La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | FRANCE | N°22TL22052

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 30 mars 2023, 22TL22052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2204759 du 16 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par un

e requête, enregistrée le 29 septembre 2022 sous le n° 22TL22052, le préfet de la Haute-Garonne deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2204759 du 16 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2022 sous le n° 22TL22052, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a jugé que l'arrêté du 9 août 2022 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 13 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 février 2023.

II. Par une requête enregistrée le 29 septembre 2022 sous le n° 22TL22053, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement rendu le 16 août 2022 par le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies dès lors qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation auxquelles le tribunal a fait droit.

Par ordonnance du 13 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 février 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me Cambon, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 8 avril 1962, a fait l'objet le 9 août 2022 d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Il a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Toulouse et, par un jugement du 16 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal l'a annulé. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL22052, le préfet de la Haute-Garonne fait appel de ce jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL22053, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 22TL22052 et n° 22TL22053 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22TL22052 :

En ce qui concerne le motif retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B... indique, sans être sérieusement contredit sur ce point, qu'il a vécu pendant la majeure partie de vie, à compter de l'âge de deux ans, sur le territoire français. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il est le parent d'enfants qui sont français et vivent en France, ainsi que tous ses frères et sœurs, et que ses parents, qui d'ailleurs résidaient régulièrement sur le territoire français, sont décédés. Il en ressort également que M. B... a maintenu des relations avec certains membres de sa famille, en particulier sa fille qui a entrepris des démarches répétées pour le renouvellement de son titre de séjour.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion le 13 janvier 1988 à la suite de plusieurs faits notamment de vols par effraction, de vols avec violence et en réunion et de recel commis entre 1982 et 1986 pour lesquels il a été condamné le 15 décembre 1983 et le 20 février 1986. Il a également été condamné, après son retour en France à la suite de son expulsion, le 7 juin 2002, pour des faits de vols à main armée ainsi que le 10 décembre 2003 pour usage de faux document administratif. Enfin, M. B... a été incarcéré à compter du 27 mars 2012 et jusqu'au 13 août 2022 pour des faits de vol aggravé en réunion et avec violence pour lesquels il a été condamné le 12 juillet 2016, une autre condamnation ayant été prononcée le 29 mars 2017 pour des faits de menace de crime ou de délit contre une personne dépositaire de l'autorité publique. Dès lors que M. B... était en détention, les faits de vol commis au plus tard en 2012 ne peuvent être regardés comme anciens et c'est sans erreur d'appréciation que le préfet de la Haute-Garonne a estimé qu'il présentait une menace pour l'ordre public.

6. En outre, M. B... ne produit aucun élément de nature à établir que, contrairement à ce que soutient le préfet de la Haute-Garonne, certains membres de sa famille sont venus lui rendre visite au parloir de la prison. Il n'établit pas l'exactitude de son allégation, contestée par le préfet de la Haute-Garonne, selon laquelle il serait revenu en France dès 1990 à la suite de l'exécution le 22 février 1988 de l'arrêté d'expulsion. Il ne ressort des pièces du dossier, qui sont sur ce point peu précises, ni que les pathologies dont M. B... souffre nécessiteraient une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences graves ni qu'elles ne pourraient être soignées en Algérie. Enfin, la nécessité de la présence de M. B... auprès de sa fille malade n'est pas établie.

7. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 9 août 2022 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations pour annuler l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... et, par voie de conséquence, l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 9 août 2022. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'appel dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte, d'une manière qui n'est pas stéréotypée, l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté du 9 août 2022, que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. B... avant de prendre la décision contestée.

11. En troisième lieu, il ressort des dispositions des articles L. 613-1 à L. 613-8 et L. 614-1 à L. 614-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédures administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, notamment celles des articles L. 121-1 et L. 122-1, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du code des relations entre le public et l'administration, relative à la procédure contradictoire préalable, doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

13. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction d'y retourner, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur les mesures envisagées avant qu'elles n'interviennent. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne relative à la violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, rappelée notamment au point 38 de la décision C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments dont M. B... aurait entendu faire état préalablement auraient pu influer sur le contenu des décisions prises par le préfet de la Haute-Garonne, notamment la décision portant obligation de quitter le territoire français.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Pour les motifs précédemment mentionnés au point 5, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet de la Haute-Garonne a estimé que M. B... présentait une menace pour l'ordre public et s'est fondé sur ces dispositions pour l'obliger à quitter le territoire français.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

17. Il est constant que M. B... a résidé en Algérie à compter du mois de février 1988 pendant une durée d'au moins deux ans. Il n'a donc pas résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. En outre, il n'est pas contesté que le titre de séjour dont M. B... était titulaire a expiré en 2019 et il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des démarches entreprises, que l'intéressé en aurait demandé le renouvellement avant la fin de sa validité. Il n'est donc pas fondé à soutenir qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans. Au surplus, les enfants français de M. B..., nés en 1988 et en 1994, sont majeurs à la date de la décision contestée. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge des pathologies dont souffre M. B... pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui, ni d'ailleurs qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine.

18. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des 2°, 3°, 5° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. En tout état de cause, le moyen selon lequel, dès lors que M. B... serait protégé et ne pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application de ces dispositions de l'article L. 611-3, sa situation devrait être examinée dans un " cadre (...) ministériel après passage devant la commission dédiée " n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé.

19. En septième lieu, pour les motifs précédemment mentionnés, en particulier aux points 5, 6 et 17, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision n'accordant pas de délai de départ volontaire :

20. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet ".

21. En premier lieu, la décision n'accordant pas de délai de départ volontaire comporte, d'une manière qui n'est pas stéréotypée, l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.

22. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés au point 11, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision ne lui accordant de délai de départ pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable.

22. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments dont M. B... aurait entendu faire état préalablement auraient pu influer sur le contenu des décisions prises par le préfet de la Haute-Garonne, notamment la décision ne lui accordant pas de délai de départ volontaire. Pour les motifs précédemment indiqués aux points 12 et 13, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

23. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de la décision contestée, que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. B... avant de refuser tout délai de départ pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.

24. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait estimé qu'il était en situation de compétence liée pour refuser le délai de départ volontaire.

25. En sixième lieu, eu égard à la menace pour l'ordre public que représente M. B..., la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ne méconnaît pas les dispositions précédemment citées de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

26. En dernier lieu, M. B..., qui est en détention à la date de la décision contestée, ne fait état d'aucun élément précis à l'appui de son moyen selon lequel le refus de lui accorder un délai de départ volontaire pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui. Ce moyen doit donc être écarté.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour :

27. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

28. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour pour une durée de trois ans comporte, d'une manière qui n'est stéréotypée, l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Notamment, le préfet de la Haute-Garonne indique dans l'arrêté contesté qu'une interdiction de retour pour une durée de trois ans est justifiée dès lors que le comportement de M. B... trouble l'ordre public, la durée de la présence en France est due notamment à la longueur de la période en détention, les liens avec sa famille ne sont pas établis et il est revenu en France nonobstant une mesure d'expulsion prise à son encontre. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation doit donc être écarté. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de cette motivation, que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. B... avant de prendre la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

29. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés au point 11, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la procédure contradictoire préalable.

30. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments dont M. B... aurait entendu faire état préalablement auraient pu influer sur le contenu des décisions prises par le préfet de la Haute-Garonne, notamment la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français. Pour les motifs précédemment indiqués aux points 12 et 13, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

31. En quatrième lieu, eu égard aux conditions du séjour en France de M. B... précédemment rappelées en particulier aux points 5 et 6, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas disproportionnée et ne méconnaît donc pas les dispositions précédemment citées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

32. En dernier lieu, pour les mêmes motifs, d'une part, la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de la vie privée et familiale et, d'autre part, cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

33. En premier lieu, la décision fixant le pays de renvoi comporte, d'une manière qui n'est pas stéréotypée, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet de la Haute-Garonne a notamment mentionné, dans l'arrêté contesté, la nationalité de M. B... ainsi que l'absence de tout risque d'être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation doit donc être écarté.

34. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation précédemment rappelée, que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen de la réalité des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que M. B... pourrait encourir en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de l'absence d'examen préalable particulier de la situation de M. B... avant de prendre la décision contestée doit donc être écarté.

35. En dernier lieu, et en tout état de cause, M. B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il encourrait personnellement des risques de subir des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.

36. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 9 août 2022 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil.

Sur la requête n° 22TL22053 :

37. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2204759 du 9 août 2022, les conclusions de la requête n° 22TL21853 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 16 août 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22TL22053.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

Le président-rapporteur,

A. A...L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL22052, 22TL22053 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22052
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CAMBON;CAMBON;CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-30;22tl22052 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award