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17/05/2023 | FRANCE | N°21TL02144

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 17 mai 2023, 21TL02144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M... C..., M. B... C..., M. F... C... et Mme G... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite née le 6 août 2019 par laquelle le maire de Monteux a refusé de procéder au retrait du permis de construire délivré le 5 décembre 2011 à M. J... C... ainsi que l'arrêté portant transfert de ce permis de construire à M. H... et Mme I..., d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2011 par lequel le maire de Monteux a délivré un permis de construire à M. J...

C... portant sur l'extension d'une habitation existante pour une surface de planche...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M... C..., M. B... C..., M. F... C... et Mme G... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite née le 6 août 2019 par laquelle le maire de Monteux a refusé de procéder au retrait du permis de construire délivré le 5 décembre 2011 à M. J... C... ainsi que l'arrêté portant transfert de ce permis de construire à M. H... et Mme I..., d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2011 par lequel le maire de Monteux a délivré un permis de construire à M. J... C... portant sur l'extension d'une habitation existante pour une surface de plancher de 55 m², d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le maire de Monteux a procédé au transfert du permis de construire accordé le 5 décembre 2011 au profit de M. H... et Mme I... et d'annuler enfin l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le maire de Monteux a accordé un permis de construire modificatif à M. H... et Mme I....

Par un jugement n° 1903012 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes comme irrecevables.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, ainsi que des mémoires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA02144 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02144 les 7 juin 2021, 21 juin 2021, 25 octobre 2021 et 8 novembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, les consorts C..., représentés par Me Coque, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 6 août 2019 par laquelle le maire de Monteux a refusé de procéder au retrait du permis de construire délivré le 5 décembre 2011 à M. J... C... et de l'arrêté portant transfert de ce permis de construire à M. H... et Mme I..., d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2011 par lequel le maire de Monteux a délivré un permis de construire portant sur l'extension d'une habitation existante pour une surface de plancher de 55 m², d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le maire de Monteux a procédé au transfert du permis de construire accordé le 5 décembre 2011 au profit de M. H... et Mme I... et d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le maire de Monteux a accordé un permis de construire modificatif à M. H... et Mme I... ;

3°) de rejeter l'appel incident formé par M. H... et Mme I... ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Monteux, de M. H... et Mme I... et de M. J... C... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt pour agir les concernant ;

- ils ont intérêt à agir à l'encontre des décisions attaquées ;

- le recours a été introduit dans le délai de recours contentieux ;

- ils ont accompli les formalités prévues par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de justice administrative ;

- les dossiers de demandes ne comportent pas les pièces mentionnées aux dispositions des articles L.431-2, R.431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- les arrêtés des 12 juillet 2018 et 7 septembre 2018 n'ont pas été signés par une autorité bénéficiant d'une délégation de signature l'habilitant à cet effet, régulière, publiée et suffisamment précise ;

- le permis de construire accordé le 5 décembre 2011 a été obtenu par fraude dès lors qu'il autorisait une extension d'une construction en zone naturelle, que le bâtiment d'origine de 67 m² déclaré sur lequel portait l'extension n'existait pas et n'a jamais fait l'objet d'un permis de construire ; le bénéficiaire de ce permis de construire ne justifie d'aucune autorisation d'urbanisme portant sur le changement de destination de cette construction qui a été affectée à l'habitation ;

- la délivrance du permis de construire modificatif n'a pas eu pour effet de régulariser la surface construite du bâtiment ;

- les arrêtés du 12 juillet 2018 et 7 septembre 2018 sont irréguliers dès lors que le permis de construire initial a été obtenu par fraude ;

- les arrêtés du 12 juillet 2018 et 7 septembre 2018 sont irréguliers en raison de la caducité du permis de construire initial ;

- ils n'ont eu aucun comportement abusif de nature à engager leur responsabilité sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

- aucun préjudice n'est démontré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, M. J... C..., représenté par Me Porcher, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des consorts C... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête de première instance est tardive ;

- les requérants ne démontrent pas avoir intérêt pour agir à l'encontre des décisions attaquées ;

- les moyens soulevés par les consorts C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2021, Mme K... I... et M. L... H..., représentés par Me Cagnon, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête des consorts C... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 avril 2021 et condamner les consorts C... à leur verser la somme globale de 4 000 euros et la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge solidaire des consorts C... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le jugement est régulier ;

- la requête de première instance est tardive ;

- les requérants n'ont pas intérêt pour agir à l'encontre des décisions attaquées ;

- les moyens soulevés par les consorts C... à l'appui de leurs conclusions en annulation ne sont pas fondés ;

- le recours traduit un comportement abusif des requérants ;

- ce comportement leur a causé un préjudice moral d'un montant de 2 500 euros chacun et un préjudice financier d'un montant de 3 500 euros ; ils ont aussi exposé des frais d'honoraires pour une expertise psychologique d'un montant de 500 euros.

Par un mémoire distinct, enregistré le 27 septembre 2021, Mme I... et M. H..., représentés par Me Cagnon, demandent à la cour de condamner les consorts C... à leur verser la somme globale de 4 000 euros et la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Ils font valoir que :

- le recours traduit un comportement abusif des requérants ;

- ce comportement leur a causé un préjudice moral d'un montant de 2 500 euros chacun et un préjudice financier d'un montant de 3 500 euros ; ils ont aussi exposé des frais d'honoraires pour une expertise psychologique d'un montant de 500 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2021 et 15 novembre 2021, la commune de Monteux, représentée par Me Guin et Me Hequet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des consorts C... la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de première instance est tardive ;

- les requérants ne démontrent pas avoir intérêt pour agir à l'encontre des décisions attaquées ;

- les moyens soulevés par les consorts C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 novembre 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête des consorts C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coque, représentant les consorts C..., et de Me Cagnon, représentant Mme I... et M. H....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 5 décembre 2011, le maire de Monteux (Vaucluse) a accordé un permis de construire à M. J... C... en vue de l'extension de 55 m² d'une habitation existante située sur la parcelle cadastrée section D n° 1470. Par arrêté du 12 juillet 2018, le maire a procédé au transfert de ce permis de construire au bénéfice de Mme I... et M. H.... Puis, par arrêté du 7 septembre 2018, il a accordé un permis de construire modificatif à ces derniers. M. M... C..., M. B... C..., M. F... C... et Mme G... D... épouse C... ont formé, le 4 juin 2019, un recours gracieux contre l'arrêté portant transfert de permis de construire et sollicité le retrait du permis de construire initial pour fraude. Par leur requête, ils demandent à la cour d'annuler l'article 1er du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 décembre 2011, du 12 juillet 2018 et du 7 septembre 2018 ainsi que des décisions implicites de rejet nées le 6 août 2019. Par la voie de l'appel incident, Mme I... et M. H... demandent l'annulation de l'article 5 de ce même jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a refusé de faire droit à leurs conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. Ils demandent aussi dans l'instance d'appel la condamnation des consorts C... à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis sur le fondement des mêmes dispositions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des requérants, ont suffisamment motivé leur réponse quant à leur défaut d'intérêt pour agir aux points 2 à 4 du jugement. Par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour ce motif.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a bien rempli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions précitées, le juge doit apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.

4. Pour établir que le permis de construire modificatif délivré le 7 septembre 2018 a été affiché régulièrement et de manière continue sur le terrain à compter du 11 décembre 2018, Mme I... et M. H... produisent des procès-verbaux de constat d'un huissier de justice établis les 11 décembre 2018, 11 janvier 2019 et 11 février 2019 montrant l'affichage sur le terrain du permis de construire modificatif en litige. Les seules attestations produites par des proches des requérants attestant de l'absence de continuité de cet affichage ne suffisent pas à remettre en cause les procès-verbaux de constat d'huissier. Dans ces conditions, et alors que le délai d'affichage n'est pas un délai franc, à l'inverse du délai de recours contentieux, Mme I... et M. H... établissent l'affichage régulier pendant une période continue de deux mois de leur permis de construire modificatif à compter du 11 décembre 2018. Dès lors, les conclusions à fin d'annulation du permis de construire modificatif du 7 septembre 2018 présentées devant le tribunal administratif de Nîmes le 4 septembre 2019 étaient tardives.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

7. De plus, un tiers justifiant d'un tel intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin.

8. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont propriétaires de la parcelle cadastrée section D n° 799, laquelle est grevée d'une servitude de passage au bénéfice du terrain d'assiette en litige et que Mme C... est également propriétaire de la parcelle cadastrée section D n° 796 jouxtant le même terrain. Les requérants ont ainsi la qualité de voisins immédiats du projet en litige et il ressort également des pièces du dossier que ce projet porte sur une extension de 55 m² d'une habitation existante avec rehaussement de la toiture du côté de la parcelle de Mme C.... Ce rehaussement est en outre de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance de sa propriété par Mme C..., notamment à sa vue et à sa tranquillité. De plus, et dès lors qu'il est susceptible d'aggraver la servitude de passage établie sur la parcelle des requérants, ce projet est aussi de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance par ces derniers de leur propriété. Dans ces conditions, les consorts C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a estimé qu'ils ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision implicite du 6 août 2019 rejetant la demande de retrait du permis de construire du 5 décembre 2011 ainsi qu'à l'encontre de ce permis de construire, de l'arrêté du 12 juillet 2018 portant transfert du permis de construire du 5 décembre 2011 et de la décision implicite née le 6 août 2019 par laquelle le maire de Monteux a refusé de procéder au retrait de cet arrêté et a rejeté leurs demandes comme irrecevables.

9. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que les consorts C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation du permis de construire modificatif du 7 septembre 2018 comme irrecevables. D'autre part, il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur leurs autres conclusions à fin d'annulation présentées devant le tribunal administratif de Nîmes et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme par Mme I... et M. H... devant le tribunal administratif de Nîmes et la cour.

Sur la légalité de la décision implicite du 6 août 2019 rejetant la demande de retrait pour fraude du permis de construire du 5 décembre 2011 :

10. Dans le cas d'une demande d'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter, soit du maintien de l'acte litigieux, soit de son abrogation ou de son retrait. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.

11. La demande de permis de construire déposée par M. J... C... le 11 octobre 2011 portait sur l'extension d'une maison à usage d'habitation d'une surface hors œuvre nette de 67 m². Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de constat d'huissier du 24 janvier 2007, que cette construction était constituée, à cette date, d'un abri couvert de 39 m², d'un local technique de 4,32 m², d'une cuisine de 11 m² et d'un salon de 22 m². Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le bâtiment sur lequel portait l'extension demandée n'existait pas à la date du dépôt de permis de construire sollicité. En outre, à supposer que l'ensemble de ce bâtiment ne soit pas régulièrement édifié, cette seule circonstance ne peut être regardée comme révélant l'existence d'une manœuvre destinée à induire en erreur le service instructeur sur la nature exacte du projet pour échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Enfin, et en tout état de cause, les requérants n'apportent aucun élément permettant d'établir que la construction en litige n'était pas à usage d'habitation au moment du dépôt par M. J... C... de sa demande de permis de construire. Par suite, les consorts C... n'établissent pas que le permis de construire du 5 décembre 2011 a été obtenu par fraude.

Sur la légalité des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2018 portant transfert du permis de construire du 5 décembre 2011 et de la décision implicite née le 6 août 2019 par laquelle le maire de Monteux a refusé de procéder au retrait de cet arrêté :

12. En premier lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire du 5 décembre 2011 serait incomplet au regard des dispositions de l'article R. 431-9, L.431-2 et R.431-8 du code de l'urbanisme est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert du 12 juillet 2018 ainsi que sur la décision portant rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté de transfert.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal. (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. ( ...) ". Aux termes de l'article L. 2122-29 du même code : " (...) Dans les communes de 3 500 habitants et plus, les arrêtés municipaux à caractère réglementaire sont publiés dans un recueil des actes administratifs dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. La publication au recueil des actes administratifs des arrêtés municipaux mentionnés au deuxième alinéa est assurée sur papier. Elle peut l'être également, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité, sous forme électronique. La version électronique est mise à la disposition du public de manière permanente et gratuite ". Ces dernières dispositions n'ont pas dérogé au principe fixé au premier alinéa selon lequel la formalité de publicité qui conditionne l'entrée en vigueur des actes réglementaires du maire peut être soit la publication, soit l'affichage. En outre, les mentions apportées, sous la responsabilité du maire, pour certifier le caractère exécutoire des actes des autorités communales font foi jusqu'à la preuve du contraire.

14. D'une part, l'arrêté procédant au transfert du permis de construire au bénéfice de Mme I... et M. H... a été signé pour le maire de Monteux par M. E... A..., premier adjoint. Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 29 mars 2018, ce dernier a reçu délégation à l'effet de signer les " actes administratifs relatifs au droit des sols et la délivrance des autorisations en matière du droit des sols ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette délégation, eu égard à ces termes, doit être regardée comme portant sur des attributions effectives et identifiées de façon suffisamment précise pour permettre d'en apprécier la consistance. D'autre part, cet arrêté de délégation de signature mentionne une publication à compter du 15 avril 2018. Cette mention fait foi jusqu'à preuve contraire. Ainsi, la seule affirmation des requérants selon laquelle la commune n'apporte pas la preuve de l'affichage de cet arrêté et sa mention au registre chronologique des actes et publications de la commune ne peut être regardée comme établissant l'inexactitude des mentions certifiées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

15. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, les requérants n'établissent pas que le permis de construire du 5 décembre 2011 a été obtenu par fraude. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté en date du 12 juillet 2018 serait irrégulier en raison de cette fraude doit être écarté.

16. En quatrième lieu, le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire. Lorsque, pendant la période de validité d'un permis de construire, la responsabilité de la construction est transférée à une autre personne, il n'y a pas lieu pour celle-ci de demander la délivrance d'un nouveau permis mais simplement le transfert du permis précédemment accordé avec l'accord du propriétaire du terrain et, le cas échéant, l'accord du titulaire de l'autorisation s'il n'est plus propriétaire du terrain à la date de la demande de transfert. L'autorisation de transfert est subordonnée à la condition que le permis de construire soit toujours en vigueur à la date à laquelle l'autorité compétente se prononce sur son transfert.

17. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ".

18. Il ressort des pièces du dossier et notamment des factures établies en mai 2013, que M. J... C... a procédé aux travaux de viabilisation de son terrain, dont le raccordement au réseau d'eaux usées, au cours des mois de mai et juin 2013, soit dans le délai de trois ans prévu par les dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Si les requérants soutiennent que les travaux ont été interrompus pendant un délai supérieur à une année avant l'édiction de l'arrêté portant transfert du permis de construire au bénéfice de Mme I... et M. H..., ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations alors que M. J... C... produit plusieurs factures montrant que les travaux se sont poursuivis régulièrement jusqu'à ce transfert. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire du 5 décembre 2011 était caduc à la date de son transfert doit être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées en défense, que les conclusions présentées par les consorts C... à fin d'annulation la décision implicite de rejet du 6 août 2019 rejetant la demande de retrait du permis de construire du 5 décembre 2011 ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'annulation de ce permis de construire doivent être rejetées. Il résulte également de ce qui précède que les conclusions présentées par les consorts C... à fin d'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2018 portant transfert du permis de construire du 5 décembre 2011 et de la décision implicite née le 6 août 2019 par laquelle le maire de Monteux a refusé de procéder au retrait de cet arrêté doivent être également être rejetées.

Sur l'appel incident et les conclusions présentées par Mme I... et M. H... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

20. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

21. En l'espèce, les requérants justifiaient, en leur qualité de voisins immédiats du terrain d'assiette du projet et de propriétaires d'un fonds supportant une servitude de passage, d'un intérêt personnel et direct pour contester les décisions attaquées, ainsi que le jugement du tribunal administratif de Nîmes ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions. La seule circonstance que Mme C... ait aussi engagé une procédure judiciaire à l'encontre de Mme I... et M. H... par rapport à la servitude de passage du terrain d'assiette du projet ne permet pas de considérer qu'elle aurait mis en œuvre son droit au recours dans des conditions traduisant un comportement abusif. Par suite, l'appel incident de Mme I... et M. H... tendant à l'annulation de l'article 5 du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et les conclusions indemnitaires présentées devant la cour par Mme I... et M. H... sur le même fondement doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Monteux, M. J... C..., Mme I... et M. H... qui ne sont pas les parties perdantes à la présente instance, la somme que les consorts C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts C... la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Monteux ainsi que la même somme à verser, d'une part, à M. J... C... et, d'autre part, à Mme I... et M. H... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n°1903012 du 6 avril 2021 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il rejette sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite du 6 août 2019 rejetant la demande de retrait du permis de construire du 5 décembre 2011, de l'arrêté portant permis de construire du 5 décembre 2011, de l'arrêté du 12 juillet 2018 portant transfert du permis de construire du 5 décembre 2011 et de la décision implicite née le 6 août 2019 par laquelle le maire de Monteux a refusé de procéder au retrait de cet arrêté présentées par les consorts C....

Article 2 : La demande présentée par les consorts C... devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme de Mme I... et M. H... sont rejetés.

Article 4 : Les consorts C... verseront la somme de 1 000 euros à la commune de Monteux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les consorts C... verseront la somme de 1 000 euros à M. J... C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les consorts C... verseront la somme de 1 000 euros à Mme I... et M. H... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. M... C..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à la commune de Monteux, à Mme K... I... et M. L... H... et à M. J... C....

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02144
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : PORCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-17;21tl02144 ?
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