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23/03/2023 | FRANCE | N°22TL20988

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 23 mars 2023, 22TL20988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le maire de Milhaud a refusé de lui délivrer un permis de construire pour édifier une maison d'habitation avec garage et piscine sur un terrain situé 10 rue du château d'eau, cadastré section ....

Par un jugement n° 2000414 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté et a mis à la charge de la commune de Milhaud une somme de 1 200 euros à verser à M. A..

. en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le maire de Milhaud a refusé de lui délivrer un permis de construire pour édifier une maison d'habitation avec garage et piscine sur un terrain situé 10 rue du château d'eau, cadastré section ....

Par un jugement n° 2000414 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté et a mis à la charge de la commune de Milhaud une somme de 1 200 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 9 avril 2022 sous le n° 22TL20988, et un mémoire en réplique enregistré le 27 juillet 2022, la commune de Milhaud, représentée par la SCP GMC Avocats Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le caractère urbanisé de la zone au regard des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, alors que le terrain d'assiette du projet est inclus dans la bande de 100 mètres de part et d'autre de l'autoroute A9 et que le projet ne relève pas des exceptions prévues aux articles L. 111-7 et L. 111-8 du même code ;

- l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Nîmes le 19 juin 2019 concernant l'illicéité de la construction s'impose à l'administration et à la juridiction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, M. B... A..., représenté par la SCP Verbateam Montpellier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Milhaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le projet se situant au sein d'une partie urbanisée de la commune, l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme est inopérant ;

- l'autorité de la chose jugée au pénal manque en droit dès lors que le jugement correctionnel du 19 juin 2019 n'est pas définitif en raison de l'appel formé à son encontre ; l'autorité de chose jugée susceptible de s'attacher à ce jugement ne concernerait que la matérialité des faits constatés et non leur qualification juridique.

Par ordonnance du 27 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2022.

II. Par une requête enregistrée le 9 avril 2022 sous le n° 22TL20990, et un mémoire en réplique enregistré le 27 juillet 2022, la commune de Milhaud, représentée par la SCP GMC Avocats Associés, demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 8 février 2022 du tribunal administratif de Nîmes

Elle soutient que :

- les conditions du sursis à exécution sont réunies ;

- elle soulève les mêmes moyens que dans la requête n° 22TL20988.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2022, M. B... A..., représenté par la SCP Verbateam Montpellier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Milhaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conséquences difficilement réparables tenant à l'exécution du jugement ne sont pas démontrées ;

- la demande ne repose sur aucun moyen sérieux.

Par ordonnances du 27 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Goujon, représentant la commune de Milhaud ;

- et les observations de Me Rémy représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 décembre 2021, le maire de Milhaud a refusé de délivrer à M. A... un permis de construire pour édifier une maison d'habitation avec garage et piscine sur un terrain situé 10 rue du château d'eau, cadastré ..., en zone UC du plan local d'urbanisme de la commune au motif que le projet se situe dans la bande inconstructible de 100 mètres de part et d'autre de l'autoroute A9 prévue à l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme. Par un jugement n° 2000414 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté. Par la requête n° 22TL20988, la commune de Milhaud relève appel de ce jugement du 8 février 2022 du tribunal administratif de Nîmes. Par la requête n° 22TL20990, ladite commune demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Les requêtes susvisées sont présentées par la même partie appelante et sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22TL20988 :

2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière (...) ". Le caractère urbanisé d'un espace au sens de ces dispositions doit s'apprécier objectivement, indépendamment des règles d'urbanisme qui s'y appliquent.

3. En l'espèce, il est constant que le terrain d'assiette du projet se situe en bordure de l'autoroute A9 et que la construction projetée par le pétitionnaire doit s'implanter à moins de cent mètres de l'axe de cette voie de circulation. Toutefois, il résulte de ces dispositions que l'interdiction qu'elles fixent ne s'applique qu'aux constructions ou installations projetées " en dehors des espaces urbanisés " de la commune, c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Si le terrain d'assiette, situé en zone UC de l'agglomération, est située dans sa longueur ouest le long de l'autoroute et bordé au nord par des parcelles dépourvues de construction, il ressort des pièces du dossier que cette même parcelle est enserrée au sud par une construction située à proximité immédiate et à l'est, à moins de cent mètres, sans rupture d'urbanisation, par un groupe de parcelles supportant des dizaines de maisons d'habitations et jalonnant l'axe de l'autoroute, lesquelles sont intégrées dans un espace plus large, dont elle constituent la limite, entièrement urbanisé. En outre, le terrain dont s'agit est desservi à la date de l'arrêté en litige par l'ensemble des réseaux d'eau potable d'assainissement et d'électricité. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la commune appelante, le terrain d'assiette en cause doit être regardé comme inclus dans un espace urbanisé de la commune au sens de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme. Dès lors, l'article L. 111-6 ne trouvant pas à s'appliquer, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le maire de Milhaud ne pouvait pas se fonder sur ces dispositions pour refuser le permis de construire en litige. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

4. Par ailleurs, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose aux autorités et juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions. Toutefois, il en va autrement lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale. Dans cette hypothèse, l'autorité de la chose jugée s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

5. Si la commune appelante se prévaut de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 19 juin 2019 par lequel le tribunal correctionnel de Nîmes a condamné M. A... pour des faits d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et pour infraction aux dispositions de plan local d'urbanisme s'agissant d'une parcelle se situant dans la marge de recul inconstructible de 100 mètres, il ne ressort pas des extraits tronqués de ce jugement produit par l'appelante que le tribunal correctionnel ait porté une appréciation juridique des faits au regard des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme. Ainsi, alors que l'arrêté de refus de permis de construire en litige ne se fonde pas sur des faits constitutifs de l'infraction pénale constatée par le jugement correctionnel, la commune de Milhaud ne saurait utilement faire valoir que s'impose tant à l'administration qu'à la cour la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal dans son jugement du 19 juin 2019. En outre, il est constant que ce jugement correctionnel a fait l'objet d'un appel interjeté par M. A... et n'est pas devenu définitif. Par suite, le moyen tiré de l'exception de l'autorité de la chose jugée au pénal doit être écarté.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Milhaud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 5 décembre 2019.

Sur la requête n° 22TL20990 :

7. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la commune appelante tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer

Sur les frais liés aux litiges :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Milhaud au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Milhaud la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des frais qu'il a engagés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 22TL00988 de la commune de Milhaud est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée par la commune de Milhaud dans la requête n° 22TL20990.

Article 3 : La commune de Milhaud versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié la commune de Milhaud et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

Le greffier,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 22TL20988, 22TL20990 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20988
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : GMC AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-23;22tl20988 ?
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