Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2102286 du 16 août 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse s'est déclarée incompétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, les a renvoyées devant la formation collégiale du tribunal administratif de Toulouse et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2021 sous le n° 21MA04380 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL24380 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Barbot-Lafitte, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 du préfet de la Haute-Garonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation à l'indemnité accordée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la magistrate désignée ne pouvait prendre en compte une condamnation prononcée postérieurement à la date d'édiction de la décision de refus de séjour pour considérer que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en se fondant, pour lui refuser le droit au séjour, sur le fait que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est père d'un enfant français, à l'entretien et à l'éducation duquel il contribue effectivement ;
- pour les mêmes motifs, cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est père d'un enfant français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant français.
Par une décision du 21 octobre 2021, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par ordonnance du 25 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Virginie Restino, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né en juin 1996, déclare être entré en France le 28 avril 2016. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejeté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 août 2017. Le 7 août 2018, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français. Le 11 avril 2019, M. B... a sollicité son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale, en faisant valoir son mariage avec une ressortissante française le 10 mars 2018 et la naissance d'un enfant français le 23 octobre 2018. Par un arrêté en date du 5 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 16 août 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse s'est déclarée incompétente pour statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Le moyen selon lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif aurait commis une " erreur de droit " en prenant en compte une condamnation prononcée postérieurement à la date d'édiction de la décision de refus de séjour pour considérer que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public relève de la critique du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ".
4. Si l'accord franco-algérien ne subordonne pas la délivrance d'un certificat de résidence aux ressortissants algériens à l'absence de menace à l'ordre public, les stipulations de cet accord, qui ont pour seul objet de définir les conditions particulières que les intéressés doivent remplir lorsqu'ils demandent à séjourner en France, ne privent pas l'administration du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour à un ressortissant algérien en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de M. B... tendant à obtenir un certificat de résidence algérien, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur la menace pour l'ordre public que constitue le comportement de l'intéressé, lequel a été condamné le 25 août 2017 pour détention non autorisée de stupéfiants et offre ou cession non autorisée de stupéfiants et a fait l'objet de nombreux signalements : le 2 juin 2018 et le 30 octobre 2018, pour violences habituelles suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte de solidarité ; le 8 avril 2018 pour usage illicite de stupéfiants ; le 5 octobre 2018 pour des faits de violence sur une personne vulnérable sans incapacité ; le 18 février 2020 et le 14 juillet 2020 pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte de solidarité ; le 28 janvier 2021 pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et conduite d'un véhicule sans permis. L'intéressé a en outre été, le 10 mars 2021, postérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué, condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis pour les faits de violence et menaces de mort commis en récidive à l'encontre de son ex-épouse, révélant postérieurement à l'édiction de la décision de refus de séjour, une situation en cours à cette date. Eu égard à la gravité et au caractère répété des agissements illicites de M. B... entre 2017 et janvier 2018, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la Haute-Garonne a pu considérer qu'il constituait une menace pour l'ordre public. Partant, c'est sans commettre d'erreur de droit qu'il a refusé, pour ce motif, de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français en 2016 et a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans dans son pays d'origine, où il conserve des attaches familiales puisqu'y résident notamment sa mère et son frère. Par ailleurs, depuis le 14 mai 2019, l'intéressé est séparé de son épouse en vertu d'une ordonnance de non-conciliation rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse, au motif qu'il a commis des actes de violence répétés depuis leur mariage intervenu le 10 mars 2018. La seule production de deux attestations établies par son épouse, les 30 septembre 2020 et 23 novembre 2021, d'une attestation, non signée, d'une assistante maternelle indiquant que l'intéressé conduisait son enfant chez elle, et quelques photographies de l'intéressé avec son enfant ne suffisent pas à établir qu'il subvient effectivement aux besoins de ce dernier. Dans ces conditions, eu égard également aux motifs mentionnés au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Haute-Garonne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise.. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus, le refus de séjour n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure d'éloignement a été prise ni méconnu l'intérêt supérieur de son enfant. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que M. B... n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Par suite, il ne fait pas partie des étrangers protégés contre l'éloignement par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 et le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour en France :
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que, si l'intéressé a vécu près de cinq ans en France à la date de la décision critiquée et qu'il est père d'un enfant français, il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ce dernier et vit séparée de son épouse, à l'encontre de laquelle il a commis des actes de violence répétés. Par ailleurs, comme il a été exposé au point 5 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public alors qu'il a, en outre, déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement non exécutée. Ainsi, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de l'intéressé, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions aux fins d'annulation en tant qu'elles portent sur la décision de refus de séjour, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au conseil de M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., Me Caroline Barbot-Lafitte et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
La rapporteure,
V. Restino
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21TL24380