oppose à la déclaration préalable présentée par Mme B.... Par voie de conséquence, l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2019 et de la décision du 3 septembre 2019.

Sur l'injonction d'office :

12. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". L'article R. 611-7-3 du même code mentionne que : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'impliquer le prononcé d'office d'une injonction, assortie le cas échéant d'une astreinte, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations ".

13. Eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif de droit ou une circonstance de fait pourrait faire obstacle à la réalisation des travaux envisagés par Mme B... le 2 juillet 2019, il y a lieu d'enjoindre au maire de Saint-Génis-des-Fontaines de lui délivrer une décision de non-opposition à déclaration préalable dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme réclamée par la commune de Saint-Génis-des-Fontaines au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Génis-des-Fontaines une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 avril 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Saint-Génis-des-Fontaines du 11 juillet 2019 et sa décision du 3 septembre 2019 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Saint-Génis-des-Fontaines de délivrer une décision de non-opposition à déclaration préalable dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Génis-des-Fontaines versera une somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Génis-des-Fontaines au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Saint-Génis-des-Fontaines.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02399
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-15;21tl02399 ?
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