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13/06/2023 | FRANCE | N°21TL04643

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 13 juin 2023, 21TL04643


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Planète Médicale a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes à lui verser la somme de 101 704,40 euros en réparation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière de la passation de l'accord-cadre relatif à la fourniture de consommables à usage unique pour le réchauffement des patients avec mise à disposition de réchauffeurs.

Par un jugement n° 1902555 du 7 octobr

e 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Planète Médical...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Planète Médicale a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes à lui verser la somme de 101 704,40 euros en réparation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière de la passation de l'accord-cadre relatif à la fourniture de consommables à usage unique pour le réchauffement des patients avec mise à disposition de réchauffeurs.

Par un jugement n° 1902555 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Planète Médicale.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 6 décembre 2021, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Planète Médicale, représentée par Me Croels, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes à lui verser la somme de 101 704,40 euros en réparation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière de la passation de l'accord-cadre relatif à la fourniture de consommables à usage unique pour le réchauffement des patients avec mise à disposition de réchauffeurs ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son offre a été classée en troisième position, son offre technique ayant été notée 9/20 contre 18/20 pour l'attributaire alors que les offres techniques sont manifestement équivalentes;

- le tribunal, au point 6 du jugement, fait sienne l'appréciation du pouvoir adjudicateur quant à la comparaison en terme de valeur technique de son offre et de celle de la société 3M A... au regard de leurs caractéristiques respectives, sans pour autant apporter de motivation à cet égard ;

- le tribunal, au point 7 du jugement, dans sa réponse à son moyen présenté quant à l'appréciation portée par l'autorité adjudicatrice, relative au dégagement de chaleur de ses appareils, a commis une erreur de fait et a dénaturé les pièces du dossier en considérant que le débit de l'air n'était pas réglable, contrairement au produit proposé par la société 3M A..., attributaire du marché, alors que le manuel d'utilisation des appareils Cocoon de la société appelante indique qu'il est permis de sélectionner six niveaux de chaleur ; ce point a été soumis aux premiers juges, ce qui ne se retrouve pas dans la motivation du jugement ;

- il ressort de la comparaison, en termes de température, des appareils Bair Hugger de la société 3 M attributaire du marché, et de ses appareils Cocoon, que la température de l'air soufflé à l'extrémité des appareils est sensiblement la même, et en tout état de cause ne justifie pas un écart de neuf points entre les notes techniques des deux sociétés, alors qu'au surplus la température exprimée est indiquée avec une marge de correction si bien que l'on ne peut différencier les appareils à cet égard ;

- par ailleurs, le tribunal administratif s'est borné à relever les températures les plus basses sans prendre en compte les marges d'erreur possibles ;

- concernant le bruit, contrairement à ce qu'estime le jugement attaqué, les appareils Cocoon sont moins bruyants que les appareils Bair Hugger, les fiches techniques indiquant que ces appareils produisent respectivement 47 et 53 décibels ;

- en ce qui concerne la question relative à la gêne ressentie par le chirurgien lors de l'utilisation des appareils et produits de la société Planète Médicale, les produits proposés par chacun des candidats n'ont pas été testés dans des conditions similaires ; en l'espèce, les détails de réalisation de ces tests ne sont pas connus, et il n'est ainsi pas possible de déterminer si l'ensemble des couvertures ont été testées et si elles ont été testées dans des conditions identiques pour l'ensemble des candidats ;

- pour ce qui est de la question du minimum de commande de 40 cartons de couvertures, qui entraînerait des difficultés logistiques de stockage il est indiqué dans les documents de la consultation que la consommation annuelle de couvertures est de 22 950 unités ; dès lors, une livraison de 40 cartons de 10 couvertures ne représente que 1,7 % de la consommation annuelle ; dans ces conditions, l'affirmation selon laquelle une commande minimale de 40 cartons serait de nature à entraîner des difficultés de stockage logistique ne repose pas sur des éléments tangibles ;

- concernant le respect d'une commande minimale d'une palette de 3 000 couvertures, cette exigence ne figure pas dans son offre technique et elle a par ailleurs indiqué qu'elle pouvait compléter son offre technique ;

- son préjudice doit être indemnisé sur la base de la marge brute après déduction des charges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, le centre hospitalier universitaire de Nîmes, représenté par Me Vrignaud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Planète Médicale ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 avril 2023.

Vu :

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié les 4 et 6 mai 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de la passation d'un accord-cadre à bons de commande sans minimum ni maximum, pour une durée de quatre ans, relatif à la fourniture de consommables à usage unique pour le réchauffement des patients. Le règlement de la consultation prévoyait, au titre des critères d'évaluation des offres, un critère portant sur la valeur technique, pondéré à 30 %, et un critère relatif au prix, pondéré à 70 %. La société Planète médicale a déposé une offre le 8 juin 2018 et a été informée, par lettre du 28 novembre 2018 , du rejet de celle-ci et de l'attribution du contrat à la société 3M A.... En réponse à sa demande d'informations complémentaires, le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes l'a informée, par lettre du 3 décembre 2018 des notes obtenues au titre du prix et au titre de la valeur technique par elle-même et par la société Trois M A... et de l'appréciation portée sur la valeur technique de son offre. Estimant avoir été irrégulièrement évincée de l'attribution de cet accord-cadre, la société Planète médicale, après avoir sollicité, par courrier du 31 mars 2019, la réparation de son préjudice auprès du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 101 704,40 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de cette éviction.

2. La société Planète Médicale relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

3. La société appelante soutient que le point 6 du jugement attaqué serait insuffisamment motivé dès lors que la juridiction se serait bornée à faire sienne l'appréciation du pouvoir adjudicateur quant à la comparaison en terme de valeur technique de son offre et de celle de la société Trois M A... au regard de leurs caractéristiques respectives. Toutefois, dans ce point 6 du jugement, les premiers juges se sont bornés à relater les termes du rapport d'analyse des offres quant à l'attribution à la société Planète Médicale et à la société Trois M A... de notes respectives de 9/20 et de 18/ 20, au titre de la valeur technique, sans pour autant prendre parti à ce stade sur les mérites respectifs de ces deux offres, ce qu'ils ont fait de manière suffisamment précise dans les points suivants du jugement.

4. En outre, la circonstance invoquée par la société appelante selon laquelle le tribunal, au point 7 du jugement, n'aurait pas répondu à son moyen tiré de ce que le manuel d'utilisation des appareils Cocoon indique qu'il est permis de sélectionner six niveaux de chaleur, doit être écartée dès lors que le point critiqué relève non les possibilités de variation des niveaux de chaleur, mais les températures minimales. Dans ces conditions, le tribunal en retenant, au point 8 du jugement, que la température minimale à l'extrémité de l'appareil proposé par la société Planète médicale était de 34 degrés, soit une température supérieure de deux degrés à celle du matériel de la société Trois M A..., a suffisamment motivé son jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner lequel doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net avant impôt qu'aurait procuré ce marché à l'entreprise, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

6. La société appelante a été classée en troisième position par le rapport d'analyse des offres, ayant obtenu la note technique de 9 sur 20 et celle de 20 sur 20 pour le prix, soit une note pondérée de 16,70 sur 20, tandis que l'offre de la société Trois M A... se voyait notée 18 sur 20 s'agissant du critère technique et 17,89 s'agissant du critère prix, soit une note pondérée de 17,92 sur 20.

7. Il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation prévoyait en son point 5.3, la production par les candidats d'échantillons devant obligatoirement être accompagnés de fiches techniques traduites en français, les conditions de production de ces échantillons étant précisées à l'annexe 4 de ce règlement. Par ailleurs, le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes indique en défense, sans être contredit par la société Planète Médicale, que les candidats ont été convoqués pour assister aux tests qui ont été effectués. Dans ces conditions, alors même que le rapport d'analyse des offres ne mentionne pas le détail de la réalisation de ces tests, et dès lors que, contrairement à ce que la société appelante affirme, l'appréciation des professionnels de santé et des patients quant aux qualités respectives des différents matériels et produits des différentes sociétés devait nécessairement être prise en compte, le moyen invoqué par la société appelante tiré de ce que les principes de transparence de la commande publique et d'égalité de traitement des candidats auraient été méconnus doit être écarté.

8. Si l'appelante soutient tant en appel qu'en première instance que ses couvertures médicales ont la même taille que celles produites par la société Trois M A..., la gêne ressentie par le chirurgien ne reposant sur aucun élément tangible, les produits proposés par les différents candidats ont, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, fait l'objet de tests en situation réelle, auprès de chirurgiens et de patients, les notes attribuées au titre de la valeur technique reposant non sur les formats des couvertures, mais sur d'autres critères tel que leurs dispositifs de raccordement à des appareils de soufflerie. Ainsi, le rapport d'analyse des offres dans les commentaires liés à l'appréciation de la valeur technique des matériels proposés par la société attributaire relève qu'ils disposent d' " orifices raccordements pratiques ", ainsi que de " rabats latéraux antiglisse ", que la " matière [est] agréable ", et soulignent la " bonne distribution de chaleur ", l'existence d' " obturateurs interchangeables " et de " fixations intégrées très efficaces pour le maintien du dispositif ". Inversement, ce même rapport mentionne, s'agissant de l'offre de la société appelante, un " dégagement de chaleur trop fort avec sensation de chaleur désagréable pour le patient et le chirurgien ", un " générateur trop bruyant ", que le " chirurgien [est] gêné par le champ gonflé et réduit " et indique que le " minimum de 40 cartons par commande [entraîne] des difficultés logistiques de stockage pour les services ".

9. Par ailleurs, la circonstance que le manuel d'utilisation des appareils Cocoon de la société appelante indique qu'il est permis de sélectionner six niveaux de chaleur n'est pas de nature à établir que le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur d'appréciation quant aux performances à cet égard de ces appareils comparées à celles des équipements de marque Bair Hugger proposés par la société attributaire, dès lors que le centre hospitalier régional universitaire s'est fondé non sur les possibilités de variation des appareils mais sur la chaleur qu'ils émettent, le rapport d'analyse des offres faisant état d'un " dégagement de chaleur trop fort avec sensation de chaleur désagréable pour le patient et le chirurgien ", ce qui est corroboré, ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt, par le fait que la température minimale à l'extrémité de l'appareil proposé par la société Planète médicale est de 34 degrés, soit une température supérieure de deux degrés par rapport au matériel de la société Trois M A....

10. Concernant le bruit émis par l'appareil Cocoon de la société Planète Médicale comparé à celui émis par l'appareil Bair Hugger de la société 3 M, il résulte de l'instruction et notamment des notices techniques produites au dossier, que, comme l'ont relevé les premiers juges, l'appareil Cocoon présente un niveau sonore inférieur à 50 décibels, sans autre précision, alors que le niveau sonore du générateur Bair Hugger varie entre 48 décibels et 53 décibels selon le réglage du ventilateur. Dans ces conditions la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur et les premiers juges auraient mal apprécié le niveau sonore des appareils Cocoon et Bair Hugger.

11. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 7 à 10 du présent arrêt, qu'à supposer même que, comme le fait valoir la société Planète Médicale, le motif tenant à l'existence de difficultés logistiques de stockage pour les services créées par la quantité minimale prévue par commande dans l'offre de l'appelante ne puisse être retenu, compte tenu, notamment, de ce qu'il était prévu de livrer des quantités plus petites, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes aurait commis une erreur d'appréciation en retenant l'offre de la société Trois M A... plutôt que la sienne.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Planète Médicale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Planète Médicale demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Planète Médicale au bénéfice du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Planète Médicale est rejetée.

Article 2 : La société Planète Médicale versera au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Planète Médicale et au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04643
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : ELEOM NIMES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-13;21tl04643 ?
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