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13/06/2023 | FRANCE | N°22TL21575

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 13 juin 2023, 22TL21575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202143 du 14 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de

la Haute-Garonne du 12 avril 2022 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de supprim...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202143 du 14 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 12 avril 2022 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de supprimer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen et de procéder à un réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022, sous le n° 22TL21575, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2022.

Il soutient que M. A... est entré en France de manière irrégulière et n'a ensuite jamais cherché à régulariser sa situation ; il a de plus fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement mais s'est maintenu sur le territoire français ; par ailleurs, il est célibataire et sans enfant et sa communauté de vie avec une Française est récente ; enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; par conséquent, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a estimé que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avaient été méconnues par la décision portant obligation de quitter le territoire français et que celle-ci était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, M. A..., représenté par Me Cazanave, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022, sous le n° 22TL21576, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 14 juin 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que le moyen d'annulation sur lequel est fondée sa requête au fond présente un caractère sérieux.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 2 juillet 1977, indique être entré sur le territoire français à la fin de l'année 2015. Le 24 janvier 2020, il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Seine-et-Marne portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il s'est néanmoins maintenu sur le territoire français, avant d'être interpellé par les services de police à Toulouse le 11 avril 2022. Par un arrêté pris le lendemain, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a pris à son encontre édicté une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

2. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel, dans sa requête n° 22TL21575, du jugement du 14 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté. Par sa requête n° 22TL21576 il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

3. Les requêtes n° 22TL21575 et n° 22TL21576 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de la requête n° 22TL21575 :

S'agissant du moyen retenu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse :

4. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il résulte de l'instruction que M. A... ne réside en France de manière certaine que depuis 2016 et que la vie commune dont il se prévaut avec une personne de nationalité française n'a débuté, au plus tôt, qu'en 2019. Il est, de plus, constant qu'il n'a pas d'enfant et qu'il dispose toujours d'attaches familiales au Maroc, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans au minimum. Par ailleurs, s'il justifie avoir travaillé en France en tant que coiffeur durant quelques mois à la fin de l'année 2019 et au début de l'année 2020, il ne peut se prévaloir d'aucune insertion professionnelle particulière. En outre, depuis son arrivée sur le territoire français il n'a jamais cherché à régulariser sa situation et n'a donné aucune suite à la première mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, en 2020. Enfin, il est défavorablement connu des services de police, notamment pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et de délit de fuite. Par conséquent et alors même qu'il assisterait son actuelle compagne - qui n'a toujours pas divorcé de son époux - en s'occupant régulièrement des enfants de cette dernière, c'est à tort que le premier juge a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de l'intéressé a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que devant la cour contre cet arrêté.

S'agissant des autres moyens soulevés par M. A... :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. En premier lieu, par un arrêté du 6 avril 2022 publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2022-137, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration, en matière de police des étrangers, notamment pour signer les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

8. En second lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il a été fait application, en particulier la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne a précisé les éléments de faits propres à la situation personnelle et administrative en France de M. A..., notamment la date de son entrée irrégulière en France, ainsi que les circonstances qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée, qu'il a déclaré vivre en concubinage avec une Française mais qu'il est sans enfant et possède toujours des attaches familiales au Maroc. Il mentionne également qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne la légalité interne :

9. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5 du présent arrêt que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé, soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés.

10. Il en va de même et pour les mêmes motifs, d'une part, du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant une durée de deux ans, d'autre part, du moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'encontre de cette dernière décision, eu égard également à la circonstance que l'intéressé a constamment été en séjour irrégulier depuis son entrée irrégulière en France et à celle qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement demeurée non exécutée.

11. En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, la seule circonstance que M. A... réside avec sa compagne n'est pas de nature à faire regarder cette décision comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 12 avril 2022 et lui a enjoint de supprimer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen et de procéder à un réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente. Il suit également de là que les conclusions de M. A... relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :

13. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 14 juin 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 22TL21576 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement deviennent sans objet.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement du 14 juin 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 22TL21576 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 3 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21575-22TL21576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21575
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : LUCIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-13;22tl21575 ?
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