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13/06/2023 | FRANCE | N°22TL21805

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 13 juin 2023, 22TL21805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. O... D... et M. B... I... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du comité de sélection de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier rendant un avis unique de classement ne retenant pas leurs candidatures respectives pour les postes de maître de conférences du champ disciplinaire " ville et territoire " mis au concours à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, la décision du même comité portant refus de les auditionner sur ces

postes, ainsi que la procédure de recrutement sur ces postes.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. O... D... et M. B... I... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du comité de sélection de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier rendant un avis unique de classement ne retenant pas leurs candidatures respectives pour les postes de maître de conférences du champ disciplinaire " ville et territoire " mis au concours à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, la décision du même comité portant refus de les auditionner sur ces postes, ainsi que la procédure de recrutement sur ces postes.

Par un jugement n° 2003689 et n° 2003691 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 11 juin 2020, par laquelle le comité de sélection de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier a sélectionné les candidats autorisés à être auditionnés pour les postes de maître de conférences ouverts à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier dans le champ disciplinaire " ville et territoire ", ainsi que les recrutements subséquents de MM. A..., E... et N... sur les trois postes ouverts. Le tribunal a également enjoint à la ministre de la culture, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, de mettre en œuvre, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, une nouvelle procédure de recrutement des trois postes de maître de conférences ouverts à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier dans le champ disciplinaire " ville et territoire ".

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 août 2022 sous le n° 22TL21805, MM. A..., E... et N..., représentés par Me Duhil de Bénazé, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter les requêtes de MM. D... et I... tendant à l'annulation de l'avis unique de classement rendu par le comité de sélection de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier dans le cadre du recrutement pour les postes de maître de conférences ouverts dans le champ disciplinaire " ville et territoire ", ainsi qu'à l'annulation de la décision de refus de ce comité de les auditionner pour ces postes ;

3°) de mettre à la charge de MM. D... et I... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté les fins de non-recevoir qu'ils avaient opposées aux demandes de MM. D... et I... ; en effet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 411-1 et R. 412-1 du code de justice administrative, ces derniers n'ont pas produit les décisions attaquées, sans justifier de cette absence de production, et ne les ont pas identifiées formellement, en n'en précisant pas la date et en contestant des postes dont les intitulés ne correspondent pas aux fiches de postes ouverts au recrutement ; en outre, les décisions du comité de sélection ont seulement un caractère préparatoire et sont insusceptibles de recours en excès de pouvoir ;

- en outre, les premiers juges ont statué ultra petita, MM. D... et I... n'ayant pas formulé de demande tendant à l'annulation des décisions de recrutement de MM. A..., E... et N... ;

- par ailleurs, la méconnaissance apparente de l'objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein d'un jury de fonctionnaires n'entraîne pas automatiquement une irrégularité du concours, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en raison notamment de ce qu'en l'espèce le nombre réduit d'hommes au sein du comité de sélection ne résulte que de ce que deux d'entre eux se sont déportés ;

- de même la circonstance que deux membres du comité de sélection se soient déportés n'est en rien de nature à entacher d'illégalité les avis rendus par le comité de sélection dès lors qu'ils n'ont pas été remplacés par de nouveaux membres non-proposés par le comité pédagogique.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 janvier 2023, MM. D... et I..., représentés par Me Mazas, concluent au rejet de la requête et à ce que MM. A..., E... et N... soient condamnés à leur verser à chacun la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il n'existe aucun doute sur la réalité des décisions contestées, qui sont identifiables, et ne constituent pas un acte préparatoire ;

- aucun des moyens de la requête ne présente un caractère sérieux ; en outre, les appelants ne contestent ni l'absence de publication de la composition du comité de sélection modifié avant le début des travaux, ni la modification de cette composition avant les travaux, ni l'absence de communication de l'identité des rapporteurs ;

- la règle d'impartialité du comité de sélection a été méconnue, deux membres de ce dernier en ayant été exclus au motif qu'ils étaient en lien avec des candidats alors que cinq autres auraient dû l'être pour le même motif et que deux de ces derniers étaient ouvertement hostiles à M. I... ;

- le rejet de la candidature de ce dernier s'analyse en un détournement de pouvoir.

Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2023, l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, représentée par la SCP SVA, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2022, au rejet des demandes présentées en première instance par MM. D... et I... et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de ces derniers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont statué ultra petita, MM. D... et I... n'ayant pas formulé de demande tendant à l'annulation des décisions de recrutement de MM. A..., E... et N... ;

- MM. D... et I... étaient dépourvus d'intérêt à agir, n'ayant pas justifié d'une qualification en tant que maître de conférences des écoles nationales d'architecture en première catégorie ;

- ils n'ont pas produit les décisions attaquées, sans justifier de cette absence de production, et ne les ont pas identifiées formellement, en n'en précisant pas la date et en contestant des postes dont les intitulés ne correspondent pas aux fiches de postes ouverts au recrutement ;

- les décisions du comité de sélection ont seulement un caractère préparatoire et sont insusceptibles de recours en excès de pouvoir ;

- aucun des moyens soulevés par MM. D... et I... en première instance n'est de nature à conduire à l'accueil de leurs demandes.

Un mémoire a été présenté pour M. D... le 26 mai 2023 par Me Mazas et n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée le 12 août 2022 sous le n° 22TL21807, MM. A..., E... et N..., représentés par Me Duhil de Bénazé, demandent à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2022 et de mettre à la charge de MM. D... et I..., solidairement, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté les fins de non-recevoir qu'ils avaient opposées aux demande de MM. D... et I... ; en effet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 411-1 et R. 412-1 du code de justice administrative, ces derniers n'ont pas produit les décisions attaquées, sans justifier de cette absence de production, et ne les ont pas identifiées formellement, en n'en précisant pas la date et en contestant des postes dont les intitulés ne correspondent pas aux fiches de postes ouverts au recrutement ; en outre, les décisions du comité de sélection ont seulement un caractère préparatoire et sont insusceptibles de recours en excès de pouvoir ;

- en outre, les premiers juges ont statué ultra petita, MM. D... et I... n'ayant pas formulé de demande tendant à l'annulation des décisions de recrutement de MM. A..., E... et N... ;

- par ailleurs, la méconnaissance apparente de l'objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein d'un jury de fonctionnaires n'entraîne pas automatiquement une irrégularité du concours, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en raison notamment de ce qu'en l'espèce le nombre réduit d'hommes au sein du comité de sélection ne résulte que de ce que deux d'entre eux se sont déportés ;

- de même la circonstance que deux membres du comité de sélection se soient déportés n'est en rien de nature à entacher d'illégalité les avis rendus par le comité de sélection dès lors qu'ils n'ont pas été remplacés par de nouveaux membres non-proposés par le comité pédagogique ;

- ils se trouvent, du fait du jugement attaqué, dans une situation financière difficile ;

- ainsi, la demande de sursis à exécution réunit les conditions posées par les dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 janvier 2023, MM. D... et I..., représentés par Me Mazas, concluent au rejet de la requête et à ce que MM. A..., E... et N... soient condamnés à leur verser à chacun la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir les mêmes moyens que dans l'instance n° 22TL01805.

Un mémoire a été présenté pour M. D... le 26 mai 2023 par Me Mazas et n'a pas été communiqué.

III. Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2022 sous le n° 22TL21920, et un mémoire, enregistré le 28 septembre 2022, la ministre de la culture, représentée par Me Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter les requêtes de MM. D... et I... tendant à l'annulation de l'avis unique de classement rendu par le comité de sélection de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier dans le cadre du recrutement pour les postes de maître de conférences ouverts dans le champ disciplinaire " ville et territoire ", ainsi qu'à l'annulation de la décision de refus de ce comité de les auditionner pour ces postes ;

3°) de mettre à la charge de MM. D... et I... une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a annulé les recrutements de MM. A..., E... et N..., alors que les arrêtés de nomination de ces derniers ont été pris au mois d'août 2020 sans faire l'objet d'une contestation ultérieure ; de plus, le tribunal s'est prononcé sur une question dont il n'avait pas été saisi par les demandeurs de première instance ;

- MM. D... et I... n'ont obtenu la qualification en qualité de maître de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture que pour la seconde catégorie et n'ont postulé que pour les deux postes ouverts à l'école dans cette seconde catégorie dans le champ disciplinaire VT ; en conséquence et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ils n'avaient pas intérêt à agir à l'encontre de la décision du 11 juin 2020 ;

- aucun des moyens soulevés par MM. D... et I... en première instance n'est de nature à conduire à l'accueil de leurs demandes.

Vu les autres pièces de ces trois dossiers.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2018-109 du 15 février 2018 ;

- l'arrêté du 2 novembre 2018 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement des comités de sélection chargés du recrutement des professeurs et maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- les observations de Me Duhil de Bénazé, représentant MM. A..., E... et N... ;

- les observations de Me Mazas, représentant MM. D... et I... ;

- et les observations de Me Gimenez, représentant l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier.

Considérant ce qui suit :

1. L'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier a mis en place une campagne de recrutement d'enseignants-chercheurs au titre de l'année universitaire 2020/2021. Trois postes de maître de conférences ont notamment été ouverts au recrutement dans le champ disciplinaire " ville et territoire ", à savoir un poste en catégorie 1 et deux postes en catégorie 2. MM. D... et I..., lesquels sont architectes et ont été employés comme maîtres de conférences associés à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, depuis 2016 pour M. D... et depuis 2002 pour M. I..., ont été qualifiés aux fonctions de maître de conférences dans la catégorie 2, respectivement le 3 avril et le 5 mai 2020, et ont présenté leur candidature. Lors de sa réunion du 11 juin 2020, le comité de sélection du champ disciplinaire " ville et territoire " a arrêté la liste des candidats autorisés à passer l'audition prévue le 26 juin suivant et a décidé de ne pas auditionner MM. D... et I.... À l'issue de la procédure de recrutement, ce sont les candidatures de MM. E... et N... qui ont été retenues sur les postes ouverts en catégorie 2 et celle de M. A... sur le poste ouvert en catégorie 1. Par la suite, MM. A..., E... et N... ont été nommés par des arrêtés de la ministre de la culture, respectivement en date du 10, 7 et 3 août 2020, portant recrutement par concours interne.

2. Par leur requête n° 22TL21805, MM. A..., E... et N... relèvent appel du jugement du 1er juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 11 juin 2020 du comité de sélection de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier établissant les candidats autorisés à être auditionnés pour les trois postes de maître de conférences ouverts à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier dans le champ disciplinaire " ville et territoire ", ainsi que les recrutements de MM. A..., E... et N... sur ces postes, et a enjoint à la ministre de la culture, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, de mettre en œuvre, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, une nouvelle procédure de recrutement de ces trois postes de maître de conférences. Par ailleurs, par leur requête n° 22TL21807, MM. A..., Primas et N... demandent à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Enfin, par une requête n° 22TL21920 la ministre de la culture relève appel du jugement précité.

Sur la jonction :

3. Les requêtes n° 22TL21805, n° 22TL21807 et n° 22TL21920 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article 11 du décret du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture : " Dans chaque établissement, un comité de sélection est institué en vue du recrutement des membres des corps mentionnés à l'article 1er par voies de concours (...) prévues aux articles (...) 30 et 47. / Le comité de sélection est créé par délibération du conseil pédagogique et scientifique de l'établissement siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs. Cette délibération précise le nombre des membres du comité, compris entre huit et vingt, le nombre de ceux choisis hors de l'établissement, qui ne peut pas être inférieur à la moitié des membres, ainsi que le nombre de ceux choisis parmi les membres de la discipline ou des disciplines concernées par le recrutement. / Les membres du comité de sélection sont nommés par le directeur de l'établissement, sur proposition du conseil pédagogique et scientifique siégeant en formation restreinte. Ils sont choisis, en raison de leurs compétences, parmi les enseignants-chercheurs et les personnels assimilés d'un rang au moins égal à l'emploi auquel postule le candidat et en majorité parmi les spécialistes de la discipline ou des disciplines concernées. Peuvent également être choisis pour siéger dans les comités de sélection des universitaires et des chercheurs appartenant à des établissements et institutions partenaires ou associés, français ou étrangers d'un rang au moins égal à l'emploi auquel postulent les candidats. / La composition du comité concourt à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les conditions prévues à l'article 55 de la loi du 12 mars 2012 susvisée. / La composition du comité de sélection est transmise au conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture régi par le décret n° 2018-106 du 15 février 2018 précité ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 2 novembre 2018 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement des comités de sélection chargés du recrutement des professeurs et maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture : " Un comité de sélection est constitué pour pourvoir chaque emploi de professeur ou de maître de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture créé ou déclaré vacant dans ces écoles. Un comité de sélection peut être constitué pour pourvoir un ou plusieurs emplois d'enseignant-chercheur lorsque ces emplois relèvent d'un même corps et d'un même champ disciplinaire. / Le comité de sélection examine les candidatures des postulants sur un emploi de professeur ou de maître de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture par (...) concours. / Le comité de sélection vérifie les aptitudes du candidat à remplir les fonctions requises pour chaque poste ouvert, en cohérence avec le projet pédagogique et scientifique de l'établissement. / Les candidats aux concours de professeur et de maître de conférences doivent être inscrits préalablement sur une liste de qualification prévue aux articles 30 et 47 du décret n° 2018-105 du 15 février 2018 ". L'article 2 du même arrêté prévoit que : " Par délibération, le conseil pédagogique et scientifique siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés indique le ou les postes pour lesquels est constitué le comité de sélection, fixe le nombre de membres du comité compris entre 8 et 20, et arrête le règlement du comité. / Les membres des comités de sélection sont des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture ou des personnels assimilés. / Le nombre d'enseignants-chercheurs ou personnels assimilés extérieurs à l'établissement est égal ou supérieur à la moitié des membres. Le nombre de spécialistes du champ disciplinaire concerné par le recrutement est égal ou supérieur à la moitié des membres. / Le conseil pédagogique et scientifique siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs établit la liste de noms des membres du comité de sélection et place en tête de liste les noms des membres du comité qui exerceront les fonctions de président et de vice-président appelé à suppléer le président en cas d'absence. / Les comités de sélection comprennent une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe ". En vertu de l'article 3 : " Le directeur nomme les membres du comité de sélection sur proposition du conseil pédagogique et scientifique réuni en formation restreinte. / La composition du comité de sélection est rendue publique avant le début des travaux du comité. (...) ". Aux termes de l'article 4 : " La composition du comité de sélection peut être modifiée suite à la démission ou l'impossibilité de siéger d'un ou plusieurs membres tant que le comité n'a pas commencé ses travaux. / La nomination des nouveaux membres doit respecter la procédure prévue aux articles 2 et 3 ". En outre, l'article 7 prévoit que " Le comité de sélection siège valablement si au moins la moitié de ses membres est présente, parmi lesquels la moitié au moins de membres extérieurs à l'établissement et la moitié au moins de membres du champ disciplinaire. (...) Toutefois, le comité ne peut siéger valablement que si le nombre des membres physiquement présent est au moins égal à quatre ". Enfin, en vertu de l'article 8, " Pour chaque candidat remplissant les conditions de recevabilité, le président du comité de sélection désigne deux rapporteurs (...). / Les rapporteurs établissent et présentent distinctement pour chaque candidat leur rapport. / Au vu des rapports présentés pour chaque candidat, le comité de sélection se réunit et établit la liste des candidats qu'il souhaite entendre. Les motifs pour lesquels leur candidature n'est pas retenue pour cette audition sont communiqués aux candidats qui en font la demande ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, lors de sa réunion du 20 décembre 2019, le conseil pédagogique et scientifique en formation restreinte de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier a approuvé la composition des différents comités de sélection pour la campagne de recrutement d'enseignants-chercheurs au titre de l'année 2020/2021, dont la composition du comité de sélection spécifique pour le champ disciplinaire " ville et territoire ". Toutefois, plusieurs membres s'étant désistés, une nouvelle composition a été validée lors la réunion du conseil pédagogique et scientifique en formation restreinte du 11 mars 2020. Pour le champ disciplinaire " ville et territoire ", le comité de sélection était composé des dix membres suivants : Mme K..., M. J..., M. F..., Mme G..., Mme Q..., Mme H..., Mme R..., M. L..., M. P... et M. S.... Il ressort encore des pièces du dossier que, à la suite de la première réunion du comité de sélection, laquelle s'est tenue le 28 mai 2020 et devait conduire à la désignation des rapporteurs des dossiers des candidats, M. F... s'est retiré au motif qu'il avait un lien d'intérêt avec une des candidates. En conséquence, à la demande du président de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, M. J... a également été écarté afin de respecter la règle prévoyant qu'au moins la moitié des membres du comité de sélection sont des membres du champ disciplinaire concerné. Ces deux retraits ont été entérinés par le procès-verbal de la réunion du 29 mai 2020 du conseil pédagogique et scientifique en formation restreinte.

6. En premier lieu, s'il est constant que la composition finale du comité de sélection pour les trois postes du champ disciplinaire " ville et territoire " ne comprenait que trois hommes sur ses huit membres, soit 37,5 % d'hommes, donc un niveau très légèrement inférieur à la part minimale de 40 % de chaque sexe, prévue par les dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté du 2 novembre 2018, il est également constant que cela résulte de ce qu'il a été nécessaire, pour respecter le principe d'impartialité puis la règle prévoyant qu'au moins la moitié des membres du comité de sélection sont des membres du champ disciplinaire concerné, que deux membres du comité se déportent, ceux-ci étant de sexe masculin, de sorte que la stricte parité de la composition du comité de sélection ne pouvait plus être respectée. En conséquence, dans les circonstances de l'espèce, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du comité de sélection. Au demeurant et dans les circonstances de l'espèce, le fait que dans sa composition finale ce comité n'ait compté que trois hommes pour cinq femmes n'est pas susceptible d'avoir privé MM. D... et I... d'une garantie ou d'avoir eu une influence sur le sens de la décision attaquée.

7. En deuxième lieu, MM. I... et D... font valoir que les règles de publicité de la composition du comité de sélection n'ont pas été respectées, en contrariété avec les prévisions de l'article 3 de l'arrêté du 2 novembre 2018 précité, en raison de ce que la dernière composition du comité de sélection, entérinée le 29 mai 2020, n'a pas été rendue publique avant la première réunion de ce comité, le 28 mai 2020, et de ce que sa composition telle qu'entérinée le 11 mars 2020, ainsi que précisé au point 5 du présent arrêt, n'a été publiée que le 11 juin 2020, sur le site internet de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier. Cependant, cette circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité des délibérations et des décisions du comité de sélection.

8. En troisième lieu, si les retraits de MM. F... et J... n'ont été entérinés par le conseil pédagogique et scientifique qu'à l'occasion de sa réunion du 29 mai 2020, alors même que le comité de sélection s'était réuni une première fois la veille, aucun nouveau membre n'a alors été nommé et le comité de sélection a seulement été diminué de deux membres, sans autre incidence sur sa composition, et a pu ensuite commencer ses travaux, sans modification ultérieure. Dans ces conditions, et en particulier dans la mesure où les huit membres composant finalement ce comité de sélection étaient déjà inclus dans la composition validée par le conseil pédagogique et scientifique dès sa réunion du 11 mars 2020, cette modification ne saurait affecter la légalité de la décision du 11 juin 2020 par laquelle le comité de sélection n'a pas retenu les candidatures de MM. D... et I... pour être auditionnés, et celle de l'avis de classement sur les candidatures.

9. En quatrième lieu, MM. D... et I... soutenaient, sans être contestés, ne pas avoir eu connaissance de l'identité des rapporteurs ayant rendu un avis sur leur candidature. Cependant, contrairement aux motifs pour lesquels une candidature n'est pas retenue pour l'audition devant le comité de sélection, lesquels doivent être communiqués aux candidats qui en font la demande, conformément à l'article 8 de l'arrêté du 2 novembre 2018 susvisé, aucune disposition légale ou règlementaire n'impose l'obligation de transmettre l'identité des rapporteurs, de sorte que MM. D... et I... ne sauraient se prévaloir du fait que cette information ne leur a pas été transmise.

10. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier, pour annuler la décision du 11 juin 2020 du comité de sélection de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier établissant les candidats autorisés à être auditionnés pour les trois postes de maître de conférences ouverts dans le champ disciplinaire " ville et territoire " (VT), s'est fondé sur les circonstances que la composition du comité de sélection ne comprenait pas une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe, que cette composition n'a pas été rendue publique avant le début des travaux de ce comité et qu'elle a été modifiée après le commencement de ces derniers, et a estimé que ces circonstances ont été de nature à priver MM. D... et I... de garanties et à avoir une influence sur le sens de la décision attaquée.

11. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MM. D... et I... en première instance et en appel.

En ce qui concerne les autres moyens :

12. En premier lieu, MM. D... et I... soutiennent qu'il a été porté atteinte au principe d'impartialité du comité de sélection, tout d'abord, compte tenu du fait qu'il n'était pas justifié au regard de ce principe que MM. F... et J... fussent écartés du comité de sélection, ensuite, compte tenu de l'intensité des relations professionnelles existant entre les candidats retenus et certains membres du comité de sélection et, enfin, compte tenu de la présence au sein du comité de sélection de membres qui leur étaient ouvertement hostiles.

13. Le respect du principe d'impartialité fait obstacle à ce qu'un comité de sélection constitué pour le recrutement d'un enseignant-chercheur puisse régulièrement siéger, en qualité de jury d'examen ou de jury de concours, si l'un de ses membres a, avec l'un des candidats, des liens tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles dont l'intensité est de nature à influer sur son appréciation.

14. Si l'exigence de respect du principe d'impartialité peut s'opposer au maintien de la présence d'un de ses membres au sein d'un comité de sélection, elle ne s'oppose aucunement à ce qu'un membre, qui a, par exemple, des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l'impartialité requise, décide de s'abstenir de prendre part au comité. Ainsi, MM. D... et I... ne sauraient utilement contester le retrait de M. F... et celui, subséquent, de M. J.... Par ailleurs, d'une part, ne sont susceptibles de caractériser une violation du principe d'impartialité du comité de sélection ni la circonstance que M. N... appartienne à la même école qu'un membre du comité de sélection, ce qui est, au demeurant, également le cas de MM. D... et I..., ni celle que l'associé de M. E... soit membre de l'équipe restreinte de HitLab au sein de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, dont Mme Q... est la présidente et dont font également partie Mme G... et Mme H..., membres du comité de sélection. Il en va de même de la circonstance que M. A... est personnellement membre du HitLab, dans la mesure notamment où il ne l'a rejoint que récemment, ou encore de la circonstance qu'il connaît un membre du comité de sélection et aurait participé, dans le cadre de son doctorat, plus de dix ans auparavant, à la rédaction d'un ouvrage co-rédigé par ce membre. En effet, la seule circonstance qu'un membre du comité de sélection connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer à ce comité et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existe ou aurait existé entre les trois candidats retenus et certains membres du comité des liens professionnels ou une collaboration scientifique dont l'intensité serait de nature à influer sur leur appréciation. D'autre part, si MM. D... et I... font état d'un climat de travail dégradé au sein de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, d'une situation générale préoccupante, révélée notamment par un diagnostic des risques psycho-sociaux mené fin 2019, ainsi que des relations interpersonnelles difficiles avec le directeur de l'école, à la suite de critiques qu'ils auraient formulées, ils ne démontrent pas pour autant que certains membres du comité de sélection seraient ouvertement hostiles à leur égard. En particulier, s'ils indiquent s'être opposés à la nomination de Mme G... en juillet 2009 comme responsable du domaine d'études " architecture et milieux " en tant qu'elle a remplacé un de leur collègue, évincé d'une manière qu'ils ont critiquée, M. D... précise également que sa relation avec celle-ci a été strictement professionnelle et M. I... évoque même des liens qui seraient susceptibles de lui être favorables dans le cadre de la procédure de recrutement. De même, s'ils soulignent que Mme Q... est l'épouse de M. C..., directeur de l'école avec lequel il n'est pas contesté qu'ils entretiennent une relation difficile, en l'absence de tout élément circonstancié quant à l'attitude de Mme Q..., ce seul lien avec M. C... ne saurait remettre en cause son impartialité. Par suite, le moyen tiré de ce que la composition du comité de sélection était irrégulière, en raison de ce que différents membres du comité ne pouvaient y siéger sans méconnaître le principe d'impartialité, ne peut qu'être écarté.

15. En deuxième lieu, pour les motifs qui ont déjà été énoncé au point précédent, la circonstance que MM. D... et I... entretiennent une relation difficile avec MM. Derey et C... ne suffit pas, en l'espèce, à caractériser l'existence d'un détournement de procédure. Il n'est en effet pas établi que, à travers la composition du comité de sélection, l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier viserait à écarter leurs candidatures dans le cadre de la campagne de recrutement d'enseignants-chercheurs pour laquelle trois postes de maître de conférences ont été ouverts dans le champ disciplinaire " ville et territoire ".

16. Il résulte de ce qui précède que MM. D... et I... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du comité de sélection du 11 juin 2020 par laquelle celui-ci a sélectionné les candidats autorisés à être auditionnés pour les postes de maître de conférences ouverts à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier dans le champ disciplinaire " ville et territoire ", ainsi que l'annulation de l'avis unique de classement ne retenant par leurs candidatures. Par voie de conséquence, ils ne sont pas non plus fondés à demander l'annulation de l'ensemble des opérations de recrutement.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que MM. A..., E... et N... et la ministre de la culture sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces décisions et à demander l'annulation de ce jugement.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :

18. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel de MM. A..., E... et N.... Par conséquent, les conclusions de ces derniers tendant au sursis à exécution du jugement du 1er juillet 2022 sont devenues dans cette mesure sans objet et il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'État et de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, les conclusions de même nature de MM. D... et I..., parties perdantes, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2003689 et n° 2003691 du 1er juillet 2022.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2003689 et n° 2003691 est annulé.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à MM. O... D..., B... I..., M... A..., Jordi E... et Stanislas N..., Agnès Burgers, Malek Dahbi, Antoine Perrau, François Rosell, Yannick Sutter, ainsi qu'à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, à la ministre de la culture et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21805-N° 22TL21807-N° 22TL21920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21805
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours - Jury.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Écoles d'architecture.

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Concours et examens professionnels - Organisation des concours - jury.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-13;22tl21805 ?
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