La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2023 | FRANCE | N°22TL00201

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 23 mars 2023, 22TL00201


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes enregistrées au greffe du tribunal administratif de Montpellier sous les nos 2005187 et 2005239, M. A... B... a demandé l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le maire d'Osséja a refusé de lui délivrer un permis de construire portant sur la construction de six maisons d'habitation jumelées.

Par jugement nos 2005187, 2005239 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes ainsi que les conclusions présentées par la commune d'Os

séja sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes enregistrées au greffe du tribunal administratif de Montpellier sous les nos 2005187 et 2005239, M. A... B... a demandé l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le maire d'Osséja a refusé de lui délivrer un permis de construire portant sur la construction de six maisons d'habitation jumelées.

Par jugement nos 2005187, 2005239 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes ainsi que les conclusions présentées par la commune d'Osséja sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2022 sous le n° 22MA00201 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00201 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire en réplique enregistré le 13 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Barrionuevo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Osséja du 15 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au maire d'Osséja de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Osséja le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du caractère prétendument naturel des parcelles constituant le terrain d'assiette du projet ;

- le classement des parcelles litigieuses en zone naturelle par le plan local d'urbanisme intercommunal est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le terrain ne revêt pas un caractère naturel ou boisé, qu'il ne présente pas une sensibilité environnementale, qu'il ne supporte pas une zone humide et qu'il est desservi par l'ensemble des réseaux ;

- le classement de ces parcelles en zone naturelle n'est pas cohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables portant sur la préservation des espaces naturels et sur la réduction de la consommation d'espace ;

- le plan local d'urbanisme intercommunal méconnaît le principe de continuité prévu par les articles L. 122-5 et suivants du code de l'urbanisme dès lors que les parcelles en litige se situent en continuité de l'urbanisation existante alors que le classement des parcelles voisines en zone urbaine conduit à autoriser une urbanisation en discontinuité ;

- l'illégalité des dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal applicables aux parcelles litigieuses doit entraîner l'application de celles de l'ancien plan d'occupation des sols ; le projet objet de la demande de permis est conforme aux prescriptions du règlement de ce plan applicable à la zone UC dans laquelle se situent lesdites parcelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, la commune d'Osséja, représentée par la SCP HGetC avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Barrionuevo, représentant M. B...,

- et les observations de Me Alzeari, représentant la commune d'Osséja.

Une note en délibéré produite pour M. B..., représenté par Me Barrinuevo, a été enregistrée le 10 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a sollicité, le 12 avril 2019, un permis de construire en vue de la réalisation de six maisons d'habitation jumelées sur les parcelles cadastrées ..., situées route de Poujals, lieu-dit " La Redoute ", sur le territoire de la commune d'Osséja (Pyrénées-Orientales). Par un arrêté du 4 septembre 2019, le maire d'Osséja a opposé un sursis à statuer sur cette demande pour une durée de deux ans, sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, au motif que le projet serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du plan local d'urbanisme intercommunal valant schéma de cohérence territoriale alors en cours d'élaboration par la communauté de communes Pyrénées-Cerdagne. L'organe délibérant de cet établissement public de coopération intercommunale ayant approuvé le plan local d'urbanisme le 19 décembre 2019, M. B... a renouvelé sa demande de permis de construire le 27 août 2020. Par un arrêté du 15 septembre 2020, le maire d'Osséja lui a opposé un refus au motif qu'un tel projet n'était pas autorisé par le règlement de la zone naturelle du plan local d'urbanisme dans laquelle se situent ses parcelles. Par la présente requête, M. B... interjette appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement contesté que le tribunal administratif a exposé avec une précision suffisante, au point 8 de ce jugement, les raisons pour lesquelles il a estimé que les parcelles du requérant présentaient un caractère naturel. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que ledit jugement serait entaché d'une insuffisance de motivation sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Si un permis de construire ne constitue pas un acte d'application de la réglementation d'urbanisme en vigueur et si, par suite, un requérant demandant son annulation ne saurait utilement se borner à soutenir, pour l'obtenir, qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, mais doit faire valoir, en outre, que ce permis méconnaît les dispositions d'urbanisme pertinentes remises en vigueur en application de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, cette règle ne s'applique pas au refus de permis de construire, lorsqu'il trouve son fondement dans un document d'urbanisme. Dans ce cas, ainsi que le prévoit le dernier alinéa de l'article L. 600-12-1, l'annulation ou l'illégalité de ce document d'urbanisme entraîne l'annulation du refus de permis pris sur son fondement, sauf au juge à procéder, le cas échéant, à une substitution de base légale ou de motifs dans les conditions de droit commun.

4. En premier lieu, selon l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Aux termes de l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques d'expansion des crues. ".

5. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des secteurs, par les modalités existantes d'occupation ou d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Ils peuvent notamment être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés ci-dessus, un secteur qu'ils veulent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation peut être censurée par le juge lorsqu'elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ou lorsqu'elle se trouve entachée d'une erreur manifeste.

6. D'une part, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal couvrant le territoire de la commune d'Osséja, approuvé par l'organe délibérant de la communauté de communes Pyrénées-Cerdagne le 19 décembre 2019, se donne notamment pour objectif de réduire la consommation d'espace en reclassant une partie des anciennes zones à urbaniser en zone agricole ou naturelle et de préserver le patrimoine naturel, paysager et végétal local ainsi que les continuités écologiques. Le parti d'aménagement retenu par les auteurs du plan local d'urbanisme a consisté à limiter l'étalement urbain pour diminuer la consommation d'espace d'au moins 20 % par rapport à la période antérieure. Le rapport de présentation précise en particulier qu'une superficie totale de 312,32 hectares de zones anciennement constructibles a été reclassée en zone agricole ou naturelle sur l'ensemble du territoire couvert par le plan local d'urbanisme intercommunal, dont 6,37 hectares sur le seul territoire de la commune d'Osséja. Dans son volet relatif à l'évaluation environnementale, le rapport de présentation mentionne que la communauté de communes s'est attachée à préserver les milieux boisés en les intégrant en zone naturelle ou en les identifiant comme éléments de patrimoine naturel à protéger au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme.

7. D'autre part, le règlement graphique du plan local d'urbanisme intercommunal a intégré les parcelles de M. B..., précédemment classées en zone constructible par le plan d'occupation des sols communal, au sein d'un ensemble plus étendu incluant trois autres parcelles contigües, lequel est classé en zone naturelle et se trouve bordé, sur trois de ses côtés, par des éléments identifiés au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme en raison de motifs écologiques. Il ressort des pièces du dossier et notamment des vues aériennes produites par les parties que les terrains du requérant ne sont pas bâtis et qu'ils sont recouverts par des boisements sur une portion significative de leur surface. Ils se trouvent à l'extrémité nord-est de la partie agglomérée de la commune d'Osséja et ne sont séparés du vaste secteur naturel et boisé situé au nord du territoire communal que par trois parcelles peu densément bâties. Il ressort au surplus de l'évaluation environnementale que lesdits terrains sont susceptibles de contribuer à la restauration des continuités écologiques pour certaines espèces animales protégées. Enfin, s'il n'est pas contesté que les parcelles litigieuses sont desservies par la voirie publique et qu'elles pourraient être raccordées aux réseaux, l'avis émis par la société Enedis le 16 mai 2019 souligne néanmoins que le projet du requérant nécessiterait une extension du réseau public d'électricité sur une longueur de 370 mètres ainsi que la création d'un poste de transformation.

8. Eu égard à l'ensemble des éléments développés aux deux points précédents, le classement des parcelles de M. B... en zone naturelle n'est pas incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables et n'est entaché ni d'une erreur de droit au regard de l'article R. 151-24 cité au point 4, ni d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme applicable sur le territoire de la commune d'Osséja située en secteur de montagne : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ".

10. D'une part, les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer aux auteurs des documents locaux d'urbanisme de classer en zone constructible l'ensemble des terrains se trouvant en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. Par suite, alors même que les parcelles de M. B... jouxtent quelques terrains bâtis, notamment sur leurs côtés nord et ouest, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées pour remettre en cause le bien-fondé du classement de ses terrains en zone naturelle.

11. D'autre part, si le requérant relève que les auteurs du plan local d'urbanisme ont institué un compartiment classé en zone urbaine UB à l'est de ses parcelles, lequel permettrait selon lui une urbanisation discontinue, il ne peut toutefois utilement critiquer la pertinence du zonage des parcelles voisines au soutien de sa contestation du refus de permis de construire en litige, lequel se fonde exclusivement sur les règles applicables à son propre terrain. Dès lors, le moyen invoqué par l'intéressé en ce sens ne peut qu'être écarté comme inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'établit pas l'illégalité des prescriptions du plan local d'urbanisme intercommunal de Pyrénées-Cerdagne sur lesquelles le maire d'Osséja s'est fondé pour refuser de lui délivrer le permis de construire. En conséquence, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ce refus.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique aucune mesure d'exécution particulière au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la commune d'Osséja, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Osséja au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera une somme de 1 500 euros à la commune d'Osséja sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Osséja.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00201
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire. - Légalité au regard de la réglementation locale.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-23;22tl00201 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award