Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie Sanski a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 7 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a autorisé Mme D... à transférer l'officine pharmaceutique qu'elle exploite, située 76 boulevard du maréchal Joffre à Font-Romeu-Odeillo-Via, dans un nouveau local situé 1 rue de la mairie à Saint-Hippolyte ainsi que la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision par une lettre du 6 février 2019.
Par un jugement n°s 1900522-1901963 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 31 mars 2021, sous le n° 21MA01254, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL01254, et un mémoire enregistré le 26 avril 2022, la société Pharmacie Sanski, représentée par Me Sapone, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier n°s 190522 - 1901963 du 2 février 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a autorisé le transfert de l'officine pharmaceutique exploitée par la société Pharmacie Épilobe de Font-Romeu-Odeillo-Via à Saint-Hippolyte ainsi que la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique présenté par une lettre du 6 février 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé d'Occitanie d'ordonner la fermeture de la pharmacie Épilobe dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé d'Occitanie une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- ni l'agence régionale de santé d'Occitanie ni Mme D... ne remettent en cause le droit d'antériorité dont elle dispose pour le transfert de sa licence d'officine ;
- elle ne fait preuve d'aucune obstination juridictionnelle mais a été contrainte d'initier des procédures rendues nécessaires par les nombreuses illégalités commises par l'agence régionale de santé d'Occitanie à l'origine d'annulations contentieuses ;
- la décision du 7 décembre 2018 autorisant le transfert de la pharmacie Épilobe est entachée d'une erreur de droit dès lors, d'une part, qu'elle a été prise alors même que l'agence régionale de santé d'Occitanie ne se trouvait plus saisie de la demande d'autorisation de transfert présentée par Mme D... le 7 janvier 2013, d'autre part, que la précédente décision du 31 mars 2014 autorisant ce transfert a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier n°s 1402441-1404061 du 8 novembre 2016 sans qu'il soit enjoint au réexamen de cette demande de transfert et, enfin, que l'intéressée n'a pas confirmé sa demande de transfert d'officine alors que son dossier aurait dû être réactualisé depuis ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une nouvelle consultation, pour avis, des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens, les avis recueillis en janvier 2014 n'étant plus d'actualité au regard tant de l'évolution démographique de la population de Font-Romeu-Odeillo-Via et, notamment de son vieillissement, que des multiples annulations contentieuses intervenues depuis ;
- elle méconnaît son droit d'antériorité, alors que sa demande de transfert remplissait les conditions légales pour être satisfaite ;
- elle compromet l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune d'origine, en méconnaissance de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique alors que la présence d'une seconde pharmacie à Font-Romeu-Odeillo-Via répond à un réel service pour la population ;
- elle méconnaît l'article L. 5125-3 du code de la santé publique dès lors que l'autorité administrative n'a pas examiné le critère qualitatif institué par ces dispositions selon lequel le transfert doit permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population du quartier d'accueil.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 27 mai 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'agence régionale de santé d'Occitanie, représentée par Me Porte, conclut au rejet de la requête de la société Pharmacie Sanski et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la demande de transfert d'officine pharmaceutique présentée par la société appelante et reconnue complète le 4 juillet 2011 doit être appréciée au regard des dispositions des articles L. 5125-3, L. 5125-11 et L. 5125-14 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie ;
- l'autorisation de transfert du 7 décembre 2018 ne repose pas sur la demande initiale de transfert présentée le 7 janvier 2013 mais a bien été délivrée, en exécution de l'annulation avec effet rétroactif de la décision initiale de transfert du 22 février 2017, sur le fondement de la demande enregistrée le 30 novembre 2016 et le rapport d'instruction subséquent, la référence, dans la décision de transfert du 7 décembre 2018 à une demande du 5 décembre 2013 procédant d'une simple erreur de plume, sans incidence sur la légalité de cette décision ;
- contrairement à ce que qu'affirme l'appelante, la décision de transfert de la pharmacie Épilobe du 22 février 2017 n'a pas été annulée pour un motif de fond mais uniquement en raison de la méconnaissance du droit d'antériorité dont bénéficiait la pharmacie Sanski de sorte que, par l'effet du jugement d'annulation du 2 octobre 2018 et de ses motifs, l'administration était à nouveau tenue de se prononcer, en respectant le droit d'antériorité, sur les demandes concurrentes de transfert des pharmacies Sanski et Épilobe dont elle était saisie sans que ce réexamen conduise à remettre en cause, sur le fond, le refus de transfert opposé à la société appelante ;
- la décision du 7 décembre 2018 n'a pas été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors, d'une part, qu'elle a été précédée des avis du conseil régional de l'ordre des pharmaciens du Languedoc-Roussillon et du syndicat des pharmaciens des Pyrénées-Orientales respectivement émis les 25 et du 31 janvier 2017 et, d'autre part, que sur la période de deux ans qui s'est écoulée depuis l'intervention de ces deux avis, la population de Font-Romeu-Odeillo-Via n'a augmenté que de 85 habitants, ce qui n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence des avis recueillis en 2017 dans le cadre de l'instruction de la demande de transfert à la suite de l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Montpellier ;
- elle n'a pas méconnu le droit d'antériorité de la société appelante, qui opère une lecture erronée de l'article R. 5125-5 du code de la santé publique ayant pour effet d'empêcher indéfiniment l'examen de toute demande de transfert concurrente alors que ce droit d'antériorité a seulement pour objet de permettre l'examen prioritaire d'une demande de transfert d'officine dès lors qu'elle satisfait aux exigences légales, et non d'interdire l'examen de demandes concurrentes ;
- le transfert de la pharmacie Épilobe à Saint-Hippolyte ne compromet pas la desserte en médicaments dans la commune d'origine dès lors, d'une part, que la population de Font-Romeu-Odeillo-Via ne s'est pas accrue de façon notable depuis 50 ans, d'autre part, que la population saisonnière ne correspond jamais aux capacités hôtelières et d'hébergement lesquelles ont, du reste, considérablement baissé du fait de l'impact du réchauffement climatique sur les conditions d'enneigement et de la sérieuse baisse de fréquentation des stations de ski dans les Pyrénées-Orientales et, enfin, que la pharmacie de l'Edelweiss, officine distante de seulement 350 mètres de la pharmacie Épilobe, permet d'assurer la desserte pharmaceutique des populations résidente et saisonnière ;
- le respect de cette dernière condition, dont la démonstration peut être faite devant le juge de l'excès de pouvoir, est assuré au regard de l'étude qualitative produite par la société Épilobe au soutien de sa demande de transfert laquelle démontre que l'implantation de cette officine améliorera de manière très significative et optimale la desserte en médicaments de la population hippolytaine.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 avril et 4 mai 2022, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Épilobe, représentée par Me Bembaron, conclut au rejet de la requête de la société Pharmacie Sanski et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- dès lors que l'annulation, par un jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1703369 du 2 octobre 2018, de la décision du 22 février 2017 autorisant le transfert de son officine à Saint-Hippolyte a eu pour effet de la replacer, ainsi que la société appelante, dans la situation qui préexistait à cette décision, c'est à bon droit que le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a estimé qu'il demeurait saisi de leurs demandes de transfert d'officine, sans qu'elle soit tenue de renouveler sa demande de transfert ni que l'administration soit tenue de procéder à une nouvelle procédure de consultation en l'absence de changement dans les circonstances de fait ou de droit ;
- le droit d'antériorité dont se prévaut la société appelante impliquait seulement d'examiner sa demande de transfert avant la sienne, ce que l'autorité administrative a, du reste, fait ;
- le maintien d'une seconde pharmacie à Font-Romeu-Odeillo-Via, dont la création a été autorisée de manière dérogatoire le 21 mai 1982 alors que la population de la commune évoluait rapidement, ne se justifie plus ;
- la société appelante procède à une présentation inexacte et caricaturale du contexte officinal et démographique de Font-Romeu-Odeillo-Via alors, d'une part, que la population totale moyenne peut être estimée à 5 451 habitants en estimation haute, lors des années enneigées, et à 4 210 habitants en estimation basse, lors des années peu enneigées et, d'autre part, que la population touristique est très majoritairement en jeune et en " bonne santé ", ses besoins portant davantage sur des crèmes solaires et des sticks à lèvres que des médicaments ;
- son départ de Font-Romeu-Odeillo-Via intervenu en janvier 2015, soit pendant la saison hivernale et depuis sept années, n'a pas affecté la desserte en médicament des populations résidente et touristique de la commune dont les besoins sont satisfaits par la pharmacie Edelweiss.
La requête a été communiquée au ministre des solidarités et de la santé qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 29 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- les observations de Me Simon, représentant la société Pharmacie Sanski, de Me Porte, représentant l'agence régionale de Santé d'Occitanie et de Me Bembaron, représentant la société Pharmacie Épilobe.
Une note en délibéré a été produite par la société Pharmacie Epilobe le 5 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Font-Romeu-Odeillo-Via (Pyrénées-Orientales) dispose de deux officines de pharmacie, la pharmacie Edelweiss et la pharmacie Épilobe, officine située 76 avenue du maréchal Joffre dont la création a été autorisée le 21 mai 1982, exploitée en dernier lieu par la société Épilobe. L'agence régionale de santé d'Occitanie a été saisie de deux demandes de transfert d'officines à Saint-Hippolyte, commune située dans le même département, l'une, présentée le 4 juillet 2011, par M. C... B..., puis par M. A... E..., agissant au nom de la société Pharmacie Sanski implantée à Olette (Pyrénées-Orientales), et, l'autre, le 7 janvier 2013, par Mme F... D..., agissant au nom de la société Épilobe. Ces demandes ont été, depuis, régulièrement renouvelées.
2. Après avoir rejeté sa précédente demande de transfert par une décision du 6 mai 2013, le directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon a, par une décision du 31 mars 2014, autorisé le transfert de la pharmacie Épilobe de Font-Romeu-Odeillo-Via à Saint-Hippolyte, ce transfert étant intervenu en 2015. Par un jugement n°s 1402441 -1404061 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision motif pris de ce que cette autorité a fait une inexacte application de l'article L. 5215-3 du code de la santé publique en ne tenant pas compte de la population saisonnière de Font-Romeu-Odeillo-Via pour apprécier si le transfert de l'officine de pharmacie exploitée par Mme D... n'était pas susceptible de compromettre l'approvisionnement en médicaments de la commune d'origine. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille rendu le 1er juin 2018 sous le n° 16MA04529.
3. Par une décision du 22 février 2017, prise en exécution de ce jugement, la directrice de l'agence régionale de santé d'Occitanie a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de Mme D... à Saint-Hippolyte. Par un jugement n° 1703369 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision motif pris de ce que l'administration a méconnu le droit d'antériorité dont disposait la société Pharmacie Sanski dans l'examen de sa demande de transfert d'officine.
4. La société Pharmacie Sanski demande à la cour d'annuler le jugement n°s 1900522-1901963 du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 7 décembre 2018, prise en exécution du jugement du 2 octobre 2018, par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a autorisé Mme D... à transférer l'officine de pharmacie Épilobe de Font-Romeu-Odeillo-Via à Saint-Hippolyte et, d'autre part, de la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique présenté par une lettre du 6 février 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, la circonstance que la précédente décision du 31 mars 2014 autorisant le transfert de la pharmacie Épilobe a été annulée par le jugement précité du tribunal administratif de Montpellier n°s 1402441-1404061 du 8 novembre 2016 sans qu'il ait été enjoint à l'administration de procéder au réexamen de cette demande de transfert n'est pas, à elle seule, de nature à dessaisir l'autorité administrative de la demande de transfert présentée par Mme D... mais seulement de replacer cette pétitionnaire dans la situation qui était la sienne antérieurement à l'intervention de ce jugement quand bien même que cette dernière se serait abstenue de confirmer sa demande ou, à tout le moins, d'actualiser celle-ci. Par suite, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit en s'estimant, postérieurement à cette annulation contentieuse, toujours saisi d'une demande de transfert émanant de la pharmacie Épilobe.
6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010 de coordination avec la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires : " Toute création d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé selon les critères prévus aux articles L. 5125-11, L. 5125-13, L. 5125-14 et L. 5125-15, après avis du représentant de l'État dans le département. / (...) Dans tous les cas, la décision de création, de transfert ou de regroupement est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé après avis des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens (...) ".
7. D'autre part, à la suite du jugement du tribunal administratif annulant la décision autorisant le transfert d'une officine de pharmacie, le directeur général de l'agence régionale de santé n'est pas tenu de délivrer au pétitionnaire l'autorisation demandée mais doit statuer à nouveau sur la demande de transfert d'officine dont il reste saisi même hors de toute démarche du pétitionnaire, au vu des circonstances de fait et de droit existant à la date de sa nouvelle décision.
8. Si la société appelante se prévaut de la double circonstance que les avis recueillis aux mois de janvier 2014 auprès des instances professionnelles citées par L. 5125-4 du code de la santé publique ne seraient plus d'actualité et que la population de Font-Romeu-Odeillo-Via accuse, depuis, un vieillissement, il ne ressort pas des pièces du dossier que, depuis l'intervention de la décision du 22 février 2017 autorisant le transfert de la licence d'officine de la société Épilobe à Saint-Hippolyte, la situation démographique de la commune d'origine ait évolué dans des proportions telles que cela affecterait les conditions de desserte pharmaceutique des habitants, les pièces produites par les parties démontrant, au contraire, que la population de la commune d'origine n'a pas augmenté de manière significative tandis que le contexte officinal n'a, pour sa part, pas connu de changement notable, celle-ci disposant d'une autre officine de nature à permettre de répondre utilement aux besoins de la population. Aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à rendre nécessaire une nouvelle instruction n'étant ainsi intervenu entre la date à laquelle les services de l'agence régionale de santé d'Occitanie ont instruit, en dernier lieu, la demande de transfert présentée par Mme D..., et renouvelée le 30 novembre 2016, et le jugement précité du 2 octobre 2018, date à laquelle l'administration se trouvait de nouveau saisie de cette demande, le directeur général de cet établissement public n'était pas tenu de recueillir, au préalable, l'avis des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens, l'avis du conseil régional de l'ordre des pharmaciens du Languedoc-Roussillon et du syndicat des pharmaciens des Pyrénées-Orientales ayant été, en tout état de cause, recueillis de manière récente, respectivement les 25 et 31 janvier 2017. Par suite, le vice de procédure allégué ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, d'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 5125-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Toute demande ayant fait l'objet du dépôt d'un dossier complet bénéficie d'un droit d'antériorité par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, dans des conditions fixées par le décret mentionné à l'article L. 5125-32 ". Sur renvoi de l'article L. 5125-32 du code de la santé publique prévoyant que les règles relatives à l'appréciation du droit de priorité et du droit d'antériorité sont fixées par décret en Conseil d'État, l'article R. 5125-6 du même code précise, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Les règles de priorité et d'antériorité prévues à l'article L. 5125-5 s'apprécient parmi les demandes tendant à la création ou au transfert d'une officine ou au regroupement d'officines dans une même commune ou dans des zones géographiques comportant au moins une même commune. / Le droit d'antériorité s'apprécie parmi les demandes ayant le même rang de priorité, en fonction de la date et de l'heure d'enregistrement mentionnées à l'article R. 5125-1 ".
10. En présence de demandes concurrentes de transfert d'officines de pharmacie au sein de la même commune, l'administration doit examiner en premier celle qui bénéficie du droit d'antériorité énoncé par les dispositions de l'article L. 5125-5 alors en vigueur.
11. D'autre part, l'autorité de chose jugée qui s'attache au dispositif d'une décision juridictionnelle d'annulation et aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, à la suite de l'annulation d'une décision ayant accordé une autorisation et en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, la même demande fasse l'objet d'une nouvelle autorisation pour des motifs identiques à ceux qui ont été censurés par la décision juridictionnelle.
12. Il est constant que la société Pharmacie Sanski dispose d'un droit d'antériorité dès lors qu'elle a présenté sa demande de transfert d'officine à Saint-Hippolyte, le 4 juillet 2011, tandis que la demande de transfert concurremment présentée pour la pharmacie Épilobe n'a été enregistrée que le 30 novembre 2016. Toutefois, dès lors que la décision autorisant le transfert de l'officine exploitée par la société Épilobe de Font-Romeu-Odeillo-Via à Saint-Hippolyte a été édictée le 7 décembre 2018 et que la décision rejetant la demande de transfert présentée par la société appelante a été prise le 5 décembre 2018, le droit d'antériorité dont disposait cette dernière, lequel ne la dispensait pas de remplir les conditions de fond nécessaires à la délivrance d'une autorisation de transfert de licence d'officine, doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant été respecté. Par ailleurs, il est également constant que par deux précédents jugements n°s 1402441-1404061 du 8 novembre 2016 et n° 1703369 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les autorisations de transfert d'officine initialement accordées à Mme D... par des décisions respectives des 31 mars 2014 et 22 février 2017 au motif, dans un cas, que l'administration n'avait pas tenu compte de la population saisonnière de Font-Romeu-Odeillo-Via pour apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments de la commune d'origine et, dans l'autre, que le droit d'antériorité dont disposait la société Pharmacie Sanski n'avait pas été respecté. Toutefois, eu égard au dispositif de ces deux décisions juridictionnelles d'annulation et des motifs qui en sont le support nécessaire, l'autorité administrative était seulement tenue d'examiner prioritairement la demande de transfert de la société appelante sans que cet examen conduise nécessairement à la délivrance d'une autorisation de transfert ni qu'il la dispense d'instruire ou la dessaisisse de la demande concurrente de transfert présentée par la société Pharmacie Épilobe. Dans ces conditions, le directeur de l'agence régionale de santé d'Occitanie ne peut être regardé comme ayant méconnu le droit d'antériorité prévu à l'article L. 5125-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine. / Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde ou d'urgence mentionné à l'article L. 5125-22 ".
14. L'article L. 5125-4 du même code, dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Toute création d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé selon les critères prévus aux articles L. 5125-11, L. 5125-13, L. 5125-14 et L. 5125-15, après avis du représentant de l'État dans le département. / (...) Dans tous les cas, la décision de création, de transfert ou de regroupement est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé après avis des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens (...) ".
15. Enfin, l'article L. 5125-14 du code de la santé publique précise, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Le transfert d'une officine de pharmacie peut s'effectuer, conformément à l'article L. 5125-3, au sein de la même commune, dans une autre commune du même département ou vers toute autre commune de tout autre département. / Le transfert dans une autre commune peut s'effectuer à condition : / 1° Que la commune d'origine comporte : / a) Moins de 2 500 habitants si elle n'a qu'une seule pharmacie ; / b) Ou un nombre d'habitants par pharmacie supplémentaire inférieur à 3 500 ; / 2° Que l'ouverture d'une pharmacie nouvelle soit possible dans la commune d'accueil en application de l'article L. 5125-11 ".
16. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorité administrative ne peut autoriser le transfert d'une officine pharmaceutique qu'à la double condition, d'une part, qu'il permette de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil et, d'autre part, qu'il n'ait pas pour effet de compromettre l'approvisionnement de la population résidente du quartier d'origine. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de vérifier si les projets de transfert d'officines de pharmacie sur lesquels l'autorité administrative se prononce remplissent cette double condition.
17. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert et du regroupement envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination où l'officine doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable. L'administration peut tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. En revanche, elle ne peut légalement prendre en compte la population de passage fréquentant, par exemple, un supermarché. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.
18. S'agissant de la commune de départ, la société Pharmacie Sanski soutient que la présence d'une seconde pharmacie à Font-Romeu-Odeillo-Via répond à un réel service pour la population dès lors, d'une part, que la licence d'ouverture de cette officine a été délivrée, de manière dérogatoire par rapport au quorum de la population municipale, en 1982, afin de tenir compte des populations résidente, saisonnière et touristique, d'autre part, que cette population est en constante évolution et, enfin, que l'officine restante, la pharmacie Edelweiss, n'est pas aisément accessible pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. Toutefois, par ces seules allégations, qui ne sont étayées par aucune pièce, la société appelante ne démontre pas en quoi le transfert de la pharmacie Épilobe à Saint-Hippolyte serait de nature à compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la commune d'origine. À l'inverse, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la commune de Font-Romeu-Odeillo-Via connaît une relative stagnation de sa population puisque si ci-celle a légèrement augmenté entre 2012 et 2017, elle n'a fait que revenir au niveau observé en 2007, sans atteindre le niveau atteint en 1982, d'autre part, que la population saisonnière de cette commune, effectivement prise en compte par l'administration, accuse une baisse en raison de la baisse de fréquentation touristique liée à la perte d'enneigement de cette station de ski et doit être établie à un niveau moyen estimé entre 4 300 et 5 500 personnes selon le niveau d'enneigement, tandis que cette population ne recourt qu'accessoirement au système médical de la commune et, enfin, que la présence d'une autre officine de pharmacie, distante de 350 mètres de la pharmacie Épilobe, accessible aux personnes à mobilité réduite au moyen d'une rampe et disposant de places de stationnement adaptées aux personnes en situation de handicap, permet de répondre à l'ensemble des besoins de la population, y compris saisonnière, tandis qu'il n'est pas démontré que la population résidente de la commune d'origine serait majoritairement constituée de personnes âgées. Enfin, la seule circonstance que certaines personnes ont fait le choix, depuis le transfert de la pharmacie Épilobe, de se rendre dans la commune voisine n'est pas de nature à caractériser une compromission des conditions de desserte de la population.
19. S'agissant de la commune d'accueil, il est constant que pour apprécier si le transfert d'officine en litige permet de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant à Saint-Hippolyte, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie s'est borné à relever, d'une part, que cette commune, qui comporte une population municipale de 2 897 habitants, dispose du seuil d'habitants permettant l'implantation d'une officine, d'autre part, que les nouveaux locaux dans lesquels la pharmacie Épilobe envisageait son installation, situés 1 rue de la mairie, sont conformes à la réglementation applicable aux officines de pharmacie, en particulier aux articles R. 5125-9 et R. 5125-10 du code de la santé publique, en ce qu'ils permettent d'améliorer le service rendu à la population et, enfin, que la demande de transfert remplit l'ensemble des conditions énoncées à l'article L. 5125-3 du code de la santé dans sa version applicable du 22 décembre 2007 au 31 juillet 2018 sans porter d'appréciation sur la réponse optimale apportée par ce transfert aux besoins de la population dans la commune d'accueil.
20. Toutefois l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Ainsi, lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que l'administration a omis d'examiner l'une de ces conditions au cours de la procédure administrative, elle peut faire valoir pour la première fois devant le juge de l'excès de pouvoir le motif tiré de ce que cette condition était, en réalité, remplie à la date de la décision attaquée. Il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif, de rechercher si celui-ci, combiné à celui qui avait été retenu initialement, est de nature à fonder légalement la décision. Dans l'affirmative, le juge peut écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en s'abstenant d'examiner l'une des conditions légales de la décision, sous réserve que le défaut d'examen de cette condition n'ait pas privé l'intéressé d'une garantie procédurale.
21. Tant en appel que devant le tribunal, l'administration a soutenu que le transfert autorisé permettait, à la date de la décision en litige, de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant à Saint-Hippolyte.
22. Sur ce point, l'agence régionale de santé d'Occitanie soutient, sans être sérieusement contredite, que la zone urbanisée de Saint-Hippolyte est isolée des communes avoisinantes par des zones agricoles et des espaces verts dépourvus d'habitations, que le local dans lequel sera installée la pharmacie bénéficiaire du transfert en litige se situe dans le centre-ville ancien de la commune où se concentre l'essentiel de la population, qu'il est accessible aux personnes à mobilité réduite et en voiture, qu'il est situé à proximité des principaux axes routiers de la commune et bénéficie, en outre, de places de stationnement dont certaines réservées aux personnes à mobilité réduite. Par ailleurs, dès lors que la commune de Saint-Hippolyte est séparée de la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque, qui compte trois pharmacies pour une population de 10 246 habitants, par une route départementale à double voie difficilement franchissable pour les piétons, l'implantation d'une officine dans cette commune, qui n'en disposait pas auparavant, permettra, eu égard à l'éloignement géographique des officines situées dans la commune voisine et du temps de trajet à pied de 31 minutes pour se rendre à l'officine la plus proche, de répondre de manière optimale à la desserte en médicaments de la population de la commune d'accueil. Le motif ainsi invoqué en défense, tiré de ce que le transfert en litige permettra de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant à Saint-Hippolyte, combiné à celui qui a été retenu initialement portant sur l'absence de compromission de l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la commune d'origine, est de nature à fonder légalement l'autorisation de transfert en litige sans que l'abstention à examiner le motif ainsi invoqué en défense, qui existait à la date de la décision en litige, soit de nature à priver la société appelante d'une garantie procédurale.
23. Dans ces conditions, en considérant que le transfert en litige pouvait être regardé comme répondant de manière optimale aux besoins en médicaments de la population résidant à Saint-Hippolyte et comme ne compromettant pas l'approvisionnement de la population de la commune d'origine, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors en vigueur.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pharmacie Sanski n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 7 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a autorisé le transfert de l'officine exploitée par la société Pharmacie Épilobe de Font-Romeu-Odeillo-Via à Saint-Hippolyte et, d'autre part, de la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
25. Le présent arrêt, qui entraîne le rejet des demandes de la société appelante devant le tribunal administratif n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Pharmacie Sanski doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence régionale de santé d'Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Pharmacie Sanski demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
27. Il y a lieu, en revanche, mettre à la charge de la société Pharmacie Sanski une somme de 750 euros à verser à l'agence régionale de santé d'Occitanie et une somme de 1 500 euros à verser à la société Pharmacie Épilobe au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de la société Pharmacie Sanski est rejetée.
Article 2 : La société Pharmacie Sanski versera à l'agence régionale de santé d'Occitanie et à la société Pharmacie Épilobe les sommes respectives de 750 euros et 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie Sanski, au ministre de la santé et de la prévention, à l'agence régionale de santé d'Occitanie et à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Épilobe.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL01254