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15/06/2023 | FRANCE | N°21TL02351

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 15 juin 2023, 21TL02351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 avril 2019 par lequel le maire de Collioure s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux portant sur la modification des baies et menuiseries sur les façades de leur résidence secondaire, ensemble la décision implicite par laquelle cette même autorité a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1904763 du 29 avril 2021, le tribunal administr

atif de Montpellier a rejeté leur demande, ainsi que les conclusions présentées par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 avril 2019 par lequel le maire de Collioure s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux portant sur la modification des baies et menuiseries sur les façades de leur résidence secondaire, ensemble la décision implicite par laquelle cette même autorité a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1904763 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande, ainsi que les conclusions présentées par la commune de Collioure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2021 sous le n° 21MA02351 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL02351 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 1er septembre 2022, M. C... et Mme B... épouse C..., représentés par Me Da Luz Souza, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Collioure du 16 avril 2019, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux présenté contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire de Collioure de leur délivrer un certificat de non-opposition à leur déclaration préalable de travaux, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Collioure une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Montpellier a omis de se prononcer sur leur moyen tiré de l'inopposabilité des dispositions de l'alinéa 3 c) de l'article SEP 11 du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ;

- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que les services de la commune ont méconnu les principes de neutralité et d'impartialité ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la demande de pièces manquantes et le courrier de majoration du délai d'instruction ne leur ont pas été notifiés, de sorte qu'une décision tacite de non-opposition était née le 9 février 2019 ;

- l'arrêté contesté se trouve entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques en ce que les modifications proposées ont été validées par l'architecte des bâtiments de France et que l'installation de volets roulants a été autorisée ou tolérée sur l'ensemble des constructions environnantes ;

- il est entaché d'un détournement de pouvoir ;

- les dispositions du paragraphe 3 c) de l'article S.E.P. 11 du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager leur sont inopposables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2022, la commune de Collioure, représentée par la SCP HG et C avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... sont propriétaires d'une maison à usage de résidence secondaire, située n° 23 rue Raoul Dufy sur le territoire de la commune de Collioure (Pyrénées-Orientales). La réalisation de cette construction avait été autorisée par un permis de construire délivré le 12 décembre 2012, mais les services de police municipale avaient constaté le 26 juin 2014 que les travaux exécutés par les intéressés n'étaient pas conformes au permis de construire accordé. Par un jugement du 25 octobre 2018, le tribunal correctionnel de Perpignan a d'ailleurs reconnu les époux C... coupables d'avoir réalisé des travaux non autorisés et les a condamnés au paiement d'une amende ainsi qu'à la remise en état des lieux sous astreinte. Le 9 février 2019, M. et Mme C... ont déposé en mairie de Collioure une déclaration préalable de travaux portant sur la modification des ouvertures et des menuiseries sur les façades de leur maison. Par un arrêté du 16 avril 2019, le maire de Collioure s'est opposé à cette déclaration. Le recours gracieux présenté par les intéressés contre cet arrêté le 11 juin 2019 a été implicitement rejeté par le maire. Par la présente requête, les époux C... relèvent appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2019 et de la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article L. 423-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat. / Aucune prolongation du délai d'instruction n'est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret. ". Selon l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Selon l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 424-1 dudit code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ; / (...) ".

3. L'article R. 423-38 du même code mentionne que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ". Selon l'article R. 423-46 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les notifications et courriers prévus par les sous-sections 1 et 2 ci-dessus sont adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, par échange électronique. ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-48 du même code alors en vigueur : " Lorsque la demande précise que le demandeur accepte de recevoir à une adresse électronique les réponses de l'autorité compétente, les notifications peuvent lui être adressées par échange électronique. / Dans ce cas, le demandeur est réputé avoir reçu ces notifications à la date à laquelle il les consulte à l'aide de la procédure électronique. Un accusé de réception électronique est adressé à l'autorité compétente au moment de la consultation du document. A défaut de consultation à l'issue d'un délai de huit jours après leur envoi, le demandeur est réputé avoir reçu ces notifications. ".

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... ont présenté leur déclaration préalable de travaux auprès de la commune de Collioure le 9 janvier 2019, en indiquant leur adresse postale aux Pays-Bas et en précisant sur le formulaire " Cerfa " d'une part, qu'ils souhaitaient que " les courriers de l'administration (autres que les décisions) " soient adressés à l'architecte chargé de leur projet de travaux et, d'autre part, qu'ils acceptaient de recevoir par courrier électronique " les documents transmis en cours d'instruction par l'administration ". Il en ressort également que la commune de Collioure a adressé à l'architecte mentionné sur le formulaire une lettre datée du 29 janvier 2019 et reçue le 31 janvier suivant, par laquelle elle sollicitait la production de pièces et informations complémentaires sur le projet et informait le destinataire de ce que le délai d'instruction de la déclaration préalable était interrompu jusqu'à réception des pièces manquantes et de ce que l'absence de production de ces pièces dans le délai de trois mois ferait naître d'une décision tacite d'opposition.

5. Il résulte toutefois des indications portées sur le formulaire de déclaration préalable, telles que rappelées ci-dessus, que M. et Mme C... ont demandé que soient envoyés à leur architecte les seuls courriers de l'administration ne constituant pas des décisions. Dès lors que la demande de pièces complémentaires adressée le 29 janvier 2019 était susceptible d'entraîner la naissance d'une décision tacite d'opposition en l'absence de production desdites pièces dans le délai qu'elle précisait, une telle demande constituait une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et ne pouvait donc être regardée comme un simple " courrier " dont la notification aurait pu être valablement réalisée à l'égard du seul architecte. La commune ne soutient par ailleurs pas avoir tenté d'adresser la demande de pièces à M. et Mme C..., que ce soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par message électronique comme les intéressés l'avaient accepté dans le formulaire. S'il est vrai que le service instructeur avait reçu des messages portant la mention " non remis " lors de deux tentatives d'envoi par voie électronique du récépissé de dépôt de la déclaration préalable le 16 janvier 2019, cette seule circonstance n'était pas de nature à exonérer l'administration de l'obligation qui lui incombait de procéder à la notification de la demande de pièces manquantes à l'égard des pétitionnaires eux-mêmes. En l'absence de notification régulière de cette demande, les époux C... sont fondés à soutenir que le délai d'instruction de leur déclaration préalable n'a pas été interrompu, qu'une décision tacite de non-opposition est née le 9 février 2019 au terme du délai d'un mois prévu par l'article R. 423-23 précité du code de l'urbanisme et que l'arrêté litigieux est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière. Dès lors que le vice ainsi relevé a privé les intéressés des garanties attachées aux effets juridiques de cette décision tacite, il est de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2019, ainsi que celle de la décision par laquelle le maire a implicitement rejeté le recours gracieux formé le 11 juin 2019.

6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par M. et Mme C..., tant en première instance qu'en appel n'apparaissent pas de nature à justifier, en l'état du dossier, l'annulation des décisions du maire de Collioure.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il besoin de se prononcer sur la régularité du jugement du 29 avril 2021, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard au motif retenu ci-dessus pour annuler l'arrêté et la décision en litige, le présent arrêt a pour effet de rétablir la décision tacite de non-opposition née sur la déclaration préalable de M. et Mme C... et implique dès lors nécessairement que le maire de Collioure leur délivre un certificat de non-opposition à déclaration préalable en application de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Collioure de procéder à la délivrance d'un tel certificat dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mis à la charge de M. et Mme C..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme réclamée par la commune de Collioure au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Collioure le paiement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. et Mme C... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 avril 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Collioure du 16 avril 2019, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. et Mme C..., sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Collioure de délivrer à M. et Mme C... un certificat de non-opposition à déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : La commune de Collioure versera une somme de 1 500 euros à M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... B... épouse C... et à la commune de Collioure.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02351
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-15;21tl02351 ?
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