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06/04/2023 | FRANCE | N°21TL00473

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 06 avril 2023, 21TL00473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Art Solar a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bellegarde à lui verser la somme de 16 183 328,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation annuelle, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 24 janvier 2011 par lequel le maire de cette commune lui a refusé un permis de construire.

La société Art Solar a également demandé à ce même t

ribunal de condamner la société SMACL assurances à lui verser, en sa qualité d'assureur de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Art Solar a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bellegarde à lui verser la somme de 16 183 328,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation annuelle, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 24 janvier 2011 par lequel le maire de cette commune lui a refusé un permis de construire.

La société Art Solar a également demandé à ce même tribunal de condamner la société SMACL assurances à lui verser, en sa qualité d'assureur de la commune de Bellegarde, la somme mentionnée au paragraphe précédent.

Par un jugement nos 1900577, 1902310 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces deux demandes et a mis à la charge de la société Art Solar une somme de 1 200 euros à verser à la commune de Bellegarde et une somme de même montant à verser à la société SMACL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2021 sous le n° 21MA00473 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00473 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société à responsabilité limitée Art Solar, représentée par Me Jeanjean, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le maire de Bellegarde a implicitement rejeté sa réclamation préalable indemnitaire présentée le 14 novembre 2018 ;

3°) à titre principal, d'une part, de condamner la commune de Bellegarde à lui payer la somme de 16 183 328,80 euros, à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2018 et de la capitalisation des intérêts pour chaque année échue, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 24 janvier 2011 susvisé et, d'autre part, de condamner la société SMACL assurances à garantir la commune de Bellegarde de la somme à laquelle cette dernière sera condamnée ;

4°) à titre subsidiaire, après avoir reconnu la responsabilité de la commune de Bellegarde et la garantie de son assureur, d'une part, d'ordonner la réalisation d'une expertise visant à apprécier l'étendue des préjudices subis et à déterminer leur lien de causalité avec l'illégalité de l'arrêté du 24 janvier 2011 susvisé, d'autre part, de surseoir à statuer sur les préjudices dans l'attente du rapport d'expertise et, enfin, de mettre à la charge de la commune de Bellegarde les frais induits par la réalisation de cette expertise ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Bellegarde les entiers dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité de l'arrêté du 24 janvier 2011 lui a causé des préjudices consistant en des frais exposés en pure perte pour l'élaboration de son projet et la défense de ses intérêts et en un manque à gagner consécutif à l'abandon de ce projet ;

- le tribunal administratif de Nîmes a porté une appréciation erronée sur les faits de l'espèce en retenant que la promesse de vente du terrain était caduque à la date de la demande de permis alors que les relations contractuelles se sont poursuivies après cette date ;

- la caducité de la promesse de vente était sérieusement contestable compte tenu de l'attestation notariale produite à l'appui de la demande de la demande de permis ;

- le refus de permis de construire ne pouvait pas être légalement justifié par les motifs invoqués par la commune de Bellegarde en première instance, tirés de la méconnaissance du régime de la division foncière, de la nécessité de présenter deux dossiers de demande, de la méconnaissance du plan d'occupation des sols et de l'existence d'une fraude ;

- l'action directe contre l'assureur était recevable.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2021, la commune de Bellegarde, représentée par le cabinet Maillot avocats et associés, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de la société Art Solar une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la société requérante ne disposait plus d'un droit à construire à la date de la demande de permis ;

- à titre subsidiaire, d'une part, l'existence de la fraude pouvait légalement justifier le refus du permis et, d'autre part, les préjudices allégués ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2021, la société à responsabilité limitées SMACL assurances, représentée par le cabinet Audouin, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les prétentions de la société Art Solar soient réduites à de plus faibles proportions ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la société Art Solar une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la société requérante ne disposait plus d'un droit à construire à la date de la demande de permis ;

- à titre subsidiaire, d'une part, l'action contre l'assureur était prescrite, d'autre part, ni la responsabilité de la commune de Bellegarde ni les préjudices ne sont établis.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Borkowski, représentant la société Art Solar,

- les observations de Me Castagnino, représentant la commune de Bellegarde.

Considérant ce qui suit :

1. La société Art Solar a eu pour projet d'implanter un ensemble de serres agricoles photovoltaïques, sur une superficie de l'ordre de neuf hectares répartie entre onze parcelles situées au lieu-dit Sautebraud, sur le territoire de la commune de Bellegarde (Gard). Elle a présenté une première demande de permis de construire en vue de la réalisation de ce projet le 30 mars 2010, mais cette demande a été rejetée par le maire de Bellegarde par un arrêté du 12 juillet 2010. La société pétitionnaire a déposé une seconde demande de permis de construire, portant sur le même projet, le 28 octobre 2010, mais le maire de Bellegarde lui a opposé un nouveau refus par un arrêté du 24 janvier 2011. Par une réclamation préalable indemnitaire du 14 novembre 2018, la société Art Solar a sollicité auprès de la commune de Bellegarde la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 24 janvier 2011. En l'absence de réponse du maire à ce courrier, ladite société a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bellegarde ainsi que son assureur, la société SMACL assurances, à lui payer une somme de 16 175 528,80 euros en réparation des mêmes préjudices. Par la présente requête, la société Art Solar relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il résulte de l'instruction que si, par un jugement n° 1101948 du 26 avril 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande présentée par la société Art Solar tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2011 par lequel le maire de Bellegarde lui a opposé un second refus de permis de construire, ledit jugement et ledit arrêté ont été annulés par la cour administrative d'appel de Marseille aux termes d'un arrêt n° 13MA02539 rendu le 3 avril 2015, lequel est devenu définitif à la suite du rejet, par une décision du Conseil d'Etat n° 390716 du 3 octobre 2016, du pourvoi en cassation formé par la commune de Bellegarde.

3. Si la décision par laquelle l'autorité administrative refuse illégalement un permis de construire constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée à l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité du refus de permis et les préjudices dont se prévaut le pétitionnaire.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'une promesse unilatérale de vente avait été signée devant notaire, le 2 octobre 2009, entre le groupement foncier agricole du Haut Grès et la société Art Solar en vue de l'acquisition, par cette dernière, des onze parcelles constituant le terrain d'assiette de son projet de serres agricoles. Il ressort des termes mêmes de cet acte que ladite promesse avait été consentie pour une durée expirant le 30 juin 2010, mais qu'elle serait réputée caduque et non avenue et résiliée de plein droit, sans formalité particulière, si la société requérante n'avait pas sollicité le permis de construire avant le 30 décembre 2009.

5. La société Art Solar n'a ni procédé à l'acquisition des onze parcelles concernées, ni présenté une demande de permis de construire avant le 30 décembre 2009. Il n'est par ailleurs pas allégué qu'un nouvel acte aurait été conclu entre les signataires de la promesse de vente pour prolonger sa durée de validité. Si la société requérante soutient avoir poursuivi ses relations contractuelles avec le groupement foncier agricole du Haut Grès jusqu'au 1er octobre 2012, une telle circonstance ne peut sérieusement se déduire de l'attestation notariale qu'elle a produite à l'appui de sa demande de permis de construire, laquelle se borne à confirmer que la société était habilitée à déposer une telle demande le 22 décembre 2009, soit à une date où la promesse de vente était encore valide. Il en résulte que ladite promesse s'est trouvée résiliée de plein droit le 31 décembre 2009 et qu'elle était donc caduque lorsque la société Art Solar a déposé en mairie, le 28 octobre 2010, la demande de permis ayant abouti à l'arrêté du 24 janvier 2011.

6. La société appelante se prévaut également d'un document daté du 1er octobre 2012, par lequel les parties à la promesse de vente déclarent mettre fin à leurs engagements à cette même date. En l'absence de tout acte justifiant d'une reprise des relations contractuelles après le 31 décembre 2009, cette pièce, produite pour la première fois devant la cour et ne présentant pas la forme d'un acte authentique passé devant un notaire, ne permet cependant pas davantage d'établir que la société Art Solar disposait encore d'un droit sur les parcelles devant supporter le projet lorsqu'elle a présenté sa demande de permis de construire le 28 octobre 2010.

7.

Dans ces conditions, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'expertise sollicitée à titre subsidiaire par la société requérante, les préjudices invoqués par cette dernière, liés à la non-réalisation de son projet, à les supposer même établis, ne peuvent être regardés comme trouvant leur cause directe et certaine dans l'illégalité du refus de permis de construire opposé par le maire de Bellegarde.

8. Dès lors qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que la société Art Solar n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Bellegarde, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription opposée en défense par la société SMACL assurances, les conclusions tendant à ce que cette dernière société soit condamnée à garantir la commune de Bellegarde des sommes qu'elle serait condamnée à verser doivent être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Art Solar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes présentées contre la commune de Bellegarde et la société SMACL assurances.

Sur les frais liés au litige :

10. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par la société Art Solar sont sans objet ne peuvent donc qu'être rejetées.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bellegarde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la société Art Solar au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Art Solar le paiement d'une somme de 1 000 euros au bénéfice de la commune de Bellegarde et d'une somme de même montant au bénéfice de la société SAMCL assurances au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Art Solar est rejetée.

Article 2 : La société Art Solar versera une somme de 1 000 euros à la commune de Bellegarde et une somme de 1 000 euros à la société SMACL assurances sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Art Solar, à la commune de Bellegarde et à la société SMACL assurances.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Haïli, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

X. Haïli

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la préfète du Gard, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL00473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00473
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. HAÏLI
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : CABINET MAILLOT - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-06;21tl00473 ?
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