La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2023 | FRANCE | N°21TL04293

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 06 juin 2023, 21TL04293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'ordonner au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice ad

ministrative.

Par un jugement n°2000472 du 17 septembre 2021, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'ordonner au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2000472 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04293 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04293, M. B..., représenté par Me Betrom, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a entaché sa décision d'illégalité en s'arrogeant le droit de vérifier si les faits qui ont donné lieu au jugement correctionnel étaient établis et en qualifiant son comportement de manquement aux obligations déontologiques et en jugeant que le motif de refus de protection fonctionnelle ne reposait pas sur des préoccupations d'ordre privé ;

- le refus du bénéfice de la protection fonctionnelle méconnaît l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; en adressant des mails à sa hiérarchie qui ne relèvent pas de considérations d'ordre privé, il n'a pas commis de faute personnelle, ni même de faute, aucune procédure disciplinaire n'ayant d'ailleurs été engagée ; ces mails n'avaient pour but que de demander les justifications de sa précédente sanction de mutation d'office et de dénoncer le caractère faux ou erroné des faits à l'origine de cette sanction, ce qui a été reconnu par la justice administrative ; l'administration n'apporte pas la preuve de ce que les mails seraient susceptibles d'être qualifiés de harcèlement ; ces faits, qui n'ont donné lieu à aucune reconnaissance de délit, ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier un refus de protection fonctionnelle.

Une mise en demeure a été adressée le 16 mars 2022 au garde des sceaux, ministre de la justice.

Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2022.

Un mémoire en défense, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice a été enregistré le 19 mai 2023 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., surveillant pénitentiaire exerçant ses fonctions au centre pénitentiaire de ..., a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de ... en raison de la plainte déposée par la directrice adjointe du centre pénitentiaire pour des faits de dénonciation calomnieuse et de harcèlement moral. Par un jugement de ce tribunal correctionnel du 19 septembre 2019, il a été relaxé des fins de la poursuite. Le 20 novembre 2019, M. B... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre des frais exposés pour sa défense. Par une décision du 19 décembre 2019, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 17 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes du III de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations relatives aux fonctionnaires, alors applicable : " Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. (...) ". La protection du fonctionnaire qui fait l'objet de poursuites pénales ne peut être refusée pour un motif d'intérêt général, mais seulement si les faits en relation avec les poursuites ont le caractère d'une faute personnelle. A cet égard, une faute commise par un fonctionnaire ou agent public qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d'une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l'agent, alors même que, commise à l'occasion de l'exercice des fonctions, elle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service.

3. D'autre part, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative. Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

4. Pour refuser à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse s'est fondé sur un comportement de l'agent qu'il a estimé incompatible avec l'exercice de ses fonctions de surveillant brigadier et ses devoirs déontologiques, compte tenu de l'obstination, de l'insistance et de l'entêtement avec lesquels M. B... avait adressé un nombre considérable de courriels à l'administration au contenu tendancieux, provoquant et riche de sous-entendus envers sa hiérarchie. Si, par un jugement du 19 septembre 2019, le tribunal correctionnel de ... a relaxé l'agent des faits de dénonciation calomnieuse et harcèlement moral à l'encontre de la directrice adjointe du centre pénitentiaire de ... " en l'absence d'élément moral ", il ressort des termes des courriels adressés par M. B... versés au dossier de première instance par le garde des sceaux que l'agent y signalait notamment des accusations graves et des dénonciations malveillantes, fallacieuses et mensongères attribuées à la directrice adjointe de l'établissement au sein duquel il était affecté et sollicitait l'audition de cette dernière notamment par le parquet de ..., sans produire aucune preuve des faits imputés. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette directrice aurait commis les faits tels que dénoncés par le requérant. Il n'est également pas contesté que M. B..., ainsi que l'a précisé le garde des sceaux en défense en première instance, a adressé au cours de l'année 2016 à ce sujet près d'une centaine de courriers ou courriels à destination de sa hiérarchie. Alors que M. B... ne conteste pas l'envoi de ce nombre très important de courriels et eu égard à la mise en cause sans fondement de la hiérarchie qu'ils pouvaient comporter, cet excès de comportement constitue une faute personnelle de l'agent détachable du service. Par suite, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse, dont la décision ne repose pas sur le motif tiré du caractère de préoccupation d'ordre privé de la faute opposée à M. B..., n'a pas fait une inexacte application des dispositions du III de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, ni commis d'erreur d'appréciation en lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21TL04293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04293
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BETROM

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-06;21tl04293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award