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08/06/2023 | FRANCE | N°22TL21610

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 08 juin 2023, 22TL21610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 juin 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un ju

gement n° 2203288 du 15 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 juin 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2203288 du 15 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. B... et de supprimer son signalement dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022 sous le n° 22TL21610, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que M. B... n'avait pas manifesté de façon expresse et sans équivoque son intention de solliciter l'asile en France lors de son audition par les services de police le 9 juin 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Canadas, conclut à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête, qui a été signée par un agent ne bénéficiant pas d'une délégation de signature à cette fin et qui est tardive, est irrecevable ;

- le moyen soulevé par le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé.

M. B... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022 sous le n° 22TL21611, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2203288 du 15 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen d'annulation sur lequel est fondée sa requête au fond présente un caractère sérieux.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 25 novembre 2020 et qui a déclaré être entré en France au cours du mois d'avril 2022, a été interpellé par les services de police le 9 juin 2022 et a fait l'objet d'un arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 22TL21610, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 15 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... et de supprimer son signalement dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de sa notification. Par la requête n° 22TL21611, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

2. Les requêtes n° 22TL21610 et n° 22TL21611 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. M. B... a bénéficié, par une décision du 24 mai 2023, du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu de statuer.

Sur la requête n° 22TL21610 :

4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (...) ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement ". L'article L. 521-7 du même code dispose que : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2 (...) ". Le 2° de l'article L. 542-2 du même code vise des cas où le demandeur d'asile : " (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale (...) ". L'article R. 521-1 du même code ajoute que : " (...) lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police ". Aux termes enfin de l'article R. 521-4 du même code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, il est orienté vers l'autorité compétente. (...) / Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile et dispensent pour cela la formation adéquate à leurs personnels ".

5. Les dispositions citées au point 4 ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et le préfet à enregistrer, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation. En conséquence, elles font légalement obstacle à ce que l'autorité préfectorale fasse usage des pouvoirs que lui confèrent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière

d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant qu'il ait été statué sur cette demande

d'admission au séjour au titre de l'asile. Ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée sur le fondement des dispositions des c et d du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que cette autorité peut, le cas échéant sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'étranger.

6. Il ressort du procès-verbal de son interpellation par les services de la police aux frontières du 9 juin 2022, que M. B..., entré irrégulièrement en France, a indiqué à cette occasion ne pas avoir pu, en raison d'une hospitalisation, effectuer des démarches administratives en vue de l'obtention d'un titre de séjour en France, alors qu'il souhaitait demander l'asile. Il doit être regardé, dans ces conditions, comme ayant manifesté sa volonté de présenter une demande d'asile en France, ainsi d'ailleurs que l'a admis le préfet de la Haute-Garonne dans son arrêté du 9 juin 2022, en relevant à cette occasion le caractère dilatoire de cette demande. Il n'est pas soutenu que celle-ci relevait de l'un des cas énumérés aux c et d du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels renvoie l'article L. 521-7 du même code, et qu'elle aurait été rejetée, même implicitement, par le préfet de la Haute-Garonne. Il s'ensuit que ce dernier n'a pu obliger M. B... à quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions citées au point 4.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par M. B..., que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 9 juin 2022, lui a enjoint le réexamen de la situation de l'intéressé et la suppression de son signalement dans le système d'information Schengen et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 22TL21611 :

8. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2203288 du 15 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 22TL21611 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête n° 22TL21610 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL21611 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2022.

Article 4 : Les conclusions présentée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B... et à Me Jérôme Canadas.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21610, 22TL21611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21610
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CANADAS;CANADAS;

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-08;22tl21610 ?
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