Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative agricole Le Cellier des Princes et le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône intervenant, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le maire de Courthézon a accordé un permis de construire à M. et Mme A... pour la réalisation d'une maison individuelle avec garage et " pool-house " sur une parcelle cadastrée ..., située ... chemin de la Barrade.
Par un jugement n°1801956 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir admis l'intervention en demande du syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône, a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 janvier 2021 et le 1er juin 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA00131, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n°21TL00131, le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône, représenté par Me Poitout, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Courthézon du 8 janvier 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Courthézon une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en sa qualité de syndicat et d'organisme de défense et de gestion, il a intérêt à agir et justifie de l'autorisation à ester en justice ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen qu'il avait soulevé fondé sur le 2ème alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme tiré de ce que les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune ;
- le projet a pour effet d'étendre le périmètre de la partie urbanisée de la commune dans un secteur peu propice à l'habitation en raison de la proximité d'un bâtiment agricole et de vignes classées en appellation contrôlée, en méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;
- le projet est situé dans une zone non urbanisée de la commune et méconnaît dès lors les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;
- la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers aurait dû être consultée sur le fondement des articles L. 111-5 et R. 111-14 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne respecte pas les surfaces agricoles en méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme et du principe de complémentarité prévu à l'article L. 110-2 du code de l'environnement ;
- le projet est contraire aux objectifs de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme qui préconise la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et à l'instruction du Gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l'engagement de l'État en faveur d'une gestion économe de l'espace ;
- le projet ne respecte pas les distances règlementaires par l'effet de réciprocité des distances d'éloignement, en vertu de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 158 du règlement sanitaire départemental de Vaucluse ;
- le projet expose les pétitionnaires à des nuisances sonores en méconnaissance de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2021, M. C... A... et Mme B... A..., représentés par Me Dumolie, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat appelant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- le syndicat ne justifie pas d'une qualité pour faire appel alors que l'objet statutaire de celui-ci ne vise nullement la limitation de l'occupation des terres par des constructions ;
- le syndicat ne justifie pas d'une délibération approuvant cette action en justice ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 8 janvier 2018, le maire de Courthézon a accordé un permis de construire à M. et Mme A... pour la réalisation d'une maison individuelle avec garage et " pool house " sur un terrain situé chemin de la Barrade. Par décision du 23 avril 2018, le maire de Courthézon a rejeté le recours gracieux formé contre cette autorisation d'urbanisme par la SCA Le Cellier des Princes le 6 mars 2018. La société coopérative agricole Le Cellier des Princes et le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône, intervenant, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cet arrêté du 8 janvier 2018. Par la présente requête, le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône relève appel du jugement n°1801956 du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs exposés au point 7 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément et suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le projet de construction autorisé méconnaissait l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. Si la partie appelante soutient que pour écarter ce moyen, le tribunal aurait dû rechercher si la réalisation du projet en litige avait pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune de Courthézon, cette argumentation ne se rattache pas à la régularité du jugement mais à son bien-fondé. Par suite, le syndicat appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ". Aux termes de l'article L.111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / 1°) L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole , dans le respect des traditions architecturales locales ; / 2° les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole (...) ".
4. Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions implantées " en dehors des parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre une partie urbanisée de la commune, il est notamment tenu compte de la géographie des lieux, de la desserte par des voies d'accès, de la proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune, du nombre et de la densité des constructions projetées, du sens du développement de l'urbanisation, ainsi que de l'existence de coupures d'urbanisation, qu'elles soient naturelles ou artificielles.
5. La commune de Courthézon n'étant pas dotée d'un document d'urbanisme à la date de la décision en litige, le règlement national d'urbanisme est applicable sur le territoire communal, et notamment la règle de la constructibilité limitée aux espaces urbanisés prévue par l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.
6. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, le syndicat requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à l'argumentation soulevée en première instance. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus au point 7 du jugement par le tribunal.
7. En deuxième lieu, dès lors que le projet se situe dans une partie urbanisée de la commune de Courthézon, les moyens de la partie appelante tirés de ce que le projet aurait dû être soumis pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers en application de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme et de ce que le permis de construire aurait dû être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales en application de l'article R. 111-14 alors en vigueur du même code ne peuvent être utilement invoqués pour contester la légalité de l'arrêté en litige. Ces moyens doivent, dès lors, être écartés comme inopérants.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ". Aux termes de l'article L. 110-2 du code de l'environnement : " Les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain. Ils contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales ainsi que la préservation et l'utilisation durable des continuités écologiques ".
9. Le syndicat requérant soutient qu'en violation de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, le permis de construire litigieux ne respecterait pas les préoccupations environnementales définies à l'article L. 110-2 du code de l'environnement. Toutefois, en se bornant à relever que le terrain d'assiette du projet est situé en zone agricole et viticole reconnue d'appellation d'origine contrôlée, l'appelant ne fait état d'aucune atteinte précise qui serait portée par le projet à ces préoccupations. Dans ces conditions, alors qu'au demeurant le projet autorisé présente une ampleur limitée sur un terrain d'une superficie de 1 180 m² et se situe au sein d'une zone accueillant déjà des maisons à usage d'habitation, la partie appelante n'établit pas que le maire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-26 précité en accordant le permis de construire en litige. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaîtrait l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme n'est pas assorti des précisions de nature à en apprécier le bien-fondé et la portée.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes (...) ". Aux termes de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme : " " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est susceptible, en raison de sa localisation, d'être exposé à des nuisances graves, dues notamment au bruit ".
11. Il résulte de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.
12. D'une part, la condition de distance mentionnée à l'article L.111-3 précité, qui ne fixe lui-même aucune mesure, ne s'applique que lorsque des dispositions législatives ou réglementaires spécifiques l'imposent. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en litige se situe en face d'une cave coopérative exploitée par la société coopérative agricole Le Cellier des Princes, par autorisation du préfet de Vaucluse délivrée le 6 février 2002 au titre du régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Dans ces conditions, le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 158 du règlement sanitaire départemental, qui s'insère dans le Titre VIII intitulé " prescriptions applicables aux activités d'élevage et autres activités agricoles ", et concerne " les installations non soumises au régime des installations classées qui relèvent de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, codifiée dans le code de l'environnement ". Par suite, en l'absence d'une prescription d'éloignement, le moyen tiré de ce que le permis de construire en litige serait entaché d'illégalité au regard de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ne peut qu'être écarté.
13. Par ailleurs, alors que l'exploitation de la cave coopérative est soumise aux prescriptions de l'arrêté préfectoral susmentionné, notamment en matière de stockage, de traitement et d'évacuation des fertilisants, matières fermentescibles et autres déchets vinicoles, ainsi qu'en matière de prévention des bruits et vibrations, le syndicat requérant ne démontre pas que l'impact des nuisances notamment olfactives et sonores inhérentes à l'activité de cette installation serait de nature à caractériser un risque grave d'exposition pour le projet autorisé. Par suite, en délivrant le permis de construire en litige, le maire de Courthézon n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme.
14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par les intimés, que le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Courthézon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser au syndicat appelant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône une somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme C... et B... A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône est rejetée.
Article 2 : Le syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône versera une somme de 1000 euros à M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône, à la commune de Courthézon et à M. et Mme C... et B... A....
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2023.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21TL00131 2