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16/03/2023 | FRANCE | N°21TL20518

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 16 mars 2023, 21TL20518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Espaces Vins a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le maire du Montat a sollicité la production de pièces complémentaires sur sa déclaration préalable de travaux déposée le 4 janvier 2017, d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le maire du Montat s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux déposée le 4 janvier 2017 et d'annuler la décision implicite de rejet de son recour

s gracieux du 9 juillet 2017 et, d'autre part, de condamner la commune du Montat à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Espaces Vins a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le maire du Montat a sollicité la production de pièces complémentaires sur sa déclaration préalable de travaux déposée le 4 janvier 2017, d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le maire du Montat s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux déposée le 4 janvier 2017 et d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 9 juillet 2017 et, d'autre part, de condamner la commune du Montat à lui verser la somme de 339 548,61 euros au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 31 juillet 2012 par laquelle le maire de cette commune ne s'est pas opposé à sa déclaration préalable de travaux.

Par un jugement n° 1704206, 1905620 du 11 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX00518 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL20518 le 12 février 2021, le 16 mars 2021, le 23 août 2022 et le 10 octobre 2022, la société civile immobilière Espaces Vins, représentée par le cabinet HMS Atlantique Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'indemnisation ;

2°) de condamner la commune du Montat à lui verser la somme de 339 548,61 euros au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 31 juillet 2012 par laquelle le maire de cette commune ne s'est pas opposé à sa déclaration préalable de travaux ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Montat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de non opposition à déclaration préalable du 31 juillet 2012 méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que la parcelle sur laquelle porte le projet est soumise à un aléa inondation et un aléa éboulement et glissement de terrain, risques connus par le maire du Montat ;

- cette décision a été prise en violation des dispositions de l'article A. 424 -2 d) du code de l'urbanisme dès lors qu'elle ne cite pas l'avis défavorable de la direction départementale des territoires du Lot ;

- en omettant de citer cet avis défavorable dans sa décision de non opposition à déclaration préalable, le maire s'est fondé sur les faits matériellement inexacts ;

- la commune a commis une faute en lui laissant croire que son projet était faisable ;

- ces illégalités sont de nature à engager la responsabilité de la commune du Montat pour faute dès lors que la décision de non opposition à déclaration préalable du 31 juillet 2012 aurait dû être assortie de prescriptions spéciales sur ces risques ;

- ses préjudices sont en lien avec ces illégalités ;

- elle n'a pas commis de faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

- elle a subi des préjudices matériels tenant au prix d'acquisition de son terrain, aux frais d'architecte, aux frais de bornage, aux frais d'étude de sol, aux frais de démolition et au coût des travaux engagés pour un montant total de 339 548,61 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2021, le 15 septembre 2022 et le 17 octobre 2022, la commune du Montat, représentée par Me Noray-Espeig conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société civile immobilière Espaces Vins la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société civile immobilière Espaces Vins ne sont pas fondés et que cette dernière a commis une faute de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité et s'est placée dans une situation illégitime qui a causé ses préjudices.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société civile immobilière Espaces Vins.

Par ordonnance du 17 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jeanneau, représentant la société civile immobilière Espaces Vins, et de Me Noray-Espeig, représentant la commune du Montat.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Espaces Vins fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Montat à lui verser la somme de 339 548,61 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 31 juillet 2012 par laquelle le maire de cette commune ne s'est pas opposé à sa déclaration préalable de travaux consistant en l'excavation d'une falaise pour permettre le terrassement de son terrain.

Sur les conclusions en indemnisation :

2. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice subi par la victime.

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

4. En premier lieu, la société requérante soutient que la commune du Montat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en lui accordant le 31 juillet 2012 une décision de non opposition à déclaration préalable de travaux d'excavation et de terrassement sur sa parcelle alors qu'elle aurait dû s'y opposer eu égard au risque d'inondation dont elle avait connaissance en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Toutefois, il résulte de l'instruction que les préjudices matériels dont elle se prévaut ne sont pas en lien avec ce risque d'inondation mais avec les éboulements qui sont intervenus sur le chantier lors des travaux d'excavation de la falaise. Par suite, le lien de causalité entre l'éventuelle faute commise par la commune quant à l'appréciation de ce risque d'inondation et les préjudices de la société requérante n'est pas établi.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le maire du Montat, saisi le 11 février 2011 d'une déclaration préalable de travaux pour l'excavation et le terrassement de la parcelle de la société appelante, s'était opposé à la réalisation de ces travaux par une décision du 28 mars 2011 après avoir relevé notamment que " le projet se situe en aléa moyen de risque de glissement de terrains " et que " l'implantation d'une construction sur ces parcelles nécessite des terrassements importants pouvant générer des glissements de terrain et/ou des chutes de blocs ". Ainsi que le relève en défense la commune intimée, ni le porté à connaissance des risques majeurs du préfet du Lot de 2009, ni l'atlas départemental des mouvements de terrains du Lot de 2011 comportant une " carte de susceptibilité aux éboulements ", ne caractérisaient pour la parcelle en cause un aléa fort de glissement de terrain. La société civile immobilière Espace Vins a alors déposé le 4 juillet 2012 une nouvelle déclaration préalable accompagnée d'une étude géotechnique de type G11 réalisée le 25 mars 2012, laquelle indiquait que le projet de terrassement était faisable au regard de la géologie du terrain à conditions de respecter certaines préconisations et sous réserve d'un suivi et d'une étude complémentaire G12 à la suite du terrassement. En délivrant le 31 juillet 2012 une décision de non-opposition à cette déclaration préalable comportant l'étude précitée dont se prévalait la société appelante, le maire du Montat ne peut, compte tenu des éléments d'information dont il disposait alors, être regardé comme ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation du risque d'éboulement de terrain au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors même que des éboulements de l'ordre de 200 à 400 mètres cubes se sont produits à la suite des fortes intempéries des 16 et 17 avril 2016 lorsque les travaux de terrassement et d'excavation étaient en cours. Par suite, le maire du Montat n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de la société civile immobilière Espaces Vins.

6. En troisième lieu, la circonstance que la décision en litige ne vise pas l'avis de la direction départementale des territoires du Lot du 24 juillet 2012 est sans incidence sur sa légalité. La société civile immobilière Espaces Vins soutient également que l'absence de visa de cet avis démontre que le maire s'est fondé sur des faits matériellement inexacts pour ne pas s'opposer à la déclaration préalable de travaux déposée le 4 juillet 2012. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que la société appelante s'est prévalue de l'étude géotechnique du 25 mars 2012 pour démontrer la faisabilité de son projet au regard d'un aléa moyen de risque de glissement de terrain dont le maire avait fait état dans sa précédente décision d'opposition à déclaration préalable du 28 mars 2011. Dans ces conditions, la décision de non-opposition du 31 juillet 2012 ne peut être regardée comme étant fondée sur des faits matériellement inexacts.

7. En dernier lieu, si la société civile immobilière Espaces Vins a déposé une demande de certificat d'urbanisme opérationnel, la commune du Montat ne lui a délivré le 9 février 2010 qu'un certificat d'urbanisme de simple information " en raison des contraintes topographiques et de l'insuffisance des précisions fournies quant au remodelage de la falaise ". De plus, il ne résulte pas de l'instruction, alors d'ailleurs que la société requérante n'a jamais déposé de demande de permis de construire pour l'édification d'un bâtiment sur la parcelle concernée par la décision de non opposition à déclaration préalable en litige, que la commune se soit engagée à lui délivrer un tel permis. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, la commune du Montat ne lui a pas laissé croire que la réalisation de son projet était acquise. Par suite, elle n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

8. Il résulte de ce qui précède que la société civile immobilière Espaces Vins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Montat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société civile immobilière Espaces Vins demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société civile immobilière Espaces Vins la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la commune du Montat.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Espaces Vins est rejetée.

Article 2 : La société civile immobilière Espaces Vins versera la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la commune du Montat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Espaces Vins et à la commune du Montat.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet du Lot en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL20518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL20518
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02-02 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité pour faute. - Application d'un régime de faute simple.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP CAZCARRA-JEANNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-16;21tl20518 ?
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