Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la société par actions simplifiée Suez Eau France à réparer les préjudices subis par sa propriété qu'elle impute à la rupture d'une canalisation d'eau potable.
Par un jugement n° 1801622 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la société Suez Eau France à lui verser une somme de 59 160,52 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des conséquences dommageables imputables à ces désordres et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 29 mai 2021, sous le n° 21MA02056, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL02056, et un mémoire enregistré le 29 avril 2022, la société Suez Eau France, représentée par Me Penso, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement du 1er avril 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité au titre des désordres affectant les margelles de la piscine, la conduite de gaz et les arbres situés dans la propriété de Mme B... ;
2°) de limiter sa part de responsabilité aux seuls dommages affectant la piscine, de réduire les condamnations prononcées à son encontre par les premiers juges au titre de ce désordre et de rejeter le surplus des conclusions de la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
En ce qui concerne son appel principal :
- c'est à tort que le tribunal a retenu l'engagement de sa responsabilité pour l'ensemble des désordres affectant la propriété de Mme B... alors que les opérations d'expertise ont permis d'établir que certains désordres ne sont pas en lien avec la fuite du réseau public d'eau potable mais proviennent de causes antérieures non définies ;
- sa responsabilité doit être limitée aux seuls désordres portant sur l'inondation de la partie condamnée de la piscine, la corrosion de sa structure métallique et le soulèvement du " liner " ;
- il n'existe aucune faute de sa part ni lien de causalité entre la fuite en litige et les autres désordres invoqués, portant sur les margelles de la piscine, la dégradation de la conduite privative de gaz, l'humidité des murs de la maison et les dommages constatés sur les plafonds, les fissures, le dépérissement d'arbres et les éclairages extérieurs dès lors que ces derniers résultent d'une cause antérieure tandis que la première fuite sur la canalisation d'eau potable a été identifiée au mois de juillet 2017 ;
- les travaux de modification de la structure de la piscine opérés en 2010, sans remblai ni étude préalable de structure, constituent une cause exonératoire de responsabilité dès lors qu'ils ont aggravé les dommages en favorisant la circulation d'eau en direction de la partie bassin ce qui a exercé une pression sous le " liner " ;
- Mme B... a également contribué aux désordres affectant la piscine par un défaut d'entretien ;
- il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a imputé une part de responsabilité de 10 % à Mme B... dans la survenance des désordres affectant la piscine ;
- indépendamment de son imputabilité à un mouvement de terrain ou à une cause extérieure, la dégradation de la conduite de gaz n'a été rendue possible que par l'absence de fourreau de protection contrairement aux préconisations prévues dans le cadre de la norme NF DTU 61.1 ;
- le dépérissement des arbres implantés dans le jardin ne peut être imputé avec certitude à la fuite de la canalisation d'eau potable dès lors que ce phénomène a été constaté avant cette fuite entre 2012 et 2015 tandis que cette végétation accuse un défaut caractérisé d'entretien ;
- les désordres affectant les murs et les plafonds de la maison et de la terrasse ainsi que le dysfonctionnement de l'éclairage extérieur préexistaient à la fuite en litige et peuvent également être imputés à un défaut d'entretien de la part de Mme B... ;
- Mme B... n'est pas fondée à solliciter, pour la première fois en cause d'appel, la désignation d'un expert en structures ;
- les préjudices portant sur le dépérissement des arbres du jardin ne sauraient donner lieu à une indemnisation ;
- c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser une somme de 27 500 euros toutes taxes comprises au titre des frais de démolition et d'installation d'une nouvelle piscine en coque polyester alors que ce type de piscine est plus onéreux et de meilleure facture que l'ancienne piscine en kit composée de tôle en acier galvanisé dont le coût de remplacement peut être chiffré à la somme de 15 000 euros toutes taxes comprises tandis que le précédent propriétaire avait réglé la somme de 13 796,64 euros en 1994 au titre de la fourniture d'une piscine prête à poser ;
- en acquiesçant au remplacement à neuf de la piscine par un modèle plus qualitatif, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code des assurances qui prohibent l'enrichissement de la personne sinistrée ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas appliqué un coefficient de vétusté à l'indemnité allouée au titre du remplacement de la piscine alors que la structure en acier galvanisé du bassin a été installée en 1994 directement au contact de la terre et que ce type de structure a une durée de vie d'environ 15 ans.
En ce qui concerne l'appel incident de Mme B... :
- les conclusions de Mme B... tendant à sa condamnation à verser la somme de 23 908 euros au titre de la remise en état des margelles de la piscine, frais de main-d'œuvre inclus, doivent être rejetées ou, à titre subsidiaire, plafonnées à la somme de 910 euros hors taxes compte tenu de leur état de vétusté tandis que le devis dont se prévaut l'intéressée dépasse la seule pose de nouvelles margelles mais porte sur la réfection intégrale de sa terrasse ;
- l'indemnisation du préjudice correspondant au coût d'une assurance dommage-ouvrage, si elle était retenue par la cour, doit être limitée au seul coût des travaux de réparation de la piscine ;
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'indemnisation du préjudice correspondant aux impôts locaux dont elle s'est acquittée au titre sa piscine ;
- le jugement attaqué sera confirmé en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice portant sur la perte de la valeur vénale de la propriété de Mme B..., lequel n'est pas justifié tandis que sa responsabilité ne saurait être engagée au titre des désordres affectant la maison et le jardin de l'intéressée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 10 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Durand, demande à la cour :
1°) avant-dire droit, de désigner un expert en " structures " ainsi qu'un expert en immobilier ;
2°) à titre incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er avril 2021 en tant, d'une part, qu'il a mis à sa charge une part de responsabilité de 10 % dans la survenance des désordres affectant la piscine et les margelles, d'autre part, qu'il a limité le montant des indemnités accordées au titre de la réfection de la piscine, de la remise en état des margelles, de la perte de jouissance de la piscine, du préjudice de jouissance lié à la privation de chauffage au gaz pendant quatre saisons hivernales et du préjudice de jouissance lié à la disparition de 53 arbres centenaires et, enfin, qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des préjudices liés à la souscription d'une assurance dommages-ouvrages au titre des travaux de reconstruction d'une nouvelle piscine, au paiement d'impôts locaux au titre de l'implantation d'une piscine, aux frais de remise en état des murs, des plafonds, de la façade et de la véranda de sa maison ainsi que de l'éclairage extérieur et à la perte de la valeur vénale de sa propriété ;
3°) à titre incident, d'une part, de condamner la société Suez Eau France à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation : 27 500 euros au titre des frais d'installation d'une nouvelle piscine, 23 908 euros au titre des frais de pose de margelles en ce compris le coût de la main d'œuvre, 1 390 euros au titre du coût de souscription d'une assurance dommages-ouvrages au titre des travaux de reconstruction de la nouvelle piscine, 2 226 euros au titre des impôts locaux dont elle s'est acquittée pour la présence d'une piscine sur le terrain, 6 703,40 euros au titre de la réfection des peintures des murs et plafonds, 5 372,50 euros au titre du remplacement de la porte de la véranda, 8 778 euros au titre de la réfection de la façade, 1 116,50 euros au titre de la réfection de l'éclairage extérieur dans le jardin, ces quatre dernières sommes devant être actualisées au regard de l'indice travaux publics en vigueur au jour de l'arrêt à intervenir, 15 850 euros au titre de la perte de la valeur vénale de sa propriété, 13 560 euros au titre du préjudice de jouissance lié à la privation de chauffage au cours de quatre saisons hivernales, 39 750 euros au titre du préjudice de jouissance lié au dépérissement de 53 arbres centenaires et, d'autre part, de porter à 3 200 euros et 6 000 euros les indemnités respectivement dues au titre des dépenses d'électricité exposées pendant les mois d'hiver et au titre de la privation de jouissance de la piscine durant la saison estivale ;
4°) de mettre à la charge de la société Suez Eau France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'appel principal :
- c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'elle a été victime d'un dommage causé par un ouvrage public au regard duquel elle a la qualité de tiers dont l'entretien et la surveillance incombent à la société Suez Eau France ;
- il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a déclaré cette société responsable des conséquences dommageables liées à la fuite de la canalisation d'eau potable et l'a condamnée à réparer certains de ses préjudices ;
- la société appelante demande l'application d'un rapport d'expertise comportant des lacunes concernant la cause des désordres mais qui la favorise dans sa tentative de dénégation de sa responsabilité.
En ce qui concerne son appel incident :
- c'est tort que le tribunal a mis à sa charge une part de responsabilité de 10 % dans la survenance des désordres affectant la piscine et les margelles et qu'il a exclu l'indemnisation de certains chefs de préjudices tandis qu'elle a subi d'importants troubles de jouissance sur une période de plusieurs années dont les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante ;
- aucune part de responsabilité ne saurait être mise à sa charge au titre des désordres affectant la piscine, les margelles et la perte de jouissance de la piscine dès lors, d'une part, que cet équipement ne présentait aucun défaut et se trouvait en parfait état tandis qu'aucune précaution particulière d'entretien ne peut être mise à sa charge en qualité de profane, d'autre part, que les travaux de restructuration de la piscine ne présentent aucun lien direct et certain avec les dommages causés par la présence d'un canalisation d'eau fuyarde de sorte que l'abattement appliqué par le tribunal n'est pas justifié ;
- c'est à tort que les premiers juges ont exclu le coût de la main d'œuvre dans le calcul de l'indemnité due au titre de la réfection des margelles, la somme de 6 788,35 euros allouée par le jugement ne concernant que la fourniture des matériaux ;
- il y a lieu d'actualiser l'indemnité due au titre de la perte de jouissance de la piscine durant cinq années en la portant de 5 000 euros à 6 000 euros afin de tenir compte de l'année 2022 ;
- c'est à tort que le tribunal a exclu l'indemnisation du coût d'une assurance dommages-ouvrages suivant un taux de 1,65 % pour un montant de total de travaux de 85 000 euros alors que la souscription d'une telle assurance dans le cadre des travaux de démolition et d'installation de la nouvelle piscine est obligatoire ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé d'indemniser une part des impôts locaux dont elle s'est acquittée alors qu'elle a continué à régler les impositions afférentes à sa piscine durant six années sans pour autant bénéficier de son usage ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation des différents désordres affectant les parties intérieures et extérieures de sa maison ainsi que la véranda et l'éclairage extérieur alors, d'une part, que l'expert a relevé que les eaux fuyardes se sont écoulées préférentiellement en direction de sa propriété du fait de la déclivité du terrain, d'autre part, que si la fuite en litige a été détectée en 2017, sa date d'apparition est indéterminée et, enfin, que les premiers juges ne pouvaient faire peser sur elle la charge de la preuve d'un lien de causalité entre ces désordres et la fuite en litige alors même que cette mission incombait à l'expert et qu'elle a, du reste, produit des photographies prises au moment de l'acquisition de sa propriété montrant qu'elle ne souffrait d'aucun désordre ;
- sa maison bénéficiait d'un jardin ombragé grâce à la présence d'arbres et de haies d'une grande qualité dont 53 ont été endommagés ou ont péri du fait de la présence d'eau ce qui justifie ses prétentions indemnitaires au titre de la perte de la valeur vénale de sa propriété, laquelle ne se limite pas aux désordres causés au jardin ;
- l'indemnité de 1 000 euros allouée par les premiers juges en réparation des troubles de jouissance tenant à l'arrêt du chauffage et de la cuisson au gaz pendant quatre saisons depuis l'année 2018 est manifestement insuffisante dès lors qu'elle a été contrainte d'utiliser deux radiateurs électriques d'appoint peu efficaces et énergivores à la place d'un chauffage central au gaz offrant un meilleur confort soit un total de 678 jours sans chauffage au gaz entre le 5 décembre 2018, date à laquelle GRDF a procédé à la coupure du gaz, et le 15 avril 2022 en retenant comme période légales de chauffage du 15 octobre de l'année N au 15 avril de l'année N+1 et la somme de 20 euros par jour pour une famille de quatre personnes, soit une indemnité totale de 13 560 euros ;
- c'est à tort que le tribunal a limité l'indemnisation des troubles de jouissance résultant de la dégradation et de la disparition d'arbres d'ornement à la somme de 1 500 euros alors, d'une part, qu'elle a perdu l'agrément de 53 arbres, d'autre part, que la perte d'arbres adultes ne peut être compensée par la plantation de jeunes arbres issus de pépinières lesquels n'offrent pas le même agrément ni le même ombrage et, enfin, qu'il y a lieu de retenir la somme de 1 500 euros par arbre perdu avec un coefficient d'abattement de 50 % lié au nombre d'arbres, ce qui porte l'indemnisation qui lui est due à la somme de 39 750 euros ;
- le préjudice lié au surplus de dépenses d'électricité doit être porté à la somme de 3 200 euros afin de tenir compte de l'hiver 2020-2021.
Par une ordonnance du 13 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 juillet 2022 à 12 heures.
II. Par une requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 1er juin 2021, sous le n° 21MA02094, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL02094, et un mémoire enregistré le 27 juin 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Durand, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) avant-dire droit, de désigner un expert en " structures " ainsi qu'un expert en immobilier ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er avril 2021 en tant, d'une part, qu'il a mis à sa charge une part de responsabilité de 10 % dans la survenance des désordres affectant la piscine et les margelles, d'autre part, qu'il a limité le montant des indemnités accordées au titre de la réfection de la piscine, de la remise en état des margelles, de la perte de jouissance de la piscine, du préjudice de jouissance lié à la privation de chauffage pendant quatre saisons hivernales et du préjudice de jouissance lié à la disparition de 53 arbres centenaires et, enfin, qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des préjudices liés à la souscription d'une assurance dommages-ouvrages au titre des travaux de reconstruction d'une nouvelle piscine, au paiement d'impôts locaux au titre de l'implantation d'une piscine, aux frais de remise en état des murs, des plafonds, de la façade et de la véranda de sa maison ainsi que de l'éclairage extérieur et à la perte de la valeur vénale de sa propriété ;
3°) d'une part, de condamner la société Suez Eau France à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation : 27 500 euros au titre des frais d'installation d'une nouvelle piscine, 23 908 euros au titre des frais de pose de margelles en ce compris le coût de la main d'œuvre, 1 390 euros au titre du coût de souscription d'une assurance dommages-ouvrages au titre des travaux de reconstruction de la nouvelle piscine, 2 226 euros au titre des impôts locaux dont elle s'est acquittée pour la présence d'une piscine sur le terrain, 6 703,40 euros au titre de la réfection des peintures des murs et plafonds, 5 372,50 euros au titre du remplacement de la porte de la véranda, 8 778 euros au titre de la réfection de la façade, 1 116,50 euros au titre de la réfection de l'éclairage extérieur dans le jardin, ces quatre dernières sommes devant être actualisées au regard de l'indice travaux publics en vigueur au jour de l'arrêt à intervenir, 15 850 euros au titre de la perte de la valeur vénale de sa propriété, 13 560 euros au titre du préjudice de jouissance lié à la privation de chauffage au cours de quatre saisons hivernales, 39 750 euros au titre du préjudice de jouissance lié au dépérissement de 53 arbres centenaires et, d'autre part, de porter à 3 200 euros et 6 000 euros les indemnités respectivement dues au titre des dépenses d'électricité exposées pendant les mois d'hiver et de la privation de jouissance de la piscine jusqu'à l'été 2021 durant la saison estivale afin de tenir compte de l'hiver 2021-2022 et de l'été 2022 ;
4°) de mettre à la charge de la société Suez Eau France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'elle a été victime d'un dommage causé par un ouvrage public au regard duquel elle a la qualité de tiers dont l'entretien et la surveillance incombent à la société Suez Eau France ;
- il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a déclaré cette société responsable des dommages causés par la fuite d'une canalisation d'eau potable et l'a condamnée à réparer certains de ses préjudices ;
- la société Suez Eau France demande l'application d'un rapport d'expertise comportant des lacunes concernant la cause des désordres mais qui la favorise dans sa tentative de dénégation de sa responsabilité ;
- c'est tort que le tribunal a mis à sa charge une part de responsabilité de 10 % dans la survenance des désordres affectant la piscine et les margelles et qu'il a exclu l'indemnisation de certains chefs de préjudices tandis qu'elle a subi d'importants troubles de jouissance sur une période de plusieurs années dont les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante ;
- aucune part de responsabilité ne saurait être mise à sa charge au titre des désordres affectant la piscine, les margelles et la perte de jouissance de la piscine dès lors, d'une part, que cet équipement ne présentait aucun défaut et se trouvait en parfait état tandis qu'aucune précaution particulière d'entretien ne peut être mise à sa charge en qualité de profane, d'autre part, que les travaux de restructuration de la piscine ne présentent aucun lien direct et certain avec les dommages causés par la présence d'un canalisation d'eau fuyarde de sorte que l'abattement appliqué par le tribunal n'est pas justifié ;
- c'est à tort que les premiers juges ont exclu le coût de la main d'œuvre dans le calcul de l'indemnité due au titre de la réfection des margelles, la somme de 6 788,35 euros allouée par le jugement ne concernant que la fourniture de nouvelles margelles ;
- il y a lieu d'actualiser l'indemnité due au titre de la perte de jouissance de la piscine durant cinq années en la portant de 5 000 euros à 6 000 euros afin de tenir compte de l'année 2022 ;
- c'est à tort que le tribunal a exclu l'indemnisation du coût d'une assurance dommages-ouvrages suivant un taux de 1,65 % pour un montant de total de travaux de 85 000 euros alors que la souscription d'une telle assurance dans le cadre des travaux de démolition et d'installation de la nouvelle piscine est obligatoire ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé d'indemniser une part des impôts locaux dont elle s'est acquittée alors qu'elle a continué à régler les impositions afférentes à sa piscine durant six années sans pour autant bénéficier de son usage ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation des différents désordres affectant les parties intérieures et extérieures de sa maison ainsi que la véranda et l'éclairage extérieur alors, d'une part, que l'expert a relevé que les eaux fuyardes se sont écoulées préférentiellement en direction de sa propriété du fait de la déclivité du terrain, d'autre part, que si la fuite en litige a été détectée en 2017, sa date d'apparition est indéterminée et, enfin, que les premiers juges ne pouvaient faire peser sur elle la charge de la preuve d'un lien de causalité entre ces désordres et la fuite en litige alors même que cette mission incombait à l'expert et qu'elle a, du reste, produit des photographies prises au moment de l'acquisition de sa propriété montrant qu'elle ne souffrait d'aucun désordre ;
- sa maison bénéficiait d'un jardin ombragé grâce à la présence d'arbres et de haies d'une grande qualité dont 53 ont été endommagés ou ont péri du fait de la présence d'eau ce qui justifie ses prétentions indemnitaires au titre de la perte de la valeur vénale de sa propriété, laquelle ne se limite pas aux désordres causés au jardin ;
- l'indemnité de 1 000 euros allouée par les premiers juges en réparation des troubles de jouissance tenant à l'arrêt du chauffage et de la cuisson au gaz pendant quatre saisons depuis l'année 2018 est manifestement insuffisante dès lors qu'elle a été contrainte d'utiliser deux radiateurs électriques d'appoint peu efficaces et énergivores à la place d'un chauffage central au gaz offrant un meilleur confort entre le 5 décembre 2018, date à laquelle GRDF a procédé à la coupure du gaz, et le 15 avril 2022 ;
- c'est à tort que le tribunal a limité l'indemnisation des troubles de jouissance résultant de la dégradation et de la disparition d'arbres d'ornement à la somme de 1 500 euros alors, d'une part, qu'elle a perdu l'agrément de 53 arbres, d'autre part, que la perte d'arbres adultes ne peut être compensée par la plantation de jeunes arbres issus de pépinières lesquels n'offrent pas le même agrément ni le même ombrage et, enfin, qu'il y lieu de retenir la somme de 1 500 euros par arbre perdu avec un coefficient d'abattement de 50 % lié au nombre d'arbres, ce qui porte l'indemnité qui lui est due à la somme de 39 750 euros ;
- le préjudice lié au surplus de dépenses d'électricité doit être porté à la somme de 3 200 euros afin de tenir compte de l'hiver 2021-2022.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la société par actions simplifiée Suez Eau France, représentée par Me Penso, conclut, à titre incident, à la réformation du jugement du 1er avril 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité au titre des désordres affectant les margelles, la conduite de gaz et les arbres situés dans la propriété de Mme B..., à ce que sa part de responsabilité soit limitée aux seuls dommages affectant la piscine, à la réduction des condamnations prononcées à son encontre par les premiers juges au titre de ce désordre, au rejet du surplus des conclusions de la demande de Mme B... et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu l'engagement de sa responsabilité pour l'ensemble des désordres affectant la propriété de Mme B... alors que les opérations d'expertise ont permis d'établir que certains désordres ne sont pas en lien avec la fuite du réseau public d'eau potable mais proviennent de causes antérieures non définies ;
- sa responsabilité doit être limitée aux seuls désordres retenus par l'expert relatifs à la piscine et qui portent sur l'inondation de la partie condamnée de cet ouvrage, la corrosion de sa structure métallique et le soulèvement de la poche d'imperméabilisation en plastique dite " liner " ;
- il n'existe aucune faute de sa part ni lien de causalité entre la fuite en litige et les autres désordres invoqués portant sur les margelles de la piscine, la dégradation de la conduite privative de gaz, l'humidité des murs de la maison et les dommages constatés sur les plafonds, les fissures, le dépérissement d'arbres et les éclairages extérieurs dès lors que ces derniers résultent d'une cause antérieure tandis que la première fuite sur la canalisation d'eau potable a été identifiée au mois de juillet 2017 ;
- les travaux de modification de la structure de la piscine opérés en 2010, sans remblai ni étude préalable de structure, constituent une cause exonératoire de responsabilité dès lors qu'ils ont aggravé les dommages en favorisant la circulation d'eau en direction de la partie bassin ce qui a exercé une pression sous le " liner " ;
- Mme B... a également contribué aux désordres affectant la piscine par un défaut d'entretien ;
- il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a imputé une part de responsabilité de 10 % à Mme B... dans la survenance des désordres affectant la piscine ;
- indépendamment de son imputabilité à un mouvement de terrain ou à une cause extérieure, la dégradation de la conduite de gaz n'a été rendue possible que par l'absence de fourreau de protection contrairement aux préconisations prévues dans le cadre de la norme NF DTU 61.1 ;
- le dépérissement des arbres implantés dans le jardin ne peut être imputé avec certitude à la fuite de la canalisation d'eau potable dès lors que ce phénomène a été constaté avant cette fuite entre 2012 et 2015 tandis que cette végétation accuse un défaut caractérisé d'entretien ;
- les désordres affectant les murs et les plafonds de la maison et de la terrasse ainsi que le dysfonctionnement de l'éclairage extérieur préexistaient à la fuite en litige et peuvent également être imputés à un défaut d'entretien de la part de Mme B... ;
- Mme B... n'est pas fondée à solliciter, pour la première fois en cause d'appel, la désignation d'un expert en structures ;
- les préjudices portant sur le dépérissement des arbres du jardin ne sauraient donner lieu à une indemnisation ;
- c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser une somme de 27 500 euros toutes taxes comprises au titre des frais de démolition et d'installation d'une nouvelle piscine en coque polyester alors que ce type de piscine est plus onéreux et de meilleure facture que l'ancienne piscine en kit composée de tôle en acier galvanisé dont le coût de remplacement peut être chiffré à la somme de 15 000 euros toutes taxes comprises tandis que le précédent propriétaire avait réglé la somme de 13 796,64 euros en 1994 au titre de la fourniture sans pose d'une piscine prête à poser ;
- en acquiesçant au remplacement à neuf de la piscine par un modèle plus qualitatif, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code des assurances qui prohibent l'enrichissement de la personne sinistrée alors qu'une solution de réparation était tout à fait envisageable en faisant intervenir un pisciniste pour repositionner le liner et remplir correctement le bassin ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas appliqué un coefficient de vétusté à l'indemnité allouée au titre du remplacement de la piscine alors que la structure en acier galvanisé du bassin a été installée en 1994 directement au contact de la terre et que ce type de structure a une durée de vie d'environ 15 ans ;
- les conclusions de Mme B... tendant à sa condamnation à verser la somme de 23 908 euros au titre de la remise en état des margelles de la piscine, frais de main-d'œuvre inclus, doivent être rejetées ou, à titre subsidiaire, plafonnées à la somme de 910 euros hors taxes compte tenu de leur état de vétusté tandis que le devis dont se prévaut l'intéressée dépasse la seule dépose et pose de nouvelles margelles mais porte sur la réfection intégrale de sa terrasse ;
- l'indemnisation du préjudice correspondant au coût d'une assurance dommage-ouvrage, si elle était retenue par la cour, doit être limitée au seul coût des travaux de réparation de la piscine ;
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'indemnisation du préjudice correspondant aux impôts locaux dont elle s'est acquittée au titre sa piscine ;
- le jugement attaqué sera confirmé en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice portant sur la perte de la valeur vénale de la propriété de Mme B..., lequel n'est pas justifié tandis que sa responsabilité ne saurait être engagée au titre des désordres affectant la maison et le jardin de l'intéressée.
Par une ordonnance du 2 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 juillet 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ponzio, substituant Me Penso, représentant la société Suez Eau France.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est propriétaire depuis 2010 d'une maison d'habitation disposant d'un jardin et d'une piscine située ... à Carpentras (Vaucluse). En juillet 2017, après avoir constaté une arrivée d'eau souterraine dans la structure de sa piscine, elle a procédé à une déclaration de sinistre auprès son assureur. Les 28 juillet et 29 août 2017, la société Suez Eau France, en charge de la gestion d'une conduite d'adduction d'eau potable souterraine située dans parcelle de Mme B..., est intervenue afin de mettre fin à cette fuite en procédant à une réparation aérienne provisoire avant de procéder à une réparation définitive par manchonnage. Après l'échec d'une phase d'expertise amiable diligentée à l'initiative de son assureur au contradictoire de la société Suez Eau France, Mme B... a, par une lettre du 29 janvier 2018, saisi la société Suez Eau France d'une demande préalable tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables résultant de la fuite d'une canalisation d'eau potable sur son terrain. Par un jugement avant-dire droit n° 1801622 du 25 juin 2020 et une ordonnance du président de la juridiction rendue le même jour, le tribunal administratif de Nîmes a désigné un expert dont le rapport a été remis le 18 décembre 2020. Au mois de février 2020, l'apparition d'une nouvelle fuite à quelques mètres de la fuite précédente a conduit la société Suez Eau France à condamner et à remplacer cette conduite d'eau par une nouvelle canalisation implantée en dehors du terrain d'assiette de Mme B.... Par un jugement du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la société Suez Eau France à verser à Mme B... une somme de 59 160,52 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
2. Sous le n° 21TL02056, la société Suez Eau France demande à la cour, d'une part, de réformer ce jugement en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité au titre des désordres affectant les margelles de la piscine, la conduite de gaz et les arbres situés dans la propriété de Mme B... et, d'autre part, de limiter sa part de responsabilité aux seuls dommages affectant la partie condamnée de la piscine, de réduire les condamnations prononcées à son encontre par les premiers juges au titre de ce désordre et de rejeter le surplus des conclusions de la demande de Mme B.... Par la voie de l'appel incident, celle-ci demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge une part de responsabilité dans la survenance des désordres et limité son indemnisation à la somme de 59 160,52 euros et de condamner la société Suez Eau France à réparer l'intégralité des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la fuite d'une canalisation d'eau potable implantée dans le tréfonds de sa propriété.
3. Sous le n° 21TL02094, Mme B... relève appel de ce jugement en tant, d'une part, qu'il a mis à sa charge une part de responsabilité de 10 % dans la survenance des désordres affectant la piscine et les margelles, d'autre part, qu'il a limité le montant des indemnités accordées au titre de la réfection de la piscine, de la remise en état des margelles et de la perte de jouissance de la piscine, du préjudice de jouissance lié à la privation de chauffage pendant quatre saisons hivernales et du préjudice de jouissance lié à la disparition de 53 arbres centenaires et, enfin, qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des préjudices liés à la souscription d'une assurance dommages-ouvrages au titre des travaux de reconstruction d'une nouvelle piscine, au paiement d'impôts locaux au titre de l'implantation d'une piscine, aux frais de remise en état des murs, des plafonds, de la façade et de la véranda de sa maison ainsi que de l'éclairage extérieur et à la perte de la valeur vénale de sa propriété. À titre incident, la société Suez Eau France conclut aux mêmes fins que dans le cadre de la requête n° 21TL02056.
4. Les requêtes précitées n°s 21TL02056 et 21TL02084 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions tendant à la désignation d'un expert avant-dire droit :
5. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ". Dès lors que l'état du dossier permet à la cour d'apprécier la nature des désordres, leur étendue et leur imputabilité à un ouvrage public, il n'y a pas lieu, avant de statuer sur les requêtes de la société Suez Eau France et de Mme B..., d'ordonner une expertise sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
6. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
7. Dans l'hypothèse d'une délégation de service public limitée à l'exploitation de l'ouvrage public en cause, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève en principe du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, appartient à la personne publique propriétaire et délégante.
En ce qui concerne la nature et l'origine des désordres et leur lien de causalité avec l'existence d'un ouvrage public :
8. La qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public.
9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et des photographies versées au dossier, qu'une fuite en provenance d'une canalisation d'adduction d'eau potable traversant le tréfonds de la propriété de Mme B... a été identifiée au cours du mois de juillet 2017 lors des opérations de débâchage et de sortie d'hivernage de la piscine implantée dans le jardin. Les 28 juillet et 29 août 2017, la société Suez Eau France, en charge de la gestion de l'eau potable sur le territoire de la commune de Carpentras, est intervenue afin de mettre fin à cette fuite en procédant à une réparation aérienne provisoire d'une conduite d'adduction d'eau potable souterraine qu'elle exploite, composée de polyéthylène et dotée d'un diamètre de 20 mm, située dans la parcelle de Mme B... avant de procéder à une réparation par manchonnage de cette conduite. L'apparition d'une nouvelle fuite, au mois de février 2020, à quelques mètres de la fuite précédente, a conduit cette société à condamner et à remplacer cette conduite d'eau par une nouvelle canalisation implantée en dehors du terrain d'assiette de Mme B....
10. Il résulte également de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise précité, qu'en raison de la topographie du terrain d'assiette, les eaux en provenance de la canalisation fuyarde se sont dirigées, du fait de la déclivité du terrain et de la présence d'un ancien canal d'irrigation souterrain busé, vers la piscine de Mme B.... Cette piscine, implantée à onze mètres de la zone de fuite, a été édifiée sur la base d'une structure composée d'acier galvanisé, en 1994, avant que la taille du bassin soit réduite par le précédent propriétaire, au cours de l'année 2010, par la pose d'une structure en bois, la partie condamnée du bassin, non remblayée, étant constituée d'une terrasse posée sur pilotis composée de paletage en bois. En particulier, il résulte de l'instruction que sous l'effet des venues d'eau, la coque métallique de la piscine a été attaquée par un phénomène de corrosion tandis que la poche d'imperméabilisation en polychlorure de vinyle, dite " liner ", le système de filtration et la structure en bois se sont détériorés. Par ailleurs, les margelles de la piscine se sont totalement déformées sous l'effet de la déstabilisation de la piscine. De même, la canalisation privative de gaz qui traverse sa propriété a été endommagée, conduisant à la coupure de l'arrivée de gaz et à la dépose du compteur individuel de gaz de Mme B..., le 3 décembre 2018 après que de fuites de gaz ont été constatées.
11. La société Suez Eau France, qui se borne à soutenir que sa responsabilité doit être limitée aux seuls désordres causés à la piscine, à l'exclusion de la détérioration des margelles, de la conduite de gaz et des arbres implantés dans la propriété de Mme B..., ne conteste pas être en charge de la gestion de cette canalisation et des désordres susceptibles d'être causés par son fonctionnement. Si elle conteste l'analyse des premiers juges selon laquelle les margelles, compte tenu de leur intégration à la structure de la piscine, se sont dégradées en conséquence de la déstabilisation de celle-ci dans son ensemble, l'expert a explicitement écarté tout rôle causal joué par le canal d'irrigation voisin ou la pluviométrie à Carpentras dans la survenance de ce phénomène et aucune autre cause n'a été identifiée. Par ailleurs, ainsi que cela résulte du diagnostic réalisé en août 2020 et en janvier 2021 par un cabinet spécialisé mandaté par Mme B... et dont les conclusions ont été reprises par le rapport d'expertise, l'importante mortalité qu'accusent les arbres et la haie de cyprès implantés sur sa propriété est d'origine mécanique dès lors qu'elle procède d'une asphyxie racinaire coïncidant avec l'inondation de sa propriété causée par les fuites précitées.
12. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la première fuite d'eau potable a été identifiée au mois de juillet 2017 n'est pas, à elle seule, de nature à écarter la responsabilité de la société Suez Eau France du fait des dommages causés à la conduite privative de gaz, aux margelles de la piscine et à la végétation alors qu'il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions de l'expert, qu'il n'est pas possible de dater précisément cette première fuite et que ces dommages se situent dans la zone concernée par les venues d'eau.
13. Il résulte de ce qui précède que la société Suez Eau France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a jugé que sa responsabilité était susceptible d'être engagée à l'égard de Mme B... du fait des désordres causés par la rupture d'une canalisation d'adduction d'eau potable qu'elle exploite, ouvrage public dont elle devait assurer le bon fonctionnement et au regard duquel cette dernière a la qualité de tiers.
En ce qui concerne l'existence de causes exonératoires de responsabilité :
14. En premier lieu, il est constant qu'au cours de l'année 2010, le précédent propriétaire a procédé à une modification de la structure de la piscine, composée d'acier galvanisé, consistant à réduire la taille du bassin et à transformer la partie condamnée de ce bassin en terrasse sur pilotis. Il résulte de l'instruction que cette modification, opérée par la pose d'une cloison séparative en bois, a été réalisée sans remblai, de sorte que les venues d'eau en provenance de la canalisation se sont écoulées de manière préférentielle vers la partie en eau du bassin et ont exercé un phénomène de pression sur le " liner " de la piscine. Ce mode constructif, que l'ancien propriétaire a du reste mis en œuvre sans étude technique préalable, ne peut toutefois être regardé comme ayant joué un rôle causal direct dans la survenance des désordres affectant la piscine et les margelles, la condamnation d'une partie du bassin ayant, au contraire, servi d'exutoire aux venues d'eau en provenance de la canalisation fuyarde et ralenti la découverte des désordres. Sur ce point, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que la hauteur d'eau présente dans la partie condamnée de la piscine a atteint environ 60 centimètres et que cette découverte a été faite lors du débâchage de la piscine, à sa sortie d'hivernage, au mois de juillet 2017. Par suite, dès lors que la piscine se trouvait en bon état de fonctionnement avant la survenance des deux fuites d'eau litigieuses, ainsi que cela résulte des photographies versées au dossier, aucune part de responsabilité ne pouvait être mise à la charge de Mme B... dans la survenance des désordres affectant la piscine et les margelles, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.
15. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, ni la vidange du bassin effectuée par Mme B... entre les mois de juillet et novembre 2017 en vue d'identifier l'origine des fuites ni l'existence d'une fuite antérieure dans le " liner " ne peuvent être regardées comme ayant contribué à la survenance ou à l'aggravation des dommages dont elle demande réparation, lesquels préexistaient à ces deux événements. De même, il ne résulte pas de l'instruction que l'entretien général de la piscine revêtirait un caractère fautif tandis que l'abaissement du niveau de l'eau en dessous du système de filtration de surface de la piscine, dit " skimmer ", lors de la mise en hivernage d'un tel équipement est admis, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise.
16. En troisième lieu, selon la société Suez Eau France l'absence de fourreau de protection sur la conduite privative de gaz, en méconnaissance de la norme NF DTU 61.1, est de nature à l'exonérer de sa responsabilité dans la survenance des fuites de gaz constatées au mois de décembre 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'absence de fourreau de protection ne repose que sur les simples déclarations de Mme B... lors des opérations d'expertise et n'a pas été objectivée par l'expert, lequel s'est, du reste, abstenu de procéder à des investigations techniques. En outre, cette seule circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à exonérer cette société de sa responsabilité dès lors que cette conduite de gaz, implantée à proximité immédiate de la paroi Est de la piscine où se situent les venues d'eau, doit être regardée comme s'étant dégradée sous l'effet des mouvements de terrain consécutifs à la pression exercée par les eaux en provenance de la canalisation d'eau potable fuyarde, ainsi que cela résulte des pièces versées au dossier et de la chronologie des faits, tandis que l'absence de fourreau de protection ne peut, tout au plus, qu'avoir joué un rôle aggravant.
En ce qui concerne les préjudices indemnisables :
17. Lorsqu'un dommage a été causé à un immeuble par un ouvrage public, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection. Ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité.
S'agissant des préjudices liés à la dégradation de la piscine et des margelles :
18. En premier lieu, en se fondant sur la circonstance que la piscine de Mme B..., construite en 1994 avec une structure en acier et réduite en 2010 à une dimension de 6,50 mètres sur 8,80 mètres, ne pouvait être remise en état, ainsi que cela résulte clairement des constatations de l'expert, il sera fait une exacte appréciation du préjudice matériel subi par l'intéressée en condamnant la société Suez Eau France à lui verser la somme de 27 500 euros toutes taxes comprises au titre des frais de démolition et d'installation d'une nouvelle piscine de même dimension incluant la dépose et l'évacuation de l'ancien équipement et la pose d'une piscine de type coque, en se fondant sur le moins disant des devis proposés. En se bornant à soutenir qu'un tel choix constructif revient à enrichir la victime en se prévalant des dispositions, au demeurant inapplicables de l'article L. 121-1 du code des assurances, dès lors qu'elles ne régissent que les indemnités servies par l'assureur à son assuré et non la réparation d'un préjudice par le juge, laquelle répond au principe de réparation intégrale, la société Suez Eau France ne produit aucun élément circonstancié de nature à établir qu'il existerait un procédé équivalent et moins onéreux pour remplacer la piscine endommagée par la conduite d'eau potable qu'elle exploite.
19. En deuxième lieu, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la somme de 6 788,35 euros suivant le devis établi le 7 août 2020, au titre du coût de fourniture de nouvelles margelles. En revanche, dès lors que cette indemnité se limite à la fourniture des matériaux, il y a lieu d'y ajouter la somme de 23 908 euros correspondant, suivant le devis établi le 11 septembre 2020, aux frais de main d'œuvre liés à la dépose de la chape en béton et de la réalisation d'une nouvelle chape et à la pose de nouvelles margelles. Ces dépenses, qui ne font pas l'objet de critiques sérieuses de la part de la société Suez Eau France, sont justifiées par les précisions portées sur ce devis par l'entrepreneur selon lesquelles, sous l'effet des dégradations, la chape en béton s'est totalement affaissée en raison du retrait du sol tandis que la dalle est marquée par d'importantes fissurations de l'ordre de 0,3mm à 2,5 centimètres.
20. Dès lors que les travaux précités sont strictement nécessaires à la remise en état de la piscine et des margelles suivant le procédé le moins onéreux possible et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces ouvrages étaient mal entretenus ou faisaient l'objet d'une exploitation économique les rendant productifs de revenus, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté ainsi que le demande la société Suez Eau France.
21. Par suite, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme B... en portant de 6 109,52 euros à 30 696,35 euros la condamnation prononcée à l'encontre de la société Suez Eau France par les premiers juges au titre des coûts de fourniture et de remplacement des margelles et de 24 750 euros à 27 500 euros l'indemnité due au titre du remplacement de la piscine.
22. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil (...) ". Dès lors que la destruction de l'ancienne piscine et des margelles ainsi que leur remplacement peuvent être regardés comme une opération de construction au sens de ces dispositions, Mme B... est fondée, ainsi qu'elle le demande, à être indemnisée du coût de souscription d'une assurance dommages-ouvrage. En appliquant le taux d'assurance de 1,65 % invoqué par l'intéressée et qui n'est, du reste, pas contesté par la société Suez Eau France et le montant total des travaux de reprise, fixé à la somme de 27 500 euros pour le remplacement de la piscine et à la somme de 30 696,35 euros pour la fourniture et le remplacement des margelles, soit un total de 58 196,35 euros, il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en condamnant la société Suez Eau France à lui verser une somme de 960,24 euros.
23. En quatrième lieu, la décision par laquelle l'administration ou son délégataire rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration ou de son délégataire à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Si, une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.
24. Il n'est fait exception à ces règles que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation. Dans ce cas, qu'il s'agisse de dommages relevant de chefs de préjudice figurant déjà dans cette réclamation ou de dommages relevant de chefs de préjudice nouveaux, la victime peut saisir l'administration ou son délégataire d'une nouvelle réclamation portant sur ces nouveaux éléments et, en cas de refus, introduire un recours indemnitaire dans les deux mois suivant la notification de ce refus. Dans ce même cas, la victime peut également, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces nouveaux éléments devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance.
25. Mme B... demande à la cour que les indemnités allouées par le tribunal au titre de la perte de l'usage de sa piscine durant les périodes estivales qui se sont écoulées depuis l'année 2017 soient réactualisées postérieurement au jugement attaqué. Ce chef de préjudice, qui ressort notamment du rapport d'expertise et qui a pu être révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement de première instance, se rattache au même fait générateur que celui invoqué dans la demande indemnitaire préalable et n'aboutit pas, en tout état de cause, à excéder le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme B... postérieurement au jugement attaqué au titre de la perte de l'usage de sa piscine en portant de 4 500 euros à 6 000 euros la condamnation prononcée à l'encontre de la société Suez Eau France par les premiers juges.
26. En cinquième et dernier lieu, il est constant que Mme B... a été privée de l'usage de sa piscine depuis le mois de juillet 2017 et qu'elle s'est acquittée de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Toutefois, dès lors qu'il n'existe aucun lien de causalité entre son assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de la présence de cet équipement, lequel est fondé sur la valeur locative cadastrale de la propriété, et le fait générateur des désordres, lequel résulte de la rupture d'une canalisation d'eau potable, l'intéressée n'est pas fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice lié aux impositions dont elle s'est acquittée depuis la mise à l'arrêt cet équipement alors, du reste, qu'elle a déjà été indemnisée, dans les conditions rappelées au point précédent, de la perte de jouissance de sa piscine.
S'agissant des préjudices résultant de la dégradation de la conduite privative de gaz :
27. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 23 à 25, il sera fait une exacte appréciation du préjudice lié au surplus de dépenses d'électricité exposé par Mme B... durant les périodes hivernales qui se sont écoulées depuis le jugement attaqué en portant de 2 400 euros à 3 200 euros la condamnation prononcée à l'encontre de la société Suez Eau France par les premiers juges afin d'actualiser l'indemnisation de ce chef de préjudice.
28. En second lieu, Mme B... soutient, sans être sérieusement contredite sur ce point, avoir été contrainte d'utiliser, au cours des saisons hivernales, de simples radiateurs d'appoint électriques plus énergivores et à faible rendement calorifique au regard du confort que lui offrait l'utilisation d'un chauffage central au gaz. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 23 à 25, il sera fait une juste appréciation des troubles de jouissance consécutifs à la privation du chauffage au gaz et de cuisson au gaz en portant de 1 000 euros à 2 500 euros l'indemnisation accordée par le jugement attaqué.
S'agissant de la végétation du jardin :
29. D'une part, le tribunal a fait une juste appréciation des troubles de jouissance consécutifs au dépérissement d'arbres d'ornement, y compris durant la phase de remise en état et de croissance des nouveaux plants, en condamnant la société Suez Eau France à verser une somme de 1 500 euros à Mme B....
30. D'autre part, si Mme B... soutient que les arbres centenaires ornant son jardin seront remplacés par de jeunes plants en phase de pousse n'offrant ni le même aspect visuel ni le même ombrage, cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une perte de valeur vénale de sa propriété, qu'elle évalue à la somme de 15 850 euros, alors, d'une part, que ce préjudice présente un caractère temporaire lié au temps nécessaire à la reconstitution d'un environnement arboré et, d'autre part, qu'elle bénéficiera du remplacement à neuf de sa piscine construite il y a près de 29 ans, ce qui est de nature à atténuer cette perte de valeur vénale, à la supposer établie.
S'agissant de la dégradation des parties intérieures de la maison par l'humidité et du dysfonctionnement de l'éclairage extérieur :
31. Il résulte des photographies versées au dossier et du rapport d'expertise que les murs et les plafonds ainsi que la façade de la véranda de la maison de Mme B... se sont dégradés sous l'effet de l'humidité et que l'éclairage extérieur du jardin ne fonctionne plus depuis l'année 2011. S'il est constant que l'expert n'a pas été en mesure d'établir avec précision la date à laquelle la première fuite d'eau a débuté, ce phénomène pouvant revêtir une cinétique lente retardant sa détection, il ne résulte pas de l'instruction que ces désordres, compte tenu de l'état de vétusté de l'habitation de l'intéressée et de son mode constructif, peuvent être imputés de manière directe et certaine aux fuites d'eau en provenance de la canalisation d'eau potable. À l'inverse, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise, d'une part, que l'habitation de Mme B... ne dispose ni de ventilation ni de vide sanitaire ni de joints sur les façades, ce qui peut objectiver la présence d'humidité et, d'autre part, que les phénomènes d'humidité par capillarité peuvent être imputés aux rejets des gouttières et à des infiltrations de la toiture tandis que l'intéressée ne produit aucun élément probant tel que des déclarations de sinistre, des procès-verbaux de constats de commissaire de justice ou des compte rendus d'interventions de technicien permettant d'établir un lien de causalité entre les fuites d'eau en litige et la dégradation de sa maison. Par suite, sans qu'il soit besoin d'apprécier si les désordres en litige peuvent être également imputés à un défaut d'entretien de la part de Mme B..., c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'indemnisation des désordres affectant l'habitation et l'éclairage extérieur du jardin.
32. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander à ce que la somme que la société Suez Eau France a été condamnée à lui verser en réparation des conséquences dommageables liées à la rupture d'une canalisation d'eau potable soit portée de 59 160,52 euros à 91 257,59 euros et que la société Suez Eau France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à indemniser les désordres résultant de la dégradation de la piscine et de ses margelles.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
33. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur les indemnités que la société Suez Eau France est condamnée à lui verser dans le cadre de la réformation prononcée au point 32 du présent arrêt, soit sur la somme de 28 297,07 euros, à compter du 29 janvier 2018, date de réception de sa demande indemnitaire préalable par cette société et sur la somme de 3 800 euros, correspondant à l'aggravation des préjudices subis depuis l'intervention du jugement attaqué, à compter du 1er juin 2021, soit la date à laquelle a été enregistrée la requête d'appel de Mme B....
34. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 28 mai 2018 dans le cadre de la demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 29 janvier 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, s'agissant des intérêts dus sur la somme de 28 297,07 euros et à compter du 1er juin 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, s'agissant des intérêts dus sur la somme de 3 800 euros.
Sur les frais liés au litige :
35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Suez Eau France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
36. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Suez Eau France une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête n° 21TL02056 de la société Suez Eau France est rejetée.
Article 2 : La somme de 59 160,52 euros que la société Suez Eau France a été condamnée à payer à Mme B... par le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er avril 2021 est portée à la somme totale de 91 257,59 euros. La somme de 28 297,07euros euros sera assortie des intérêts à compter du 29 janvier 2018 et celle de 3 800 euros sera assortie des intérêts à compter du 1er juin 2021. Les intérêts échus à la date du 29 janvier 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts s'agissant des intérêts dus sur la somme de 28 297,07 euros et les intérêts échus à la date du 1er juin 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts s'agissant des intérêts dus sur la somme de 3 800 euros.
Article 3 : Le jugement n° 1801622 du 1er avril 2021 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La société Suez Eau France versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la société Suez Eau France.
Copie en sera adressée pour information à l'expert.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 21TL02056 - 21TL02094