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25/04/2023 | FRANCE | N°21TL02589

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 25 avril 2023, 21TL02589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 26 avril 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administ

rative.

Par un jugement n°1902631 du 7 mai 2021, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 26 avril 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1902631 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA02589 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02589, M. A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 26 avril 2019 portant refus du bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a entaché sa décision d'illégalité en rejetant sa demande aux motifs qu'il n'était pas nommé précisément sur les messages litigieux et qu'il ne l'était pas en tant qu'agent de la fonction publique et syndicaliste ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit et d'appréciation ;

- l'administration a fondé le refus du bénéfice de la protection fonctionnelle sur des motifs illégaux tirés de ce que les faits n'ont pas été commis à l'occasion des fonctions et de ce que leur matérialité n'est pas établie ;

- quant au premier motif, il ressort des copies écrans de la page Facebook que les faits ont été commis à raison des fonctions syndicales et de son métier d'agent pénitentiaire dès lors qu'il est fait état dans les commentaires sur le réseau social de deux sociétés civiles immobilières clairement nommées et au sujet desquelles son administration a tenté de le sanctionner pour cumul illégal d'activités avant que la commission de déontologie ne vienne préciser qu'il n'y avait aucune illégalité ;

- quant au second motif, il est bien visé sous les termes " cloclo plazza ", dès lors qu'il détient des parts dans les deux sociétés civiles immobilières nommées sur les copies d'écrans ; l'administration ne saurait prétendre qu'il n'est pas concerné alors qu'elle a sollicité des explications de sa part sur un prétendu cumul illégal d'activités ; il ne s'agit pas d'un différend privé, les propos tenus par ses collègues, faisant clairement allusion à un cumul d'activités d'un fonctionnaire avec la gestion de sociétés, étant publics.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que le requérant se borne à établir un lien entre les propos litigieux et ses activités immobilières, lesquelles sont, par nature, sans lien avec le service ; aucun élément du dossier ne permet d'établir que ces propos dénonçaient un cumul d'activités entre ses fonctions de surveillant pénitentiaire et ses activités immobilières et qu'il ne s'agissait donc pas d'un différend d'ordre purement privé.

Par une ordonnance du 18 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., surveillant pénitentiaire affecté au centre pénitentiaire de ... (Hérault), placé en congé de longue maladie à la suite d'un accident de service survenu le 16 février 2016, a demandé, le 17 avril 2019, que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des humiliations de la part de ses collègues de l'établissement pénitentiaire via le réseau social " Facebook ". Par une décision du 26 avril 2019, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a rejeté sa demande. Par un jugement du 7 mai 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision du 26 avril 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- À raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection, à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est plaint d'humiliations et de propos outranciers de la part de collègues publiés sur la page Facebook " la boîte à sifflette ", dont il est constant qu'elle a été fréquentée par des agents du centre pénitentiaire de ... et qu'elle comportait des allusions au sujet de deux sociétés civiles immobilières dont M. A... est co-gérant. Pour refuser à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse s'est fondé sur le défaut de matérialité de l'attaque subie par l'agent ainsi que sur l'absence de lien avec le service, estimant qu'un différend privé entre collègues ne pouvait donner lieu à protection statutaire. Si M. A... a établi, par la production d'extraits de la page Facebook versés au dossier de première instance, l'existence de l'attaque subie et s'il n'est pas contestable que les publications en cause concernent le requérant, visé sous la dénomination de " cloclo plazza " et qu'elles font également état de deux sociétés civiles immobilières dont il participe à la gestion, les extraits produits ne font cependant pas clairement référence à sa qualité d'agent public, ni à ses fonctions de surveillant pénitentiaire ou encore de membre d'un syndicat professionnel. Par suite, l'allusion aux activités immobilières de M. A..., par nature sans lien avec le service, ne permet pas d'établir qu'il aurait été victime d'attaques à raison de ses fonctions. La seule circonstance que l'administration aurait tenté de le sanctionner pour cumul illégal d'activités avant que la commission de déontologie ne précise que l'activité de co-gérant des sociétés civiles immobilières que M. A... exerce avec sa famille ne présente pas de caractère professionnel et entre ainsi dans le champ de la liberté de gestion du patrimoine personnel ou familial dont peut se prévaloir tout fonctionnaire, ne saurait, par elle-même, révéler un lien avec le service des publications en litige. Par suite, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a pu, pour le seul motif tiré de l'absence de lien avec le service, refuser à M. A... le bénéfice de la protection fonctionnelle, sans entacher sa décision d'erreur de droit ou d'appréciation.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21TL02589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02589
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BETROM

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-25;21tl02589 ?
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