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04/04/2023 | FRANCE | N°21TL02582

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 04 avril 2023, 21TL02582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Frederika a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le maire de la commune d'Ansouis lui a enjoint de prendre diverses mesures pour mettre fin à l'état de péril imminent que constitue l'immeuble lui appartenant, situé rue du Cartel.

Par un jugement n° 1902270 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juill

et 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greff...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Frederika a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le maire de la commune d'Ansouis lui a enjoint de prendre diverses mesures pour mettre fin à l'état de péril imminent que constitue l'immeuble lui appartenant, situé rue du Cartel.

Par un jugement n° 1902270 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires, enregistrés les 28 mars et 20 mai 2022 et le 16 mars 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SCI Frederika, représentée par Me Bonan, demande :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de péril imminent du 22 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Ansouis de désenclaver la parcelle litigieuse et de réintégrer, dans le domaine public communal, la voie publique dite chemin de ronde de la Tour de guet, illégalement appropriée par les propriétaires des parcelles attenantes, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les quinze jours de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Ansouis la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur les conditions de notification de l'arrêté de péril aux propriétaires prévues par les dispositions de l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation ; ils ont également omis de répondre au moyen relatif à la méconnaissance du contradictoire au cours de la procédure préalable de l'expertise qui s'est tenue le 20 mars 2019 en son absence ;

- les formalités de notification, de publication et d'affichage de l'arrêté de péril prévues à l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation n'ont pas été respectées ; d'une part, la commune ne justifie pas de son affichage en mairie et sur la façade de la mairie ; elle rapporte seulement la preuve d'un affichage effectué tardivement qui n'a pas permis d'assurer l'information du public ; le certificat d'affichage de l'arrêté du 25 mars 2019 qui comporte une signature du maire qui diffère de celle de cet arrêté, ne permet pas d'apporter la preuve d'un affichage régulier ;

- la procédure est irrégulière dès lors que le contradictoire n'a pas été respecté au cours de la procédure préalable de l'expertise, qui s'est tenue le 20 mars 2019 en son absence puisqu'elle n'y a pas été régulièrement convoquée ;

- les dispositions de l'article R. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ont été méconnues dès lors que l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'a pas été sollicité avant d'ordonner la démolition de l'immeuble en application de l'article L. 511-2 de ce code ; la preuve de l'information adressée par le maire à cet architecte pour l'application de la procédure prévue à l'article L. 511-3 de ce code n'est pas rapportée en l'absence de production de l'accusé de réception du 19 mars 2019 ;

- la gravité et l'imminence du danger permettant au maire d'engager la procédure d'urgence de péril imminent n'étaient pas établies ; ainsi, la construction jugée instable en mars 2019 n'a subi aucun changement notable en mars 2022 ;

- dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, le maire ne peut prescrire que des mesures provisoires pour garantir la sécurité publique ; il ne peut dans ce cadre ordonner la démolition de l'immeuble dès lors que cette mesure ne présente pas un caractère provisoire ; les mesures prescrivant la réduction de la hauteur des murs et la démolition du balcon surplombant la parcelle n° 93 ne présentent pas un caractère définitif ;

- l'origine du péril est extérieure à l'immeuble de sorte que le maire devait exercer ses pouvoirs de police générale et non ses pouvoirs de police spéciale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mars, 29 avril et 3 juin 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune d'Ansouis, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Frederika une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens relatifs à la notification de l'arrêté de péril et à la méconnaissance du caractère contradictoire de l'expertise n'ont pas été soulevés devant les premiers juges ;

- l'arrêté de péril a été notifié à la société appelante conformément à l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation ; il a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à Aix-en-Provence, transmis par courriel et déposé dans la boîte aux lettres de la société à Ansouis ; il a également été affiché en mairie et en façade de mairie ;

- elle justifie avoir informé l'architecte des bâtiments de France en même temps qu'elle a adressé la lettre d'avertissement au propriétaire, conformément à l'article R. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ; cette information n'a pas à être adressée en lettre recommandée avec accusé de réception ;

- il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal que l'état de l'immeuble faisait courir un risque pour la sécurité publique et celle de ses occupants et présentait un péril imminent ;

- l'arrêté de péril ne prescrit pas la démolition d'une partie d'un bâtiment ; s'agissant du balcon, la mesure ne prescrivait pas nécessairement sa démolition puisqu'une consolidation était possible ; à supposer même que ces mesures ne présentaient pas un caractère provisoire, le maire pouvait ordonner la démolition de l'immeuble sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dès lors que l'immeuble faisait courir un risque exceptionnellement grave ; en tout état de cause, ces mesures ne sauraient entacher la globalité de l'arrêté dès lors qu'elles en sont détachables ;

- contrairement à ce que soutient la société appelante, il n'est pas démontré que les causes du péril seraient extérieures à l'immeuble.

Par une ordonnance du 6 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 6 juin 2022 à 12 heures.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par lettre du 15 mars 2023 que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions enjoignant à la commune d'Ansouis de désenclaver la parcelle litigieuse et de réintégrer, dans le domaine public communal, la voie publique dite chemin de ronde de la Tour de guet, illégalement appropriée par les propriétaires des parcelles attenantes, qui ne présentent pas de lien suffisant avec les conclusions principales en annulation de l'arrêté de péril et sont, par suite, irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Bonan, représentant la SCI Frederika et celles de Me Louis, substituant Me Petit, représentant la commune d'Ansouis.

Considérant ce qui suit :

1. La société Frederika est propriétaire des parcelles E93, E95 et E131 au sein du château d'Ansouis (Vaucluse). En raison des risques créés par l'état des constructions édifiées sur la parcelle E93, le maire de la commune a mis en œuvre la procédure de péril imminent. Une mission d'expertise a été confiée à M. A... par ordonnance du tribunal administratif de Nîmes en date du 19 mars 2019. Dans son constat du 20 mars 2019, l'expert conclut à l'existence d'un péril imminent et détermine les mesures nécessaires pour y mettre fin. Par un arrêté de péril imminent du 22 mars 2019, le maire a enjoint à la société Frederika de réaliser diverses mesures pour garantir la sécurité publique et mettre fin à ce péril. Cette société relève appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal n'entache pas sa décision en ne répondant pas à un moyen qui n'était pas soulevé devant lui et qui n'était pas d'ordre public.

4. En l'espèce, les moyens relatifs à la notification de l'arrêté de péril et à la méconnaissance du caractère contradictoire de l'expertise n'ont pas été soulevés devant les premiers juges et ne présentaient pas un caractère d'ordre public. Dès lors, la société Frederika n'est pas fondée à soutenir qu'en omettant de répondre à de tels moyens, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation, alors en vigueur : " Tout arrêté de péril pris en application de l'article L. 511-1 est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, tels qu'ils figurent au fichier immobilier. Il est également notifié, pour autant qu'ils sont connus, aux titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, aux occupants et, si l'immeuble est à usage total ou partiel d'hébergement, à l'exploitant. Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d'un immeuble en copropriété, la notification aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat de la copropriété. / À défaut de connaître l'adresse actuelle des personnes visées au premier alinéa ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'arrêté de péril est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux. Lorsque le propriétaire de l'immeuble en péril est une société civile immobilière, cet arrêté est notifié à ses gérants. La notification par voie d'affichage de l'arrêté de péril présente un caractère subsidiaire et ne trouve à s'appliquer qu'en cas de difficulté d'identification ou de localisation des propriétaires.

6. Il est constant que l'arrêté de péril imminent du 22 mars 2019 a été notifié à l'adresse des gérants de la société appelante, à Aix-en-Provence, par lettre recommandée avec accusé de réception. La société verse d'ailleurs à l'instance cette lettre de notification, qui comporte la mention manuscrite de sa réception à la date du 30 mars 2019. Par suite et en application des dispositions précitées de l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation, le maire n'était pas tenu de procéder à l'affichage en mairie de cet arrêté. Dès lors, la circonstance, à la supposer établie, que l'arrêté de péril n'aurait pas été régulièrement affiché en mairie est sans incidence sur sa légalité.

7. En deuxième lieu et aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. (...). "

8. Les dispositions applicables à la procédure de péril imminent ne subordonnent pas la légalité de l'arrêté de péril au caractère contradictoire de l'expertise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'expertise, qui s'est tenue en l'absence de la société appelante, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté, à supposer même établie l'irrégularité de l'envoi à la société appelante de l'avertissement prévu par les dispositions précitées de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation.

9. En tout état de cause, par un courrier daté du 19 mars 2019 et un courriel envoyé le lendemain matin, la société appelante a été informée, avant la fin des opérations d'expertise réalisées le 20 mars 2019, de la saisine ce jour du tribunal administratif de Nîmes qui a procédé à la désignation d'un expert.

10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige : " Avant d'ordonner la réparation ou la démolition d'un immeuble menaçant ruine en application de l'article L. 511-2, le maire sollicite l'avis de l'architecte des bâtiments de France dans les cas où cet immeuble est : 1° Soit inscrit au titre des monuments historiques en application de l'article L. 621-25 du code du patrimoine ; (...). Dans les mêmes cas, lorsque le maire fait application de la procédure prévue à l'article L. 511-3, il en informe l'architecte des Bâtiments de France en même temps qu'il adresse l'avertissement au propriétaire ".

11. Il est constant que l'immeuble en péril litigieux fait partie du château médiéval d'Ansouis comprenant notamment les restes des remparts et la tour carrée, classé monument historique par arrêté du 10 mai 1948. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 19 mars 2019, le maire d'Ansouis a informé l'architecte en chef des bâtiments de France de l'ouverture d'une procédure préalable à la prise d'un arrêté de péril imminent concernant un bâtiment annexe du château d'Ansouis. Est sans influence sur la régularité de la délivrance de cette information la circonstance qu'elle n'a pas été effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Par ailleurs, aucune pièce du dossier ne permet de douter du caractère probant de la lettre produite par la commune d'Ansouis. Dans ces conditions, le maire, qui a mis en œuvre la procédure prévue à l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, doit être regardé comme ayant régulièrement informé l'architecte des bâtiments de France en même temps qu'il adressait l'avertissement au propriétaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne

12. Aux termes de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'État, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. (...) ".

13. En premier lieu, lorsque le maire fait application de la procédure prévue à l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, l'expert désigné par la juridiction administrative doit, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examiner les bâtiments, dresser constat de l'état des bâtiments mitoyens et proposer des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate.

14. Il ressort du constat de péril dressé le 20 mars 2019 par l'expert désigné par une ordonnance du 19 mars 2019 de la présidente du tribunal administratif de Nîmes que l'état de l'immeuble litigieux faisait courir un risque pour la sécurité publique et celle de ses occupants et présentait un péril imminent. Ce constat, qui établissait la gravité et l'imminence du péril, n'est pas utilement combattu par les conclusions d'un expert mandaté par la société appelante et qui, datant du mois de mars 2022, ne permettent pas d'apprécier l'état de l'immeuble au 20 mars 2019.

15. En deuxième lieu, si le maire peut ordonner la démolition d'un immeuble en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, après accomplissement des formalités qu'il prévoit, il doit, lorsqu'il agit sur le fondement de l'article L. 511-3 afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité. En présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en œuvre immédiate d'une mesure de démolition, le maire ne peut l'ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.

16. Le maire d'Ansouis a pris l'arrêté de péril imminent du 22 mars 2019 au vu du rapport du 20 mars 2019 de l'expert désigné par la présidente du tribunal administratif de Nîmes, constatant le péril imminent, conformément aux dispositions de l'article L. 511-3. Il ne ressort toutefois pas de cet arrêté que l'état de l'immeuble litigieux créait un péril particulièrement grave et imminent de nature à caractériser une situation d'extrême urgence.

17. Les mesures prescrites par l'arrêté correspondaient à celles préconisées par le rapport d'expertise pour mettre fin à l'état de péril imminent. S'agissant de la mesure prescrivant la démolition ou la consolidation du balcon surplombant la parcelle n° 93 appartenant à la société Frederika, la démolition n'était envisagée que de manière alternative à sa consolidation et portait sur un accessoire de la construction qui pouvait être facilement remplacé. Cette mesure n'excédait donc pas les mesures que le maire pouvait légalement ordonner sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation. En revanche, la mesure prescrivant la réduction de la hauteur des vestiges de murs à 1 mètre, qui conduisait à la destruction d'une partie de la construction, portait sur des éléments substantiels du bâti et présentait, malgré son caractère partiel, un caractère définitif. Le maire ne pouvait donc pas édicter une telle mesure sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation.

18. Il résulte de ce qui précède que la société Frederika est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté de péril du 22 mars 2019 en tant qu'il lui a prescrit de réduire la hauteur des vestiges de murs à un mètre.

19. En dernier lieu, les procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, doivent être mises en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Elles se distinguent en cela des pouvoirs reconnus au maire par l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'appliquent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure. Il n'y a pas lieu, pour déterminer les champs respectifs de ces deux procédures, d'avoir recours à un critère tiré de l'origine naturelle ou artificielle du danger.

20. Si l'expert a constaté la présence au sol, dans la partie Est de la parcelle, de trous résultant de fontis qui se sont produits dans les sous-sols accessibles depuis la plate-forme inférieure, il ne ressort ni de cette expertise ni d'aucune autre pièce du dossier que l'état de péril serait la conséquence d'un effondrement du sous-sol et ne résulterait pas d'une cause propre à l'immeuble.

Sur les conclusions en injonction :

21. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Ansouis de désenclaver la parcelle litigieuse et de réintégrer, dans le domaine public communal, la voie publique dite chemin de ronde de la Tour de guet, illégalement appropriée par les propriétaires des parcelles attenantes selon la société appelante, ne présentent pas de lien suffisant avec les conclusions principales en annulation de l'arrêté de péril et sont, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de commune d'Ansouis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la société Frederika n'étant pas la partie perdante à l'instance.

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ansouis une somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées sur le même fondement par la société Frederika.

D É C I D E:

Article 1er : L'arrêté du 22 mars 2019 du maire d'Ansouis est annulé en tant qu'il a prescrit à la société Frederika de réduire la hauteur des vestiges de murs à un mètre.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus

Article 3 : La commune d'Ansouis versera une somme de 1 500 euros à la société Frederika sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Frederika est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune d'Ansouis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Frederika et à la commune d'Ansouis.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02582
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-001-01 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BONAN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-04;21tl02582 ?
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