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21/03/2023 | FRANCE | N°21TL00765

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 21 mars 2023, 21TL00765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Hérault de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Occitanie a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1903741 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 23 février et le 10 mars 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Hérault de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Occitanie a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1903741 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février et le 10 mars 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Rudnicki, demande :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 13 mai 2019 autorisant son licenciement pour inaptitude ;

3°) de mettre à la charge de la société DPD France la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision a été adoptée par une autorité administrative territorialement incompétente; en effet, le siège du comité d'établissement, au sein duquel il exerce le mandat de membre suppléant, est à Nîmes ce qui emporte la compétence du l'inspecteur du travail du Gard ;

- le principe du contradictoire, qui implique que le salarié ait pu prendre connaissance de l'ensemble des pièces accompagnant la demande de licenciement de son employeur ainsi que des éléments déterminants recueillis par l'inspecteur au cours de l'enquête qui sont de nature à établir la matérialité des faits, a été méconnu ; ainsi, l'inspectrice du travail ne lui a pas communiqué l'ensemble des pièces jointes à la demande de licenciement et elle s'est fondée sur des informations communiquées par l'employeur au cours de son instruction qui ne lui ont jamais été transmises ni évoquées avec lui ;

- la société DPD a manqué à son obligation de le reclasser ; elle s'est bornée à envoyer le 11 septembre 2017 un simple courriel type à l'ensemble des entreprises du groupe, s'est contentée de produire 20 réponses sur 51 destinataires et ne démontre pas avoir reçu l'ensemble des réponses des agences et entreprises du groupe avant l'engagement de la procédure de licenciement ; la seconde vague d'envoi, en janvier 2019, d'un courriel aux entreprises du groupe, n'est intervenue que postérieurement à la demande d'autorisation de licenciement, et seules 23 réponses sur 49 demandes sont produites ; des possibilités de reclassement ne lui ont jamais été proposées ; il existait ainsi un poste disponible au sein du service après-vente de l'agence DPF France de Mauguio pour lequel, contrairement à ce que soutient son employeur, il justifiait des compétences requises ; en l'absence de volonté de son employeur de réaliser un véritable bilan de compétence, il a fait réaliser, à ses frais, un tel bilan qui démontre qu'il peut se diriger sur un poste de responsable d'exploitation et vers une valorisation des acquis de l'expérience de niveau BAC+2 dans le secteur des transports et de la logistique ;

- la décision de licenciement est en lien direct avec des obstacles mis par son employeur avec ses fonctions représentatives ; ses conditions de travail se sont durcies à partir de son élection en qualité de délégué du personnel ; il a de plus subi des mesures discriminatoires liées à l'exercice de son mandat ; il existe un lien entre la dégradation de ses conditions de travail ayant entraîné une dégradation de son état de santé et le mandat qu'il exerçait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2021, la société DPD France, représentée par Me Navarro et Me Houlès, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- en application de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2018, l'inspecteur du travail compétent pour connaître de la demande d'autorisation de licenciement du salarié protégé est celui dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé, entendu comme son lieu de travail principal ; dès lors que M. B... était employé au sein de son établissement situé à Mauguio, l'unité départementale de l'Hérault était bien l'autorité territorialement compétente pour autoriser le licenciement de ce salarié ;

- la procédure suivie dans le cadre de l'enquête contradictoire n'est entachée d'aucune violation du contradictoire ; d'une part, M. B... a eu connaissance des pièces jugées à caractère confidentiel par l'inspectrice du travail puisqu'elles étaient recensées au courrier de demande d'autorisation de licenciement du 7 mars 2019 et qu'elles ont été discutées par ce dernier dans le mémoire qu'il a produit au cours de l'enquête contradictoire ; d'autre part, les éléments relatifs à la mise en place par l'entreprise du projet Castor en 2017 et aux nouveaux outils de gestion de relation clients étaient mentionnés dans la demande d'autorisation de licenciement du 7 mars 2019 ;

- elle a procédé à des recherches de reclassement au sein de la société DPD France et du groupe mais aucun poste disponible ne correspond au niveau de diplôme et de compétence professionnelle de M. B... et/ou à son aptitude résiduelle ; le poste d'employé service client au sein de l'agence DPD France de Mauguio, qui supposerait une formation totalement différente de la sienne, ne pouvait lui être proposé au titre du reclassement dès lors qu'il ne disposait pas des compétences requises pour les exercer et que son expérience au sein de la société ou à l'extérieur relevait d'une qualification radicalement différente ; M. B... n'a exercé, depuis son embauche en 2003, que les seules fonctions de chauffeur-livreur-polyvalent, sa polyvalence ne concernant que les tâches de manutention ;

- la demande d'autorisation de licenciement de M. B... repose sur le motif purement objectif de son inaptitude médicale, constatée par la médecine du travail et n'a aucun lien avec son mandat.

Par une ordonnance du 6 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique

-et les observations de Me Altit-Amar substituant l'AARPI Gide Loyrette Nouel, représentant la société DPD France.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté le 2 juillet 2003 en qualité de chauffeur puis de chauffeur-livreur polyvalent par la société Exapaq, devenue DPD France, société filiale de La Poste avec pour activité le transport de fret de proximité. M. B... a été investi des mandats de délégué du personnel titulaire du 20 février 2014 au 21 juin 2018, de délégué syndical à compter du 11 décembre 2014 puis, le 5 juillet 2018, du mandat de représentant de proximité du centre situé à Mauguio (Hérault). Le 28 janvier 2015, M. B... a été victime d'un accident du travail provoquant une lombosciatalgie invalidante. Déclaré inapte temporairement puis définitivement avec impossibilité de reclassement à tout poste, y compris un poste administratif dans l'entreprise, lors de la visite de reprise du travail par le médecin du travail le 6 janvier 2017, il a toutefois été reconnu par ce médecin du travail, le 17 juillet 2017, apte à un poste administratif au sein de l'entreprise ou du groupe, sous réserve de ses compétences professionnelles et d'une " surveillance individuelle adaptée " compte tenu des séquelles de l'accident du travail, et définitivement inapte aux fonctions de chauffeur-livreur polyvalent et de manutentionnaire. Deux procédures de licenciement pour inaptitude physique ont été successivement engagées par l'employeur le 11 janvier 2017 puis le 25 octobre 2017 au vu de ces avis émis par le médecin du travail. Par un jugement n° 1800772-1804956 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 11 janvier 2018 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard refusant l'autorisation de procéder au licenciement pour inaptitude médicale de M. B... en raison de l'incompétence de cette autorité administrative et celle du 14 août 2018 de la ministre du travail. Par un arrêt n° 19MA02800 du 5 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé ce jugement. Après une nouvelle enquête contradictoire menée le 16 avril 2019, l'inspectrice de l'unité départementale de l'Hérault a accordé le 13 mai 2019 à la société DPD France l'autorisation de licencier M. B... pour inaptitude professionnelle. Ce dernier relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2019.

Sur les conclusions en annulation de la décision du 13 mai 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, d'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Il en résulte que la compétence de l'inspecteur du travail doit également s'apprécier à cette date.

3. D'autre part, l'annulation par le juge administratif d'un refus d'autorisation impose à l'administration de statuer à nouveau sur la demande même hors démarche du pétitionnaire. À cet égard, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'une décision juridictionnelle annulant un refus d'autorisation et devenu définitive ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, l'autorisation sollicitée soit à nouveau refusée par l'autorité administrative ou que l'autorisation accordée soit annulée par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par la décision juridictionnelle devenue définitive.

4. Enfin, aux termes de l'article R. 2421-du code du travail, dans sa version applicable à la date de la convocation à l'entretien préalable au licenciement : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté ou d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel est employé l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-10 de ce code, dans sa version applicable à cette même date, soit antérieurement au 1er janvier 2018 : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. (...) ". Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à cette même date : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement. / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où le salarié est affecté ou rattaché. À défaut, l'inspecteur du travail compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise qui emploie le salarié protégé, même lorsque cette entreprise appartient à un groupe.

5. Aux termes de l'article 11 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : " Les dispositions (...) de l'article L. 2421-3 (...), dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, relatives à la protection des salariés détenant ou ayant détenu des mandats de représentation du personnel, ainsi qu'aux salariés s'étant portés candidats à de tels mandats, restent applicables lorsqu'ont été mises en place, au plus tard le 31 décembre 2017, une ou plusieurs des institutions représentatives du personnel concernées par les dispositions précitées ". / Dans ce cas, les dispositions prévues aux 2°, 3° et 6° de l'article L. 2422-1 et à l'article L. 2422-2, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, restent applicables ". En vertu de cet article, les dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2018 restent applicables aux délégués du personnels, membres du comité d'entreprise, représentant syndical du comité d'entreprise ou représentant des salariés au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lorsque ces institutions représentatives du personnel ont été mises en place au plus tard au 31 décembre 2017.

6. Par l'effet de l'annulation contentieuse définitive de la décision du 11 janvier 2018 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard refusant l'autorisation de procéder au licenciement pour inaptitude médicale de M. B..., l'administration était de nouveau saisie de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société DPD et devait apprécier, si, à la date de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, M. B... bénéficiait d'une protection attachée à ses mandats qui l'habilitait à se prononcer sur cette demande. Ainsi, la compétence tant matérielle que territoriale de l'inspecteur du travail doit, en l'espèce, être déterminée non pas en fonction des dispositions applicables au jour de la décision de l'inspecteur du travail en litige du 13 mai 2019 mais de celles en vigueur à la date de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, soit au 25 octobre 2017. À cette date, M. B... était encore délégué du personnel, mandat entrant dans le champ des institutions représentatives du personnel soumises aux dispositions transitoires de l'ordonnance du 22 septembre 2017. Dans la mesure où la délégation du personnel avait été mise en place avant le 31 décembre 2017, il devait être fait application des dispositions combinées des articles L. 2421-3 et R. 2421-10 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 septembre 2017.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'établissement de Mauguio qui employait M. B... disposait d'une délégation unique du personnel, que le chef d'agence de cet établissement a initié et mené la procédure de licenciement de l'intéressé et que le comité d'établissement de Mauguio a été consulté le 10 novembre 2017 et s'est prononcé le 16 novembre 2017 sur la mesure de licenciement qui était envisagée. Dans ces conditions, l'établissement de Mauguio qui disposait d'une autonomie de gestion suffisante, doit être regardé comme employant M. B.... L'établissement de Mauguio dépendant de l'unité territoriale de l'Hérault, l'inspecteur du travail de cette unité était territorialement compétent pour se prononcer sur la demande de licenciement de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, ne peut qu'être écarté.

8. En second lieu, en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire.

9. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Il implique également de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir. Il n'impose pas à l'administration toutefois de communiquer, de sa propre initiative ou dans tous les cas, l'ensemble de ces pièces et éléments à l'employeur et au salarié.

10. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 décembre 2018 annulant la décision du 21 avril 2017 refusant l'autorisation du licencier M. B... pour inaptitude professionnelle, l'administration, saisie à nouveau de la demande, a diligenté une enquête contradictoire qui a débuté le 16 avril 2019.

11. Pour considérer que la société DPD avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement, l'inspectrice du travail relève, notamment, dans sa décision du 13 mai 2019 que le service client au sein duquel M. B... souhaitait occuper un poste d'employé, a subi une réorganisation depuis la mise en place du projet Castor et a intégré de nouveaux outils de gestion et que les intérimaires présentes sur ce poste depuis avril 2018 sont diplômées ou/et ont une expérience professionnelle de plusieurs années en relation clientèle.

12. Dès lors que dans les développements de sa demande d'autorisation de licenciement du 7 mars 2019, la société DPD fait expressément état de la réorganisation du service client dans le cadre d'un projet dénommé Castor, afin notamment de mettre en place de nouveaux outils de la gestion de relation client et de renforcer la professionnalisation et l'expertise des équipes dédiées, il n'incombait pas à l'administration de porter à nouveau à la connaissance de M. B... ces éléments déjà contenus dans la demande qui lui avait été communiquée. En outre, les pièces présentant un caractère confidentiel qui n'ont pas été transmises à M. B... par l'inspectrice du travail, ont néanmoins été discutées par ce dernier dans le mémoire qu'il a produit au cours de l'enquête contradictoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article L. 1226-12 de ce code : " (...) L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...) ".

14. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Lorsqu'après son constat d'inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s'il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l'employeur.

15. La recherche de reclassement doit se faire prioritairement dans l'établissement, puis dans l'entreprise, avant de se faire dans le groupe et les possibilités de reclassement doivent être appréciées par l'inspecteur du travail à compter du moment où le licenciement est envisagé jusqu'à la date d'autorisation du licenciement.

16. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la déclaration d'inaptitude définitive de M. B... à tout poste, établie par le médecin du travail le 6 janvier 2017, la société DPD a sollicité ce médecin, le 19 mai 2017, afin d'obtenir des préconisations quant aux éventuels postes de reclassement ou des formations susceptibles de lui être proposées. À l'issue d'une visite médicale du 17 juillet 2017, ce médecin a déclaré M. B... apte à un poste administratif au sein de l'entreprise ou du groupe tel qu'un poste au service après-vente, sous réserve de ses compétences professionnelles.

17. La société DPD fait valoir avoir recherché des possibilités de reclassement de M. B... au sein de l'agence dans laquelle il travaillait à Mauguio ainsi que dans les autres agences DPD France et à l'intérieur du groupe auquel elle appartient. Il ressort du registre du personnel que l'agence de Mauguio, qui comporte un service après-vente regroupant des agents service client, intérimaires, au nombre de deux en 2017, trois en 2018 et deux en 2019, disposait au moins d'un poste vacant au sein de ce service en 2018 que la société DPD n'a pas proposé à M. B... au motif qu'il ne correspondait ni à son niveau de diplôme ni à son domaine de compétence. Si M. B... conteste cette appréciation de ses compétences professionnelles, il ne mentionne toutefois, dans son curriculum vitae, aucun diplôme, compétence ou expérience professionnelle en matière de gestion de clientèle, et il a, en outre, indiqué lors de la consultation des délégués du personnel du 20 octobre 2017 qu'il ne disposait pas de précédentes expériences professionnelles dans le domaine administratif. Si, enfin, dans le cadre de ses fonctions de chauffeur-livreur polyvalent, il a été amené à effectuer différentes tâches de manutention, de remplacement du chef de quai, ou de formation des chauffeurs, ainsi qu'en attestent certains employés de l'agence ou en lien avec elle, ces derniers ne mentionnent cependant aucune tâche en lien avec la gestion de clientèle. Compte tenu de ces éléments, la circonstance que la société DPD ne produise pas les comptes rendus d'entretiens d'évaluation de M. B... n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation qu'elle a pu porter sur ces compétences professionnelles à exercer le poste d'agent de service après-vente. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société DPD n'aurait pas exploré toutes les possibilités de reclassement de M. B... au sein de l'agence dans laquelle il travaillait, sur un poste répondant aux préconisations du médecin du travail et correspondant à sa qualification professionnelle.

18. Pour justifier avoir également satisfait à son obligation de recherche de reclassement de M. B... auprès de ses autres établissements et des entreprises du groupe auquel elle appartient, la société DPD se prévaut, d'une part, de trois courriels du 11 septembre 2017, 11 avril 2018 et 9 janvier 2019 adressés à ces établissements et entreprises, qui ont donné lieu à des réponses négatives de leur part, et d'autre part, à sa consultation des offres d'emplois publiées au sein de la société DPD les 23 septembre et 9 novembre 2017. Par ces courriels et en produisant une partie substantielle des réponses fournies par les sociétés consultées, elle justifie avoir interrogé l'ensemble des entreprises de son groupe. Au titre de la période de septembre 2017 au 13 mai 2019, date de la décision autorisant le licenciement de M. B... pour inaptitude physique, les démarches effectuées par la société DPD en vue de son reclassement ont été effectuées à plusieurs reprises de manière suffisamment régulière. Dès lors, la société établit avoir suffisamment exploré les possibilités de reclassement de M. B... au sein de ses autres établissements ou des sociétés de son groupe. Par suite, le moyen tiré de qu'elle n'aurait pas sérieusement recherché à reclasser M. B... ne peut qu'être écarté.

19. En dernier lieu, s'il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de l'inaptitude du salarié dont le licenciement est envisagé, elle doit, toutefois, en toutes circonstances faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale.

20. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la dégradation des conditions de travail de M. B... et les difficultés qu'il a rencontrées pour obtenir de son employeur le versement de son salaire et de ses primes, soient en relation avec l'exercice de son mandat. En outre, à supposer établie la méconnaissance générale par la société DPD des attributions des institutions représentatives du personnel, cette circonstance ne suffirait pas à elle seule à démontrer que l'appelant aurait été victime de faits de discrimination syndicale. Par suite, la demande d'autorisation de licenciement en litige doit être regardée comme étant sans lien avec le mandat détenu par l'intéressée.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 13 mai 2019 autorisant son licenciement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la société DPD France n'étant pas la partie perdante à l'instance.

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des conclusions présentées sur le même fondement par la société DPD France.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société DPD France présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société par actions simplifiée DPD France.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL00765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00765
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Motifs autres que la faute ou la situation économique - Inaptitude - maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DE RUDNICKI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-21;21tl00765 ?
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