Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune du Collet-de-Dèze a implicitement rejeté sa demande du 8 novembre 2018 tendant à la résolution de l'acte authentique de vente d'une partie du chemin rural dit des Crozes conclu avec Mme C... F... et M. G... E..., le 2 février 2015.
Par un jugement n° 1900946 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé la décision du maire du Collet-de-Dèze rejetant implicitement la demande présentée par Mme D... le 8 novembre 2018 et, d'autre part, enjoint à cette commune d'engager une procédure de résolution amiable du contrat de cession du 2 février 2015 précité et, à défaut d'y parvenir dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, a enjoint à la commune du Collet-de-Dèze de saisir le juge judiciaire d'une action en résolution de ce contrat.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 6 mai 2021 sous le n° 21MA01699, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL01699, Mme F..., représentée par Me Rigeade, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune du Collet-de-Dèze a implicitement rejeté la demande de cette dernière du 8 novembre 2018 tendant à la résolution de l'acte authentique de vente d'une partie du chemin rural, dit des Crozes, conclu le 2 février 2015 ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le chemin rural dit des Crozes, en particulier sa portion terminale, ne constitue pas une voie de passage accessible et n'est pas affecté à l'usager du public ;
- la portion terminale de ce chemin rural n'est pas accessible au public et ne l'était pas au jour de la délibération du conseil municipal du Collet-de-Dèze autorisant sa cession ;
- dès son arrivée, au début de l'année 2005, elle a pu constater que le chemin rural en litige était quasi-impraticable et que sa portion terminale s'est effondrée sur sa propriété, ainsi que l'a constaté l'expert désigné par la cour administrative d'appel de Marseille ;
- l'état d'enclavement du terrain de Mme D... n'est pas à ce jour certain, le tribunal judiciaire ne s'étant toujours pas prononcé sur le fond et l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de ce tribunal le 16 mars 2016 n'ayant pas, au principal, autorité de la chose jugée en vertu de l'article 794 du code de procédure civile ;
- l'appartenance de la portion terminale du chemin rural des Crozes à la propriété de la commune ou à celle d'une personne privée est sans incidence sur la procédure de désenclavement initiée par Mme D..., une éventuelle servitude de passage pouvant être imposée par le juge judiciaire sans qu'y fasse obstacle la propriété du chemin en litige ;
- dès lors qu'une commune dispose de la faculté, même lorsqu'un chemin rural n'est pas à l'état d'abandon ou demeure affecté à l'usage du public, de décider d'en cesser l'affectation au public et d'autoriser son aliénation, la commune du Collet-de-Dèze était parfaitement en droit de refuser la résolution du contrat de cession du chemin rural en litige au regard de la possibilité de régulariser l'illégalité affectant la délibération du conseil municipal en autorisant la cession ;
- dans l'hypothèse où la cour regarderait la cession en litige comme non régularisable, il y aurait lieu d'apprécier l'atteinte que la résolution du contrat est susceptible de porter à l'intérêt général, ce que les premiers juges se sont abstenus de faire, cette atteinte étant, en l'espèce, constituée, d'une part, par l'obligation pour la commune de procéder à l'entretien de la portion terminale du chemin des Crozes, d'autre part, par l'obligation de lui rembourser les frais qu'elle a avancés pour en assurer l'entretien et, enfin, par la possibilité pour elle de réclamer l'indemnisation du préjudice résultant de l'éboulement du chemin rural sur sa propriété ;
- compte tenu de ces éléments, l'intérêt général commande de ne pas enjoindre à la résolution de la vente de la portion du chemin rural des Crozes.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 septembre 2021 et le 23 mars 2023, Mme B... D..., représentée par Me Gillig, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la décision rendue par la cour administrative d'appel de Marseille le 14 septembre 2018 sous le n° 16MA03059 est devenue définitive et bénéficie de l'autorité de la chose jugée de sorte que la délibération du 1er septembre 2014 procédant au " déclassement " d'une partie du chemin rural des Crozes et autorisant sa cession à son profit a été définitivement annulée ;
- dans le cadre de la présente instance, la cour n'est amenée à se prononcer qu'en qualité de juge de l'exécution dès lors qu'elle n'est saisie que des conséquences de l'illégalité du contrat de cession prononcée par l'arrêt précité du 14 septembre 2018 de sorte qu'il ne lui appartient ni de se prononcer à nouveau sur le fond du litige ni de revenir sur la circonstance que la portion du chemin des Crozes en litige a la caractère de voie affectée au public, ce qui rend inopérants les moyens tendant à contester l'affectation au public de la portion de voie en litige ;
- la seule circonstance que la procédure judiciaire relative à l'état d'enclavement de sa propriété est pendante est sans incidence sur la nature juridique de la portion du chemin des Crozes en litige ;
- l'instauration d'une servitude de passage de droit privé au bénéfice des propriétés riveraines sur la portion du chemin rural en litige ne saurait être regardée comme une mesure de régularisation dès lors que l'existence de ce chemin rural lui garantit, ainsi qu'à l'ensemble des riverains, un droit de passage d'intérêt général au titre des aisances de voirie ;
- il n'existe aucune possibilité de régularisation de la cession en litige dès lors que l'état de désaffectation à l'usage du public constitue, selon la jurisprudence, un état de fait auquel la commune ne saurait faire échec, par voie de délibération, en décidant que l'affectation à l'usage du public a cessé de manière rétroactive, tandis que le législateur a, par le rajout d'un nouvel alinéa à l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, entendu faire obstacle à la remise en cause, par une décision administrative, de l'affectation d'un chemin rural à l'usage du public lorsqu'elle est présumée ;
- en se bornant à se prévaloir du coût de l'entretien de cette parcelle ou du risque d'action contentieuse, l'appelante n'établit ni même n'allègue, ainsi que cela lui incombe, que le maintien de la cession serait conforme à l'intérêt général, les seules conséquences pécuniaires s'attachant à la résolution de l'acte de vente ne permettant pas de présumer l'existence de considérations d'intérêt général tandis que la commune du Collet-de-Dèze ne peut se prévaloir de sa propre turpitude en se fondant sur le coût de la réparation d'un préjudice qu'elle a fautivement causé à Mme F... pour justifier à présent le maintien d'un contrat irrégulier ;
- l'appelante ne produit aucun élément de preuve de nature à démontrer que la résolution de la vente en litige porterait une atteinte à l'intérêt général supérieure à son préjudice alors que ses parcelles se trouvent, du fait de la cession du chemin rural, effectivement enclavées, ainsi que l'a retenu la cour d'appel de Nîmes dans un arrêt du 26 janvier 2017 ;
- la résolution de la cession en litige ne portera aucune atteinte excessive à l'intérêt général dès lors qu'elle mettra un terme à la situation d'enclavement de sa propriété sans porter atteinte à la propriété de Mme F... et aux droits qui y sont rattachés ni entraîner de dépenses excessives pour la commune, le seul coût auquel serait exposée la commune correspondant à la valeur vénale du chemin d'une longueur très limitée ;
- la restauration du chemin rural en litige est conforme à l'intérêt général dès lors qu'il constitue indéniablement un accès privilégié et indispensable pour permettre l'exploitation et l'accès de son terrain compte tenu de la topographie escarpée du site tandis que sa cession illégale fait peser sur l'ensemble des usagers et riverains d'importantes sujétions en les privant de la possibilité d'exploiter leurs terres, notamment, en faisant obstacle à son projet d'installer des ruches sur sa parcelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, la commune du Collet-de-Dèze, représentée par Me Marc, demande à la cour :
1°) à titre incident, d'annuler le jugement du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Nîmes et de rejeter la demande présentée par Mme D... devant ce tribunal ;
2°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille rendu le 14 septembre 2018 ne prive pas le juge de l'exécution d'exercer son office en recherchant s'il existe une possibilité de régulariser l'illégalité affectant l'acte détachable du contrat ;
- l'autorité judiciaire n'a pas encore statué au fond sur l'état d'enclavement de la propriété de Mme D... et l'ordonnance rendue par la cour d'appel de Nîmes le 26 janvier 2017 ne permet pas d'établir qu'il n'existerait aucune possibilité de régulariser la délibération illégale du 1er septembre 2014 tandis que l'état d'enclavement de la parcelle de cette dernière ne dépend nullement de la qualité du propriétaire du chemin en litige ;
- la délibération permettant la cession en litige peut être régularisée de manière rétroactive ;
- le souci de limiter la charge financière liée à l'entretien d'un chemin rural constitue un motif d'intérêt général de nature à justifier sa cession contrairement à l'objectif de mettre fin à un conflit entre riverains ;
- la résolution de la vente en litige est de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général en raison des frais qu'elle sera appelée à engager pour assurer l'entretien du chemin rural des Crozes et pour réparer le préjudice subi par Mme F... du fait de l'éboulement de ce chemin, chiffré à la somme de 146 000 euros depuis le 30 mars 2010, suivant le calcul retenu par l'expert, alors qu'elle ne compte que 800 habitants et qu'elle ne dispose pas des moyens financiers d'engager de tels frais tandis que la résolution de la vente ne permettrait de préserver que l'intérêt particulier de Mme D... ;
- la résolution de la cession de la portion terminale du chemin des Crozes afin, d'une part, de satisfaire l'intérêt particulier de Mme D..., qui ne vit que de manière ponctuelle et exceptionnelle sur sa propriété lozérienne, et, d'autre part, de mettre un terme au conflit qui oppose cette dernière à Mme F... ne repose sur aucune considération d'intérêt général.
Par une ordonnance du 6 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 27 mars 2023 à 12 heures.
II. Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 20 mai 2021 sous le n° 21MA01922, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL01922, et un mémoire enregistré le 30 mars 2022, la commune du Collet-de-Dèze, représentée par Me Marc, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune du Collet-de-Dèze a implicitement rejeté la demande de cette dernière du 8 novembre 2018 tendant à la résolution de l'acte authentique de vente d'une partie du chemin rural, dit des Crozes, conclu le 2 février 2015 ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'annulation d'un acte détachable du contrat n'implique pas nécessairement l'annulation du contrat en cause et il appartient au juge de l'exécution de rechercher si l'illégalité commise peut être régularisée et, dans l'affirmative, d'enjoindre à la personne publique de procéder à cette régularisation ;
- ainsi que l'a récemment jugé la cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt n° 20NT01144 du 22 septembre 2020, la régularisation d'un acte détachable du contrat de droit privé autorisant la cession d'un chemin rural est possible par une délibération décidant expressément d'en cesser l'affectation à l'usage du public ;
- la portion finale du chemin rural des Crozes n'est pas une voie de passage et n'est pas affectée à l'usage du public dès lors qu'elle est uniquement empruntée par Mme F... pour se rendre sur sa propriété et éventuellement par Mme D... qui est domiciliée à Alès et ne dispose que d'une résidence secondaire au Collet-de-Dèze ;
- la portion de chemin rural en litige, qui n'est empruntée que par des riverains et n'a pas été entretenue depuis une dizaine d'années, ne peut être considérée comme étant affectée à une utilisation générale et continue tandis qu'elle n'y a effectué aucun acte réitéré de surveillance ou de voirie ;
- dès son arrivée, en 2005, Mme F... a constaté que le chemin rural était impraticable ainsi qu'en témoignent ses nombreuses demandes auprès de la commune afin de l'entretenir et que cela ressort également du rapport d'expertise qui constate un défaut d'entretien manifeste ;
- dès lors qu'il existe d'autres possibilités d'accès à la propriété de Mme D... qui sont en bien meilleur état, la désaffectation de la portion de chemin rural en litige est actée et son aliénation ne saurait être interdite au seul motif qu'elle est utilisée pour assurer la desserte d'une propriété privée ;
- il existe une possibilité de régularisation de la délibération autorisant la cession dès lors qu'elle dispose de la faculté de décider, par voie de délibération, que l'affectation du chemin au public a cessé de manière rétroactive ;
- en tout état de cause, l'état d'enclavement de la parcelle de Mme D... n'est pas certain et l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mende présente un caractère provisoire ;
- le souci de limiter la charge financière liée à l'entretien d'un chemin rural constitue un motif d'intérêt général de nature à justifier sa cession contrairement à l'objectif de mettre fin à un conflit entre riverains ;
- la résolution de la vente en litige est de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général en raison des frais qu'elle sera appelée à engager pour assurer la réfection, la sécurisation et l'entretien du chemin rural des Crozes et pour réparer le préjudice subi par Mme F... du fait de l'éboulement de ce chemin, chiffré à la somme de 146 000 euros depuis le 30 mars 2010, suivant le calcul retenu par l'expert, alors qu'elle ne compte que 800 habitants et qu'elle ne dispose pas des moyens financiers d'engager de tels frais tandis que la résolution de la vente ne permettrait de préserver que l'intérêt particulier de Mme D... et qu'un retour de la portion de chemin rural en litige dans son domaine privé apparaît très difficile en l'état ;
- la résolution de la cession de la portion du chemin des Crozes afin, d'une part, de satisfaire l'intérêt particulier de Mme D..., qui ne vit que de manière ponctuelle et exceptionnelle sur sa propriété lozérienne, et, d'autre part, de mettre un terme au conflit qui oppose cette dernière à Mme F... ne repose sur aucune considération d'intérêt général.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 septembre 2021 et le 23 mars 2023, Mme D..., représentée par Me Gillig, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la commune du Collet-de-Dèze.
Elle soulève les mêmes moyens que ceux soulevés dans le cadre de l'instance n° 21TL01699.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2022, Mme F..., représentée par Me Rigeade, demande à la cour :
1°) à titre incident d'annuler le jugement du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Nîmes et de rejeter la demande présentée par Mme D... devant ce tribunal tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune du Collet-de-Dèze a implicitement rejeté la demande de cette dernière du 8 novembre 2018 tendant à la résolution de l'acte authentique de vente d'une partie du chemin rural, dit des Crozes, conclu le 2 février 2015.
2°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève les mêmes moyens que dans le cadre de la requête n° 21TL01699.
Par une ordonnance du 6 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 27 mars 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... H... ;
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Rigeade, représentant Mme F..., et de Me Akel, substituant Me Marc, représentant la commune du Collet-de-Dèze.
Une note en délibéré a été déposée le 7 avril 2023 pour Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 1er septembre 2014, le conseil municipal du Collet-de-Dèze (Lozère) a décidé de désaffecter et de céder la portion terminale du chemin rural dit " des Crozes " à Mme F.... Par un arrêt rendu le 14 septembre 2018, sous le n° 16MA03059, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie par Mme D..., a, d'une part, annulé cette délibération, et, d'autre part, rejeté les conclusions présentées par cette dernière tendant à ce qu'il soit enjoint au maire du Collet-de-Dèze " d'interrompre toute transaction " concernant la cession de ce chemin rural. Par une lettre du 8 novembre 2018, Mme D... a demandé au maire de la commune du Collet-de-Dèze d'engager des démarches auprès de Mme F... en vue d'obtenir la résolution amiable de l'acte de vente du 2 février 2015 portant cession d'une portion du chemin rural des Crozes et, en cas de refus de cette dernière, de saisir l'autorité judiciaire d'une demande tendant à la résolution judiciaire de ce contrat. Par un jugement du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé la décision du maire du Collet-de-Dèze rejetant implicitement la demande présentée par Mme D... le 8 novembre 2018 et, d'autre part, enjoint à cette commune d'engager une procédure de résolution amiable du contrat de cession du 2 février 2015 précité et, à défaut d'y parvenir dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, a enjoint à la commune du Collet-de-Dèze de saisir le juge judiciaire d'une action en résolution de ce contrat. Sous les n°s 21TL01699 et 21TL01922, Mme F... et la commune du Collet-de-Dèze relèvent appel de ce jugement du 23 mars 2021. Par la voie d'un appel incident, la commune du Collet-de-Dèze et Mme F... demandent, dans chacune de ces deux instances, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 mars 2021.
2. Les requêtes précitées n°s 21TL01699 et 21TL01922 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la délibération procédant à la désaffectation de la portion du chemin rural en litige et autorisant sa cession :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ". L'article L. 162-3 de ce code dispose que : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ". Aux termes de l'article L. 161-10 du même code : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'un seul des éléments indicatifs figurant à l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime permet de retenir la présomption d'affectation à l'usage du public, d'autre part, que la désaffectation d'un chemin rural résulte d'un état de fait de sorte que cette présomption d'affectation à l'usage du public ne peut être remise en cause par une décision administrative et, enfin, que la vente d'un chemin rural peut être décidée par le conseil municipal lorsque ce chemin cesse d'être affecté à l'usage du public.
5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt n° 16MA03059 du 14 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la délibération du 1er septembre 2014 par laquelle le conseil municipal du Collet-de-Dèze a procédé à la désaffectation d'une partie du chemin rural dit " des Crozes " et autorisé sa cession au motif que la portion du chemin des Crozes en litige constitue une voie de passage et demeure donc affectée à l'usage du public de sorte que les dispositions de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime faisaient obstacle à son aliénation.
6. Dès lors que cet arrêt est devenu définitif, il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la légalité de la délibération du 1er septembre 2014 procédant à la désaffectation de la portion terminale du chemin rural des Crozes en litige et en autorisant la cession. Par suite, Mme F... ne peut utilement se prévaloir des circonstances selon lesquelles ce chemin rural, qui est devenu impraticable, ne constituerait pas une voie de passage accessible et qu'il ne serait pas affecté à l'usage du public.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent et dès lors que l'instance diligentée par Mme D... devant le juge judiciaire portant sur l'état d'enclavement de sa parcelle, dont elle a du reste été déboutée, est sans incidence sur l'illégalité de la délibération servant de fondement au contrat de droit privé par lequel la commune a désaffecté et cédé une portion du chemin rural des Crozes, Mme F... ne peut davantage utilement se prévaloir des circonstances tirées de ce que la parcelle appartenant à Mme D... ne serait pas enclavée en l'absence de décision définitive de l'autorité judiciaire revêtue de l'autorité de la chose jugée et de ce que l'appartenance de la portion terminale du chemin rural des Crozes à la propriété de la commune ou à celle d'une personne privée serait sans incidence sur la procédure de désenclavement initiée par Mme D....
En ce qui concerne la décision implicite rejetant la demande de résolution du contrat de vente de la portion du chemin rural en litige :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
9. L'annulation d'un acte détachable d'un contrat de droit privé n'impose pas nécessairement à la personne publique partie au contrat de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de cette annulation. Il appartient au juge de l'exécution de rechercher si l'illégalité commise peut être régularisée et, dans l'affirmative, d'enjoindre à la personne publique de procéder à cette régularisation. Lorsque l'illégalité commise ne peut être régularisée, il lui appartient d'apprécier si, eu égard à la nature de cette illégalité et à l'atteinte que l'annulation ou la résolution du contrat est susceptible de porter à l'intérêt général, il y a lieu d'enjoindre à la personne publique de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de l'annulation de l'acte détachable.
10. Mme F... et la commune du Collet-de-Dèze soutiennent qu'une commune disposerait de la faculté, même lorsqu'un chemin rural ne serait pas à l'état d'abandon et demeurerait affecté à l'usage du public, de décider d'en cesser l'affectation au public et d'autoriser son aliénation, de sorte que la délibération servant de fondement à la cession en litige pourrait, selon eux, faire l'objet d'une régularisation. Dès lors toutefois que la désaffectation d'un chemin rural ne peut, ainsi qu'il a précédemment été dit, que résulter d'un état de fait auquel une décision de l'organe délibérant ne saurait faire échec et en l'absence, au jour du présent arrêt, de désaffectation effective de ce chemin, l'illégalité de la délibération du 1er septembre 2014 autorisant sa vente ne peut, sauf changement de circonstances de fait ou de droit postérieures à l'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Marseille, faire l'objet d'aucune régularisation. Dans ces conditions, eu égard au motif d'annulation retenu par la cour administrative d'appel de Marseille dans cet arrêt, et compte tenu de l'impossibilité de procéder à la régularisation de l'acte de vente subséquent au regard de l'illégalité substantielle entachant la délibération du 1er septembre 2014 qui en autorise l'aliénation, c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'enjoindre à la commune du Collet-de-Dèze de procéder à la régularisation de la délibération sur le fondement de laquelle a été autorisée cette cession.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... et la commune du Collet-de-Dèze ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé la décision du maire de la commune rejetant implicitement la demande présentée par Mme D... le 8 novembre 2018 et, d'autre part, enjoint à cette commune d'engager une procédure de résolution amiable du contrat de cession conclu le 2 février 2015 et, à défaut d'y parvenir dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, a enjoint à la commune du Collet-de-Dèze de saisir le juge judiciaire d'une action en résolution de ce contrat.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante, les sommes demandées par Mme F... et par la commune du Collet-de-Dèze au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... et de la commune du Collet-de-Dèze les sommes demandées par Mme D... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1 : Les requêtes n° 21TL01699 et n° 21TL01922 de Mme F... et de la commune du Collet-de-Dèze sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de Mme D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Mme C... F... et à la commune du Collet-de-Dèze.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
La rapporteure,
N. El H...Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Lozère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°s 21TL01699 - 21TL01922