Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Enedis a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les articles 47, 48, 49, 56, 62, 65 et 74 du règlement de voirie départemental adopté par une délibération n° 2019-471 du conseil départemental de Vaucluse du 21 juin 2019 et par un arrêté n° 5610 du 27 juin 2019 du président du conseil départemental de Vaucluse.
Par un jugement n° 1904363 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif précité a, notamment, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions des paragraphes 2 à 4 de l'article 62 et des dispositions de l'article 74 du règlement de voirie départemental de Vaucluse, au motif de l'annulation de ces dispositions par un précédent jugement du 8 juillet 2021 n° 1902948, et, d'autre part, annulé les dispositions du premier alinéa de l'article 47 et celles des articles 48 et 49 du règlement de voirie départemental de Vaucluse.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 22 décembre 2021, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse le 1er mars 2022, et un mémoire en réplique du 22 août 2022, le département de Vaucluse, représenté par Me Pontier, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 octobre 2021 en tant qu'il annule les dispositions du premier alinéa de l'article 47 et les articles 48 et 49 du règlement de voirie départemental de Vaucluse ;
2°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'une erreur quant à l'appréciation de la légalité du premier alinéa de l' article 47 du règlement de voirie ; en effet, si les premiers juges ont considéré que ces dispositions étaient illégales en ce qu'elles instituaient une présomption systématique de responsabilité de la société Enedis en cas de dommage résultant de l'exécution de ses travaux, ou de l'existence et du fonctionnement de ses ouvrages, elles ne font en réalité que rappeler les principes existant en matière de responsabilité des occupants du domaine public, notamment en matière de responsabilité sans faute ;
- pour ce qui est de l' article 48 du règlement de voirie dont le tribunal a fait une citation erronée, si cet article dispose qu'à défaut pour l'intervenant de contester le bon état des lieux avant les travaux, les lieux sont réputés en bon état d'entretien, il n'en découle aucune interdiction de rechercher ultérieurement la responsabilité du gestionnaire de la voie ; par ailleurs, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces dispositions n'ont pas pour effet d'instaurer un régime d'administration de la preuve favorable au département ;
- en ce qui concerne l' article 49 du règlement de voirie, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'obligation de rechercher des solutions autres que l'emprise sur le domaine public routier ne porte pas une atteinte excessive au droit de la société Enedis d'occupation du domaine public ; en effet, le droit du concessionnaire d'occuper le domaine public et de réaliser les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien de son réseau n'est pas un droit absolu, ce droit s'exerçant dans le respect du cahier des charges, des règlements de voirie et des dispositions du code de la voirie routière et du code de l'énergie ; ce droit peut être ainsi limité dans l'intérêt général, et à cet égard la gestion et la protection du domaine public routier constitue un motif d'intérêt général permettant légalement au département d'encadrer l'occupation de son domaine public et d'en limiter les effets par l'obligation de rechercher des solutions alternatives.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, la société Enedis représentée par Me Cortes, conclut au rejet de la requête du département de Vaucluse et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le département de Vaucluse ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code de l'énergie ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin rapporteure publique
- et les observations de Me Larroque, représentant le département de Vaucluse, et de Me Guillot, représentant la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. La société Enedis a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les articles 47, 48, 49, 56, 62, 65 et 74 du règlement de voirie départemental adopté par une délibération n° 2019-471 du conseil départemental de Vaucluse du 21 juin 2019 et par un arrêté n° 5610 du 27 juin 2019 du président du conseil départemental de Vaucluse.
2. Par un jugement n° 1904363 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, notamment, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions des paragraphes 2 à 4 de l'article 62 et des dispositions de l'article 74 du règlement de voirie départemental de Vaucluse, au motif de l'annulation de ces dispositions par un précédent jugement du 8 juillet 2021 n° 1902948, et, d'autre part, annulé les dispositions du premier alinéa de l'article 47 et celles des articles 48 et 49 du règlement de voirie départemental de Vaucluse.
3. Par la présente requête, le département de Vaucluse relève appel de ce jugement en tant qu'il annule le premier alinéa de l'article 47 et les articles 48 et 49 du règlement départemental de voirie.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserve des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public (...) peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (...) ". Aux termes de l'article L. 323-1 du code de l'énergie : " La concession ou autorisation de transport ou de distribution d'électricité confère à l'entrepreneur le droit d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages en se conformant aux conditions du cahier des charges, des règlements de voirie et des décrets en Conseil d'État prévus à l'article L. 323-11, sous réserve du respect des dispositions du code de la voirie routière, en particulier de ses articles L. 113-3 et L. 122-3 ". Il résulte de ces dispositions, que le droit d'occupation du domaine public routier reconnu à la société Enedis, en sa qualité de concessionnaire d'un réseau d'électricité sur le territoire du département de Vaucluse, s'exerce dans les conditions prévues par le règlement de voirie.
5. En vertu des dispositions de l'article R. 141-14 du code de la voirie routière, les autorités compétentes peuvent, par la voie d'un règlement de voirie, subordonner l'exercice du droit d'occupation du domaine public routier aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elles ont la charge et en garantir un usage répondant à sa destination, à condition de ne pas porter une atteinte excessive au droit d'occupation du domaine public routier reconnu au concessionnaire.
S'agissant du premier alinéa de l'article 47 du règlement de voirie :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article 47 du règlement de voirie : " L'occupant (ou intervenant pour son compte), est tenu de se conformer aux prescriptions techniques du présent règlement, dans l'intérêt du bon usage et de la conservation du domaine public routier départemental. Il est responsable de tous les accidents ou dommages qui peuvent résulter de l'exécution de ses travaux ou de l'existence et du fonctionnement de ses ouvrages. Il est tenu de mettre en œuvre, sans délai, les mesures qu'il lui serait enjoint de prendre dans l'intérêt du domaine public routier départemental et de la circulation ". Aux termes de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. À ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'État dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'État dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ".
7. Si les dispositions d'un règlement de voirie peuvent rappeler les obligations légales pesant sur les intervenants sur le domaine public routier, ainsi que les principes jurisprudentiels qui se rapportent à la mise en jeu de leur responsabilité, et si, à cet égard, les occupants du domaine public peuvent, à raison des travaux publics qu'ils exécutent, voir leur responsabilité sans faute engagée à l'égard des tiers, les dispositions précitées du premier alinéa de l'article 47 du règlement de voirie ne peuvent être regardées comme constituant un simple rappel du régime juridique de responsabilité qui leur est applicable. En effet les dispositions précitées occultent notamment les causes exonératoires dont peuvent se prévaloir les intervenants à des travaux publics, ainsi que les appels en garantie qu'ils peuvent présenter à l'encontre de personnes publiques ou privées, en vue d'être couverts partiellement ou totalement des condamnations prononcées à leur encontre. Dans ces conditions, le département de Vaucluse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé l'annulation de ces dispositions.
S'agissant de l'article 48 du règlement de voirie :
8. Aux termes de l'article 48 du règlement de voirie : " Préalablement à l'engagement des travaux, l'intervenant peut demander l'établissement d'un constat contradictoire des lieux au gestionnaire de la voirie départementale. En l'absence de constat contradictoire, les lieux sont réputés en bon état d'entretien et aucune contestation ne sera admise pas la suite ". Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges au regard de ces dispositions, alors même que, du fait d'une erreur de plume, ils ont en fait une citation erronée, cette disposition réputant, en l'absence de constat contradictoire sollicité par le pétitionnaire, les lieux en bon état d'entretien et excluant, en pareil cas, toute contestation ultérieure, crée au profit du département, contrairement à ce que ce dernier persiste à soutenir en appel, une présomption irréfragable, contraire aux principes d'administration de la preuve applicables en droit public. Dès lors, le département de Vaucluse, n'est pas non plus fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'article 48 du règlement de voirie.
S'agissant de l'article 49 du règlement de voirie :
9. Aux termes de l'article 49 du règlement de voirie : " L'intervenant doit avoir recherché, préalablement à toute demande d'autorisation, des solutions de passage en domaine privé. Les ouvrages doivent être réalisés à l'endroit de la voie qui perturbe le moins possible sa gestion et celle des équipements déjà existants. Dans la mesure du possible, ils sont implantés dans les zones les moins sollicitées (accotements, en limite du domaine public routier départemental...). L'implantation de travaux dans l'emprise du domaine public routier départemental doit être conforme au plan d'Avant-Projet Détaillé (APD) visé par la permission de voirie approuvée par le gestionnaire de la voirie départementale. L'implantation fera l'objet d'un piquetage contradictoire entre le gestionnaire du domaine public et l'occupant ".
10. Ces prescriptions, qui subordonnent l'implantation du chantier et des travaux à l'obligation de rechercher préalablement une solution d'implantation sur le domaine privé et d'établir un piquetage contradictoire sur le domaine public, portent une atteinte excessive au droit de la société Enedis d'occupation du domaine public qu'elle tire des dispositions précitées des articles L. 113-3 du code de la voirie routière et L. 323-1 du code de l'énergie, et notamment à son droit de bénéficier d' un droit de passage sur le domaine public routier afin d'y implanter ses ouvrages. Si ce droit ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les dispositions du code de la voirie routière et du code de l'énergie et si, par le règlement de voirie, l'autorité compétente pour édicter ce règlement peut subordonner l'exercice de ce droit aux conditions indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elle a la charge et en garantir un usage correspondant à sa destination, en l'espèce, les dispositions précitées de l'article 49 du règlement départemental de voirie, en subordonnant, a priori, et de manière systématique, l'attribution d'autorisations d'occupation du domaine public à la démonstration de l'absence de solutions de passage sur le domaine privé, méconnaissent les dispositions précitées des articles L. 113-3 du code de la voirie routière et de l'article L. 323-1 du code de l'énergie.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le département de Vaucluse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les dispositions du premier alinéa de l'article 47 et celles des articles 48 et 49 du règlement de voirie départemental de Vaucluse.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le département demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de Vaucluse au bénéfice de la société Enedis la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département de Vaucluse est rejetée.
Article 2 : Le département de Vaucluse versera à la société Enedis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Enedis et au département de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL04861