Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2201330 du 27 mai 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de renvoi, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 28 juin 2022 sous le n° 22TL21474, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement, en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de renvoi et qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, M. C..., représenté par Me Brel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé.
M. C... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2023.
II. Par une requête, enregistrée le 28 juin 2022 sous le n° 22TL21475, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2201330 du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de renvoi et qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen d'annulation sur lequel est fondée sa requête au fond présente un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, M. C..., représenté par Me Brel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen invoqué par le préfet ne présente pas un caractère sérieux.
M. C... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me Brel pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant turc, dont le second réexamen de sa demande d'asile a été rejeté par une décision du 13 décembre 2021 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 18 octobre 2022 de la Cour nationale du droit d'asile, a fait l'objet d'un arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 22TL21474, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 27 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de renvoi et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par la requête n° 22TL21475, il demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement dans cette mesure.
2. Les requêtes n° 22TL21474 et n° 22TL21475 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 22TL21474 :
3. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
4. M. C... soutient qu'il encourt des risques de persécution de la part des autorités turques en raison de son militantisme pour la défense de la cause kurde et de l'engagement de son frère et de son neveu au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan. Il produit à ce titre les copies du procès-verbal de son audition du 1er mai 2009, d'un acte d'accusation du parquet général d'Istanbul du 25 décembre 2009, mentionnant qu'il est poursuivi pour des activités de propagande, d'un mandat d'arrêt du 6 novembre 2012 en raison de sa qualité de membre d'une organisation terroriste armée, pour des faits constatés en 2006 de possession de matériel à l'effigie du parti, de divers actes de procédure établis par la cour d'assises d'Istanbul entre 2010 et 2014, recherchant la comparution de M. C..., ainsi que de plusieurs courriers du directeur départemental de l'anti-terrorisme de la préfecture d'Istanbul mentionnant, durant la même période, l'état d'avancement de l'exécution du mandat d'arrêt. Il verse également au dossier différents documents judiciaires établis entre 2018 et 2023, extraits du compte personnel dont il dispose sur le portail numérique donnant accès au système informatique judiciaire turc, maintenant en vigueur le mandat d'arrêt émis à son encontre. Ces éléments, dont l'authenticité est avérée et qui sont confirmés par le récit de l'intéressé, permettent d'établir, de façon suffisamment précise, les faits à l'origine des poursuites diligentées à l'encontre de M. C... et l'actualité de ces poursuites. En conséquence, alors même que les différentes demandes d'asile qu'il a présentées ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, qu'il s'est présenté au consulat de Turquie en mars 2019 afin d'effectuer des démarches administratives et qu'aucune pièce du dossier ne révèle qu'il ferait l'objet d'une demande d'extradition émanant des autorités turques, M. C... doit être regardé comme établissant la réalité de menaces personnelles et actuelles qu'il encourrait en cas de retour en Turquie. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a accueilli le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a fixé le pays de renvoi était intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 février 2022 en tant qu'il a fixé le pays de renvoi de M. C... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 22TL21475 :
6. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation partielle du jugement n° 2201330 du 27 mai 2022 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 22TL21475 tendant au sursis à exécution de ce jugement, dans cette mesure, sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 22TL21474 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL21475 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 mai 2022.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... C... et à Me Julien Brel.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
N. B...
Le président,
A. Barthez Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21474, 22TL21475