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23/03/2023 | FRANCE | N°22TL00505

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 23 mars 2023, 22TL00505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 18 juin 2019 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 1905723 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2022 sous le n° 22MA00505 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00505 au g

reffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire en réplique enregistré le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 18 juin 2019 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 1905723 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2022 sous le n° 22MA00505 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00505 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire en réplique enregistré le 5 août 2022, M. A... B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de l'Hérault du 18 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de résident dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que, compte tenu de son état de santé, le motif de refus opposé par le préfet de l'Hérault, tiré de ce qu'il n'a pas le niveau requis de maîtrise de la langue française, est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des dispositions du b) du 5° de l'article R. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 novembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Par une ordonnance du 8 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jazeron, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 31 décembre 1956 à Memandar (ancienne Union des républiques socialistes soviétiques), de nationalité indéterminée, est entré en France de manière irrégulière le 31 octobre 2007. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée le 12 septembre 2008, mais l'intéressé a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour pour raisons médicales à compter du 28 janvier 2019, puis de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à partir du 26 juin 2013. Son dernier titre de séjour expirant le 20 juin 2019, M. B... a sollicité, le 7 mars précédent, la délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans. Par une décision prise le 18 juin 2019, le préfet de l'Hérault lui a opposé un refus, tout en lui indiquant qu'il lui serait à nouveau délivré une carte de séjour pluriannuelle. Par la présente requête, l'intéressé interjette appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du 18 juin 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionne, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : / 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. (...) La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés (...) ; / 3° D'une assurance maladie. / (...) ". Au termes de l'article R. 314-1 du même code : " Pour l'application des dispositions des articles L. 314-8, L. 314-8-1, L. 314-8-2 et L. 314-9, l'étranger présente à l'appui de sa demande de carte de résident ou de carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ", outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : / (...) / 5° Pour l'appréciation de la condition d'intégration prévue à l'article L. 314-2 : / a) Une déclaration sur l'honneur par laquelle il s'engage à respecter les principes qui régissent la République française ; / b) Les diplômes ou certifications permettant d'attester de sa maitrise du français à un niveau égal ou supérieur au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l'Europe tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/Rec (2008) 7 du 2 juillet 2008, dont la liste est définie par un arrêté du ministre chargé de l'accueil et de l'intégration ; les personnes dont l'état de santé rend impossible le passage d'un test linguistique, en raison soit d'un handicap, soit d'un état de santé déficient chronique, peuvent être dispensées de la production de ces diplômes ou certifications, sur présentation d'un certificat médical attestant de cette impossibilité, et conforme au modèle fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'accueil et de l'intégration et des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées. ".

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité une carte de résident le 7 mars 2019 en indiquant, d'une part, qu'il bénéficiait de l'allocation aux adultes handicapés, ce qui le dispensait du respect de la condition de ressources prévue par le 2° de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, qu'il avait subi une laryngectomie totale ainsi qu'une trachéotomie à la suite d'une tumeur néoplasique laryngée, de sorte qu'il ne pouvait plus parler distinctement et que son état de santé justifiait également, selon lui, une dispense du test de connaissance de la langue française imposé par le b) du 5° de l'article R. 314-1 précité. Le certificat médical produit par le requérant à l'appui de sa demande, établi par un spécialiste hospitalier le 6 mars 2019, confirmait son état de handicap et précisait qu'il présentait une " aphonie complète ". Si, par lettre du 2 mai 2019, les services préfectoraux ont demandé à M. B... de produire un " justificatif de la dispense du niveau A2 ", les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sollicités par le requérant à cet effet, lui ont répondu de telle sorte qu'il a pu légitimement comprendre qu'il n'était pas concerné par l'exigence de production d'un certificat médical conforme au modèle fixé par arrêté interministériel. En tout état de cause, l'intéressé a obtenu, le 16 mai 2019, un nouveau certificat médical établi par le même spécialiste hospitalier, selon lequel " ce patient laryngectomisé ne peut pas s'exprimer par voie orale, ce qui l'empêche de passer le niveau A2 en langue française ". Dans les circonstances ainsi rappelées, le préfet de l'Hérault ne pouvait pas légalement se borner à rejeter la demande de carte de résident de M. B... au motif qu'il n'avait " pas atteint le niveau A2 requis ", sans prendre en considération sa situation particulière au regard de son handicap. Par suite, l'appelant est fondé à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées du b) du 5° de l'article R. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement litigieux, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif retenu pour annuler la décision en litige et alors qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que M. B... remplit les autres conditions prévues par l'article R. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'une carte de résident, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Hérault octroie un tel titre de séjour à l'intéressé. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de résident à M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... n'ayant pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de la procédure d'appel, son avocat ne peut utilement se prévaloir des dispositions du second alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, la demande présentée par Me Ruffel sur le fondement de ces dispositions ne peut qu'être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juin 2021 est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de l'Hérault du 18 juin 2019 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de résident à M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de l'Hérault et à Me Ruffel.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00505
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-23;22tl00505 ?
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