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06/06/2023 | FRANCE | N°21TL02095

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 06 juin 2023, 21TL02095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse lui a infligé un blâme et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1904868 du 2 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le

directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a infligé un blâme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse lui a infligé un blâme et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1904868 du 2 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a infligé un blâme à M. B... et mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 3 juin 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA02095 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02095, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1904868 du 2 avril 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Il soutient que :

- la sanction infligée à M. B... est fondée sur des faits matériellement établis ;

- les faits reprochés, qui consistent en des propos rédigés sur des tracts dépassant le cadre de toute revendication syndicale et n'entrant pas dans le cadre de l'exercice normal de l'activité syndicale, constituent des fautes de nature à justifier la sanction de blâme retenue, laquelle est proportionnée à leur gravité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, M. B..., représenté par Me Betrom, conclut au rejet du recours du garde des sceaux, ministre de la justice et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le tribunal a légalement annulé la décision du 25 juin 2019 dès lors que les tracts invoqués ne sont pas signés, qu'il n'en est pas responsable, que l'administration ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits et de ce qu'il aurait rédigé ces documents ;

- la décision contestée méconnaît le principe de l'individualisation des sanctions, dès lors que l'administration, incapable d'identifier l'auteur des tracts, a sanctionné collectivement trois agents à raison de leur appartenance au syndicat national des personnels pénitentiaires ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation, les tracts ne comportant aucun propos injurieux ou outranciers au sens de l'article 29 de la loi du 21 juillet 1881 ou dépassant la vivacité de ton admise par la jurisprudence pour un syndicat ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'un agent public ne peut être sanctionné en raison de sa simple appartenance à un syndicat.

Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., surveillant pénitentiaire affecté au centre pénitentiaire de ..., est investi depuis le 26 mars 2018 d'un mandat syndical en qualité de secrétaire général du syndicat national des personnels pénitentiaires. Par un arrêté du 25 juin 2019, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse lui a infligé un blâme, pour avoir en qualité de secrétaire général et de membre du bureau du syndicat précité, rédigé et communiqué, en novembre et décembre 2018, une série de tracts comportant des termes dégradants et outrageants à l'endroit de sa hiérarchie. Par un jugement du 2 avril 2021, dont le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté du 25 juin 2019 et mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Pour annuler l'arrêté du 25 juin 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse infligeant un blâme à M. B..., la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier, après avoir relevé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. B... serait l'auteur des tracts incriminés et qu'il aurait participé à leur communication, a estimé la matérialité des faits reprochés à l'agent non établie. Toutefois, il ressort des nouvelles pièces du dossier produites en appel par le ministre que le syndicat national des personnels pénitentiaires ne comportait à son origine que trois membres, dont deux ont démissionné les 3 et 30 août 2018. Etant secrétaire général et le seul membre du bureau syndical à compter du 30 août 2018, M. B... ne saurait se prévaloir de l'absence de signature des tracts litigieux qui ont été diffusés au cours des mois de novembre et décembre 2018 pour soutenir qu'il n'en serait pas l'auteur ou qu'il n'en serait pas responsable. Par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a regardé la matérialité des faits reprochés à l'agent comme non établie.

3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :

4. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe :/ - l'avertissement ;/ - le blâme. (...) ". Aux termes de l'article 10 du décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire : " Le personnel de l'administration pénitentiaire est astreint au devoir de réserve et au respect de la discrétion et du secret professionnels dans les conditions prévues par les lois et règlements. ".

5. Si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d'expression particulière qu'exigent l'exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu'ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les tracts incriminés, à l'en-tête du syndicat, intitulés " Humour Dans la boite à Bébert, Parodie ", comportaient des propos rédigés particulièrement irrespectueux, notamment à l'endroit du directeur interrégional désigné sous l'appellation du " petit Marquis C... ", du chef d'établissement du centre pénitentiaire désigné sous l'appellation de " Bébert " et de la directrice des ressources humaines de ce centre, désignée sous les qualifications de " Choupette ", " princesse choupette " ou encore de " directrice des relations hermétiques ". Ces propos, qui excèdent les limites de la liberté d'expression syndicale, constituent une faute de nature à justifier une sanction. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'administration a infligé à M. B... un blâme, non en raison de son appartenance syndicale mais en raison de la rédaction et diffusion de propos excédant les limites de la liberté d'expression syndicale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, si M. B... fait valoir la nature collective de la sanction en précisant que deux de ses collègues ont également été sanctionnés à raison de leur appartenance syndicale, la décision attaquée est exclusivement fondée sur des faits personnellement reprochés et qui s'avèrent imputables au seul requérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des sanctions ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il conteste, le tribunal administratif de Montpellier, a annulé la décision susvisée de blâme et mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1904868 du 2 avril 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21TL02095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02095
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BETROM

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-06;21tl02095 ?
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