La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°20TL03134

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 mai 2023, 20TL03134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Carrières de la roche d'Espeil a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1801008 du 26 juin 2020, le tribunal administrati

f de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Carrières de la roche d'Espeil a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1801008 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2020 sous le n° 20MA03134 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03134 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 30 mars 2021 et le 18 mai 2021, la société Carrières de la roche d'Espeil, représentée par Me Peltier-Feat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012, 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne lui a pas envoyé un avis de vérification, comprenant la charte des droits et obligations du contribuable vérifié et une information sur la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix, avant la première intervention qui a eu lieu le 4 avril 2013 ;

- l'examen de sa comptabilité en 2013 et l'exploitation occulte d'éléments recueillis à cette occasion s'apparentent à un détournement de procédure ;

- la présence d'agents de l'administration fiscale lors de la perquisition du 4 avril 2013 n'était pas justifiée ;

- le délai de vérification de comptabilité prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a été dépassé ;

- le vérificateur, qui ne lui a pas communiqué les documents qu'il a recueillis en avril 2013, a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- elle a été privée de débat oral et contradictoire tant en avril 2013 qu'en 2014 ;

- l'administration n'a pas tenu compte de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- l'entretien avec l'interlocuteur départemental a été privé d'effectivité et son compte-rendu ne tient pas compte des nombreux justificatifs fournis, sans explication ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas l'interlocution départementale du 19 juillet 2017, alors qu'il en tire pourtant les conséquences ;

- les dépenses d'entretien et de réparation relatives aux différents véhicules utilisés pour les besoins de l'entreprise sont déductibles ;

- la doctrine référencée BOI-BIC-CHG-40-20-40 du 30 août 2016 permet la déductibilité de dépenses d'entretien et de réparation concernant des biens affectés à l'exploitation alors même que le contribuable n'en est pas propriétaire ;

- les dépenses relatives à l'achat de bouteilles d'eau, de café, d'aliments, de vêtements et d'une tablette numérique répondent aux besoins de l'entreprise ;

- il en est de même de dépenses de téléphones correspondant à un bureau existant à Sanary ;

- les dépenses relatives à l'achat de matériaux et de matériel destinés par nature à l'exploitation d'une carrière sont déductibles ;

- il doit être tenu compte des justificatifs et éléments versés au dossier s'agissant des comptes courants d'associé ;

- c'est à tort que l'administration a retenu, au titre de l'exercice clos en 2012, une minoration d'actif correspondant à l'acquisition d'un véhicule, dès lors que ce dernier a été revendu au cours de cet exercice.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 22 janvier 2021, le 13 avril 2021 et le 26 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- le litige n'a plus d'objet à hauteur du montant du dégrèvement prononcé le 20 avril 2021 ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Carrières de la roche d'Espeil.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Carrières de la roche d'Espeil fait appel du jugement du 26 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012, 2013 et 2014. Ces rappels et suppléments procèdent en particulier de la remise en cause, à l'issue de la vérification de comptabilité de son activité consistant en l'exploitation d'une carrière située à Buoux (Vaucluse), de la déduction de certaines dépenses de ses résultats.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 20 avril 2021, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de Vaucluse a prononcé le dégrèvement total, en droits et pénalités, à concurrence de la somme de 1 239 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels la société Carrières de la roche d'Espeil avait été assujettie au titre de la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2014. Les conclusions de la requête relatives à ces rappels et suppléments sont ainsi, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions en décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (...) ". L'article L. 13 du même livre dispose que : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Selon l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ". L'article L. 52 du même livre dispose que : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ". Aux termes enfin de de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

4. Il résulte de l'instruction que, sur réquisition du procureur de la République d'Avignon, intervenue dans le cadre de la recherche des infractions de travail illégal et d'emploi d'étranger démuni de titre de séjour, la société Carrières de la roche d'Espeil a fait l'objet, le 4 avril 2013, d'une perquisition effectuée par les services de la gendarmerie nationale, assistés par deux agents de la brigade de recherches et contrôle de la direction départementale des finances publiques de Vaucluse. Aucun élément du dossier, y compris les propos tenus par le vérificateur lors de l'intervention sur place du 26 novembre 2014, ne permet de considérer que cette perquisition a constitué une vérification de comptabilité au sens des dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales. Tel est également le cas de la circonstance que la présence d'agents de l'administration fiscale lors de la perquisition du 4 avril 2013 n'aurait pas été justifiée, laquelle est d'ailleurs sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. En conséquence, la société requérante ne saurait faire remonter à la date de cette perquisition le début de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet du 26 novembre 2014 au 12 février 2015, à la suite de la réception, le 7 novembre 2014, d'un avis de vérification accompagné d'un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Par suite, les moyens tirés de ce qu'elle n'a pas été destinataire d'un avis de vérification, comprenant cette charte et une information sur la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix, antérieurement à la première intervention et de ce que la vérification de comptabilité a duré plus de trois mois doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait recueilli des éléments d'information à l'occasion de la perquisition du 4 avril 2013 et dont elle se serait servie dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Carrières de la roche d'Espeil. Cette dernière n'apporte, en particulier, aucun élément permettant de considérer que le vérificateur aurait remis le 2 décembre 2014 une liste d'immatriculations de véhicules relevées le 4 avril 2013, alors que le ministre indique que cette liste a été établie sur la base de factures de fournisseurs. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les rectifications opérées reposeraient sur des renseignements obtenus en dehors du cadre des opérations de vérification de comptabilité, sans la soumission au débat oral et contradictoire ou la délivrance des informations prévues à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales manque en fait. De la même manière, la société Carrières de la roche d'Espeil n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas les documents prétendument recueillis lors de la perquisition du 4 avril 2013.

6. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 ci-dessus que le moyen tiré du détournement de procédure, résultant de l'examen de la comptabilité de la société Carrières de la roche d'Espeil dès le 4 avril 2013 et de l'exploitation occulte d'éléments recueillis à cette occasion, doit être écarté.

7. En quatrième lieu, si les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales citées au point 3 ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée. Ce débat oral et contradictoire ne peut en principe être conduit qu'avec le contribuable ou son représentant dûment mandaté. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, conformément à l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

9. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt que la société Carrières de la roche d'Espeil ne peut utilement soutenir, pour obtenir la décharge des impositions contestées, qu'elle a été privée de débat oral et contradictoire à l'occasion de la perquisition du 4 avril 2013 ou que les documents saisis à cette occasion n'ont pas été soumis à un tel débat. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité, qui s'est déroulée du 26 novembre 2014 au 12 février 2015, le vérificateur s'est rendu à dix reprises au siège de la société ou, à la demande de sa gérante, dans les locaux de son expert-comptable, pour examiner les conditions d'exploitation de la carrière, pour effectuer les opérations de vérification et pour échanger sur ces opérations, sur l'intérêt de l'entreprise à engager certaines charges comptabilisées et sur les rectifications envisagées. Dès lors que la contribuable ne démontre pas, en se bornant à soutenir que l'unique intervention réalisée au siège de l'entreprise n'aurait pas permis au vérificateur d'appréhender le fonctionnement d'une carrière, qu'à ces différentes occasions le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec les représentants de la société, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales : " (...) L'administration notifie l'avis de la commission (...) au contribuable et l'informe en même

temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition (...) ". L'article R. 61 A-1 du même livre dispose que : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de rectification est calculé : (...) c) Soit sur la base notifiée par l'administration au contribuable après avis de la commission compétente (...) dans le cas où le litige leur a été soumis (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que, dans son avis du 7 juin 2016, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est prononcée favorablement à la position de l'administration sur le rejet de certaines dépenses, a admis la déductibilité de certains frais et a invité la société Carrières de la roche d'Espeil à fournir des justificatifs complémentaires concernant diverses charges. Dans un courrier du 31 août 2016, l'administration a informé la contribuable de ce qu'elle entendait suivre cet avis et a indiqué les nouvelles bases d'imposition retenues en conséquence. La circonstance que le service a omis, à ce stade de la procédure, d'en tirer les conséquences sur la déductibilité de certaines charges en matière de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, alors qu'il n'était pas tenu de suivre l'avis de la commission et que cette omission a été régularisée dans le cadre de la décision du 12 février 2018 d'admission partielle de la réclamation de la contribuable. Par ailleurs, l'invitation faite par la commission à la société d'apporter les pièces permettant de justifier du caractère déductible de diverses charges n'imposait pas à l'administration de renouveler cette demande de pièces, ce qu'elle a d'ailleurs fait, et ne remettait pas en cause son obligation de notifier cet avis et d'indiquer les nouvelles bases d'imposition qu'elle retenait dans le cadre de cette notification. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas respecté l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Dans la version remise à la société Carrières de la roche d'Espeil, correspondant au millésime établi en mai 2014, cette charte prévoit la possibilité, pour le contribuable, de saisir l'inspecteur principal pour obtenir des éclaircissements supplémentaires sur les redressements envisagés, maintenus par le vérificateur, puis, si des divergences importantes subsistent, de faire appel à l'interlocuteur départemental.

13. Il ne résulte pas de l'instruction que l'entrevue que la gérante de société Carrières de la roche d'Espeil et son conseil ont eue, le 27 novembre 2016, avec l'interlocuteur départemental n'aurait pas permis d'avoir un véritable débat, alors que ce dernier a, à cette occasion, rappelé le contenu de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires selon lequel il appartenait à la contribuable de produire des documents complémentaires pour justifier de la réalité ou du caractère professionnel de certaines charges dont la déductibilité avait été remise en cause par le vérificateur. Alors qu'il n'y était pas tenu, l'interlocuteur départemental a, en outre, adressé à la société, dans un courrier du 19 juillet 2017, un compte-rendu de l'entretien l'informant de façon suffisamment précise que l'examen des documents produits par elle au cours du mois de novembre 2016 avait permis d'accepter la déduction de deux dépenses écartées par le vérificateur, tandis que les autres éléments présentés n'apportaient aucun élément nouveau. Enfin, comme l'a jugé le tribunal administratif de Nîmes, ni la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne faisaient obligation à l'interlocuteur départemental de recevoir un représentant de la société pour un second entretien, à la suite de la transmission de nouvelles pièces. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec l'interlocuteur départemental aurait été privée d'effectivité doit être écarté.

14. En septième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". L'article R. 256-1 du même livre dispose que : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".

15. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 6 septembre 2017 se réfère aux propositions de rectification du 17 décembre 2014 et du 17 février 2015 d'où le redressement est issu, aux réponses aux observations du contribuable qui les ont suivies, ainsi qu'à la notification du 31 août 2016 de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, mais qu'il ne mentionne pas la lettre du 19 juillet 2017 par laquelle l'interlocuteur départemental informait la société de la prise en compte de deux factures et d'une modification, à la baisse, des droits mis à sa charge, pour des montants correspondant à ceux qui ont été finalement mis en recouvrement. Dès lors que cette lettre a été régulièrement notifiée à la société Carrières de la roche d'Espeil le 26 juillet 2017 et compte tenu des circonstances particulières de l'affaire, l'avis de mise en recouvrement est seulement entaché d'une erreur matérielle qui n'a pas privé l'intéressée de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement. Il s'ensuit que l'erreur matérielle ainsi commise n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

16. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".

17. L'administration a relevé que le véhicule de marque Land Rover, que la société Carrières de la roche d'Espeil avait acquis le 28 février 2011 au prix de 8 553,12 euros, ne figurait pas à l'actif de son bilan. Elle a, en conséquence, rectifié cette minoration d'actif et réintégré la somme de 8 553 euros au résultat imposable de l'exercice clos le 31 mars 2012. Il résulte toutefois des certificats d'immatriculation produits par la société requérante que le véhicule a été cédé le 2 mai 2011. Il s'en déduit que l'acquisition de ce véhicule ne s'est pas traduite par un accroissement de son actif net correspondant à un profit imposable en application des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts. Par suite, la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2012 doit être réduite de la somme de 8 553 euros.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

19. L'administration a réintégré dans les résultats des exercices en litige le montant de dépenses relatives à des véhicules automobiles, poids-lourds et deux-roues, à des frais alimentaires et à l'acquisition de divers matériels, notamment hifi, vidéo, électroménager, bureautique et mobilier, de vêtements, ainsi que de matériaux, qui n'ont pas été regardés comme ayant été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise. Elle a également écarté les dépenses correspondant à l'achat de biens ayant pour résultat l'entrée de nouveaux éléments dans l'actif immobilisé de l'entreprise, ne constituant pas des charges déductibles des résultats en vue de la détermination du bénéfice imposable. Elle a toutefois admis, dans le cadre de la présente instance, la déductibilité de cinq factures, pour un montant total de 2 907 euros. Pour le surplus, les factures produites par la société requérante, qui n'identifient pas les véhicules en cause ou qui sont relatives à des véhicules non-inscrits à son actif, ne permettent pas de considérer qu'elles concernent l'entretien ou la réparation de véhicules utilisés par l'entreprise. La société se borne, par ailleurs, à affirmer que les dépenses correspondant à l'achat de bouteilles d'eau, de café, d'aliments, de vêtements, et d'une tablette numérique répondent aux besoins de ses salariés et que les matériaux et le matériel qu'elle a acquis sont, par nature, destinés à l'exploitation d'une carrière. Bien que produisant les factures correspondantes, la société requérante n'apporte, de la sorte, aucun élément probant de nature à établir que ces charges répondent à son intérêt direct. Par ailleurs, la seule production d'un extrait des " Pages Jaunes " datant de 2004 et révélant l'existence d'un numéro de téléphone de la société à Sanary-sur-Mer ne saurait justifier la prise en charge des frais de téléphone correspondants. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction des frais correspondants pour la détermination du bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés.

20. En troisième lieu, la société Carrières de la roche d'Espeil n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-20-40 du 30 août 2016, qui permet la déductibilité de dépenses d'entretien et de réparation concernant des biens affectés à l'exploitation alors même que le contribuable n'en est pas propriétaire et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Le 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au même code dispose que : " Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ".

22. Il résulte de ce qui a été dit au point 19 du présent arrêt que les charges en cause doivent être regardées comme n'ayant pas été engagées pour les besoins de l'exploitation. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures correspondantes.

23. En dernier lieu, en se bornant à soutenir qu'il doit être tenu compte des justificatifs et éléments versés au dossier s'agissant des comptes courants d'associé, la société requérante n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

24. Il résulte de ce qui précède que, s'agissant du surplus des conclusions de la requête, la société Carrières de la roche d'Espeil est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes n'a pas réduit, en droits et pénalités, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2012 à raison de la diminution des bases d'imposition de la somme de 8 553 euros.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Carrières de la roche d'Espeil à concurrence du dégrèvement de 1 239 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société Carrières de la roche d'Espeil au titre de l'exercice clos le 31 mars 2012 sont réduites de la somme de 8 553 euros.

Article 3 : La société Carrières de la roche d'Espeil est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2012 correspondant aux réductions de bases d'imposition définies à l'article 2, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : Le jugement n° 1801008 du tribunal administratif de Nîmes du 26 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la société Carrières de la roche d'Espeil est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrières de la roche d'Espeil et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL03134 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL03134
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-25;20tl03134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award