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17/05/2023 | FRANCE | N°20TL03067

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 17 mai 2023, 20TL03067


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire-droit du 20 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse, statuant sur la requête de M. B... C..., de M. E... A... et de l'association Avenir d'Alet tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1803286 du 4 février 2020 rejetant leur demande d'annulation de l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de l'Aude a approuvé un projet d'ouvrage du réseau public de distribution de l'électricité pour le raccordement de deux parcs éoliens, a, d'une part, admis l'intervention des so

ciétés Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies, d'autre...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire-droit du 20 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse, statuant sur la requête de M. B... C..., de M. E... A... et de l'association Avenir d'Alet tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1803286 du 4 février 2020 rejetant leur demande d'annulation de l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de l'Aude a approuvé un projet d'ouvrage du réseau public de distribution de l'électricité pour le raccordement de deux parcs éoliens, a, d'une part, admis l'intervention des sociétés Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies, d'autre part, annulé le jugement précité du tribunal administratif de Montpellier et, enfin, ordonné un supplément d'instruction tendant à la communication, par le ministre compétent, de l'intégralité du dossier de demande présenté par la société Enedis et des éléments de la procédure de consultation prévus par l'article R. 323-25 du code de l'énergie.

Par des pièces et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2022 et le 9 janvier 2023, la ministre de la transition énergétique conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2018 et au rejet de la demande présentée par les requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les services de l'Etat ont été informés, d'une part, de l'abandon des projets éoliens par les sociétés Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies et, d'autre part, de l'abandon du projet de lignes électriques par la société Enedis.

Par des mémoires, enregistrés le 12 décembre 2022 et les 10 et 30 janvier 2023, M. C..., M. A... et l'association Avenir d'Alet, représentés par la SCP Cabinet Darribère, concluent, dans le dernier état de leurs écritures, au rejet des conclusions à fin de non-lieu à statuer opposées par la ministre, à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2018 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'accomplissement de la procédure de consultation prévue par l'article R. 323-25 du code de l'énergie ;

- le dossier de demande est insuffisant eu égard aux lacunes de la notice d'impact et à l'absence d'étude des incidences du projet sur les sites du réseau Natura 2000 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la sensibilité environnementale du site concerné par le tracé des lignes électriques ;

- en outre, les conditions du non-lieu à statuer ne sont pas réunies dès lors que l'arrêté litigieux n'a pas été retiré et il appartient à la cour de solliciter la production par l'Etat de la décision de la société Enedis d'abandonner son projet de travaux.

La société Enedis et les sociétés Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies n'ont produit aucune observation depuis l'arrêt avant-dire-droit.

Par une ordonnance du 10 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de M. D... en sa qualité de président de l'association Avenir d'Alet.

Considérant ce qui suit :

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la ministre :

1. La ministre de la transition énergétique fait valoir que les services de l'Etat ont été informés de l'abandon des projets de parcs éoliens par les sociétés Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies, ainsi que de l'abandon du projet de réalisation des lignes électriques par la société Enedis. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'administration aurait procédé au retrait ou à l'abrogation de l'arrêté en litige, par lequel le préfet de l'Aude a approuvé le projet d'ouvrage présenté par la société Enedis. Dans ces conditions, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par la ministre de la transition énergétique ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en litige :

2. L'article L. 323-11 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " L'exécution des travaux déclarés d'utilité publique est précédée d'une notification directe aux intéressés et d'un affichage dans chaque commune et ne peut avoir lieu qu'après approbation du projet de détail des tracés par l'autorité administrative. / Des décrets en Conseil d'Etat déterminent : / 1° Les formes de l'instruction des projets de construction des ouvrages de transport et de distribution d'électricité. (...) ". L'article R. 323-25 du même code prévoit que : " Sans préjudice des conditions prévues par d'autres réglementations, tout projet d'un ouvrage d'un réseau public de distribution d'électricité, (...), fait l'objet d'une consultation par le maître d'ouvrage au moins un mois avant le début des travaux, des maires des communes et des gestionnaires des domaines publics sur le territoire ou l'emprise desquels les ouvrages doivent être implantés ainsi que des gestionnaires de services publics concernés par le projet. / A cette fin, il leur transmet un dossier comprenant : / 1° Une note de présentation décrivant les caractéristiques principales du projet ; / 2° Un avant-projet à une échelle appropriée sur lequel figure le tracé des canalisations électriques et l'emplacement des autres ouvrages électriques projetés ; / 3° Tous documents aptes à justifier la conformité du projet avec la réglementation technique en vigueur. / La consultation peut être valablement effectuée par des moyens électroniques, de même que la transmission des avis. / Les avis sont rendus dans un délai d'un mois. (...) S'ils ne sont pas parvenus dans le délai prévu, les avis sont réputés favorables. / Le maître d'ouvrage prend en compte les avis qu'il a reçus, eu égard à la réglementation applicable et aux caractéristiques du projet, adapte en tant que de besoin son projet et archive ces avis ainsi que les réponses motivées qu'il a adressées à ceux qui les ont émis. Il tient ces documents à la disposition des autorités compétentes. (...) Les dispositions du présent article ne dispensent pas le maître d'ouvrage de recueillir l'approbation par le préfet du projet de détail des tracés, lorsqu'elle est requise par l'article L. 323-11. ". En outre, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 17 mai 2001 susvisé : " Les dispositions techniques adoptées pour les ouvrages, ainsi que les conditions de leur exécution et de leur entretien, doivent être conformes aux règles de l'art ; elles doivent assurer d'une façon générale le maintien de l'écoulement des eaux, de l'accès des maisons et des propriétés, des télécommunications, de la sécurité et de la commodité de la circulation sur les voies publiques empruntées, la sauvegarde de la flore, de la faune et des paysages, la sécurité des services publics, la sécurité des personnes et la santé publique. ".

3. En premier lieu, la ministre de la transition énergétique a communiqué à la cour, le 18 novembre 2022, le dossier présenté par la société Enedis à l'appui de sa demande tendant à l'approbation du projet de détail des tracés des lignes électriques, lequel se compose d'un état de renseignements, d'une notice d'impact, d'un plan de situation, de quatre plans de piquetage sur lesquels figure le tracé des ouvrages projetés et d'une note descriptive de l'armoire électrique. Si la page de garde de ce dossier indique qu'il devait être adressé pour avis, le 2 août 2017, aux maires de Limoux, Alet-les-Bains et Véraza, à la direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude, au département de l'Aude, au syndicat audois d'énergies et du numérique, à l'Office national des forêts, à la chambre départementale d'agriculture et à l'agence régionale de santé, aucune pièce n'a cependant été produite pour justifier, ainsi que la cour l'avait demandé par son arrêt avant-dire droit du 20 octobre 2022, de la mise en œuvre effective de la procédure préalable de consultation prévue par les dispositions précitées de l'article R. 323-25 du code de l'énergie. Dès lors que l'absence de respect de cette procédure a été susceptible d'influer, en l'espèce, sur le contenu de la décision préfectorale, les requérants sont fondés à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure de nature à en justifier l'annulation.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le tracé des lignes électriques en litige est en partie inclus au sein de la zone de protection spéciale " Hautes Corbières " classée au titre du réseau Natura 2000 pour la préservation de l'avifaune et en particulier d'espèces protégées de rapaces et de passereaux nichant dans ce secteur boisé situé au bord du plateau de Saint-Salvayre. Il en ressort également que les travaux doivent se réaliser à proximité de la zone spéciale de conservation " Grottes de Lavalette " identifiée au titre du réseau Natura 2000 pour la protection d'espèces menacées de chiroptères. Le tracé des ouvrages électriques est en outre inclus dans le périmètre de la zone d'inventaire écologique, floristique et faunistique de type 2 " Corbières occidentales " et à proximité immédiate de la zone de type 1 " Grotte et ruisseau de Lavalette ". En dépit de cette sensibilité environnementale particulière, le dossier de demande présenté par la société Enedis à l'administration ne mentionne pas l'existence de ces zones de protection ou d'inventaire, y compris dans la partie de la notice d'impact prévue à cet effet. Le même dossier ne précise pas davantage les mesures éventuellement envisagées par la société pétitionnaire pour éviter ou réduire les incidences des travaux d'enfouissement des câbles sur la flore et la faune sauvages. Dès lors que l'absence de ces informations a été susceptible de fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur les impacts de l'opération au regard de l'objectif de sauvegarde de la flore, de la faune et des paysages mentionné à l'article 4 précité de l'arrêté du 17 mai 2001, les requérants sont fondés à soutenir que le dossier de demande présentait des insuffisances de nature à justifier l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 avril 2018.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, ni d'ordonner la production de pièces supplémentaires, que M. C..., M. A... et l'association Avenir d'Alet sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de l'Aude a approuvé le projet de la société Enedis.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes réclamées par la société Enedis et par les sociétés Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros à verser aux requérants au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet de l'Aude du 10 avril 2018 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera une somme globale de 1 500 euros à M. C..., M. A... et l'association Avenir d'Alet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à M. E... A..., à l'association Avenir d'Alet, à la ministre de la transition énergétique, à la société Enedis, à la société Saint-Salvayre Energies et à la société Saint-Polycarpe Energies.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre de la transition énergétique, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL03067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL03067
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-04 Energie. - Lignes électriques.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : PIQUEMAL et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-17;20tl03067 ?
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