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16/03/2023 | FRANCE | N°21TL01662

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 16 mars 2023, 21TL01662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Laudun l'Ardoise à lui verser la somme de 271 038,46 euros, en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité de divers refus d'autorisation d'urbanisme, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation de ces derniers à compter du 18 mars 2019.

Par un jugement n° 1902522 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Laudun l'Ardoise à lui verser la somme de 271 038,46 euros, en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité de divers refus d'autorisation d'urbanisme, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation de ces derniers à compter du 18 mars 2019.

Par un jugement n° 1902522 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA01662 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL01662 le 4 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Bocognano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Laudun l'Ardoise à lui verser la somme de 271 038,46 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité de divers refus d'autorisation d'urbanisme, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation de ces derniers à compter du 18 mars 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Laudun l'Ardoise une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en édictant des décisions d'urbanisme illégales dès lors que les parcelles concernées ne sont pas soumises à un risque de glissement de terrain au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en édictant des décisions d'urbanisme illégales dès lors que ces dernières méconnaissent les dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ;

- la commune a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en édictant un arrêté portant retrait et refus de permis de construire pris par une personne matériellement incompétente, à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que les pétitionnaires n'ont pas été mis à même de présenter leurs observations sur le retrait de leur permis de construire du 16 janvier 2018 et entaché d'un détournement de pouvoir ;

- elle a perdu toute chance d'obtenir la cession de ses trois parcelles ce qui lui cause un préjudice s'élevant à la somme de 271 038,46 euros ;

- le préjudice invoqué est en lien direct et certain aves les fautes commises ; le retrait et les refus successifs de permis de construire ainsi que la position de principe de la commune d'induire en erreur les demandeurs concernant un éventuel projet de construction sur ces parcelles ont rendu caducs les compromis de vente qu'elle avait conclus.

La commune de Laudun l'Ardoise a été mise en demeure de produire des observations en défense le 4 août 2022.

Par ordonnance du 13 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bocognano, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est propriétaire de trois parcelles cadastrées ... sur la commune de Laudun l'Ardoise. Elle a conclu, le 25 août 2017, s'agissant de la parcelle cadastrée (ANO)section YC n° 212(ANO/), avec M. D... et Mme E... une promesse de vente avec condition suspensive d'obtention d'un permis de construire. Ces derniers ont obtenu le 26 octobre 2017 un permis de construire. Par arrêté du 16 janvier 2018, le maire de Laudun l'Ardoise a toutefois retiré cet arrêté et refusé de délivrer le permis sollicité. Le 3 mai 2018, Mme A... a conclu une nouvelle promesse de vente avec condition suspensive d'obtention d'un permis de construire avec Mme C.... Cette dernière a déposé une demande de certificat d'urbanisme opérationnel pour la réalisation d'une habitation sur cette même parcelle. Ce projet a été déclaré non réalisable par un certificat d'urbanisme délivré le 22 juin 2018. Mme A... estimant que ces deux décisions d'urbanisme étaient illégales a sollicité, le 15 mars 2019, la réparation de son préjudice économique en raison de la faute commise selon elle par la commune. Une décision implicite de rejet est née sur sa demande du silence gardé par la commune le 15 mai 2019. Mme A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Laudun l'Ardoise à lui verser une somme de 271 038,46 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait des décisions d'urbanisme illégales de la commune.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, pour rechercher la responsabilité de la commune de Laudun l'Ardoise, Mme A... soutient que tant le retrait du permis de construire délivré à M. D... et Mme E... et le refus de permis de construire qui a suivi que le certificat d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération de construction envisagée par son second acheteur, ne pouvaient être fondés sur les dispositions précitées de l'article R. 111-2 et que ces illégalités sont constitutives d'une faute.

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

4. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que le maire de Laudun l'Ardoise s'est notamment fondé sur l'atteinte à la sécurité publique que présente le projet d'implanter une construction sur la parcelle de l'appelante en raison d'un risque de glissement de terrain. Si Mme A... conteste l'existence d'un tel risque, il résulte également de l'instruction que la parcelle en litige se situe dans une zone densément boisée, en forte pente et accidentée. Lors de l'enquête publique préalable à la révision du plan local d'urbanisme pour le secteur ouest de la commune, qui s'est déroulée du 18 octobre 2010 au 19 novembre 2010, le commissaire enquêteur avait d'ailleurs émis un avis défavorable au classement en zone constructible de ce secteur et demandé la fermeture de ce dernier à toute urbanisation ainsi que son intégration en zone N assortie d'un espace boisé classé pour le maintien des équilibres hydrauliques et le conseil municipal a ensuite entamé la révision générale de son plan local d'urbanisme dont le projet d'aménagement et de développement durables avait été débattu devant ce dernier à la date d'édiction des décisions en litige. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir que la commune ne justifie pas de l'existence d'un risque de glissement de terrain, Mme A... n'établit pas que le projet en cause n'exposerait pas les occupants de la construction projetée à un tel risque ou ne serait pas de nature à présenter ou à aggraver le risque de glissement de terrain pesant sur les voisins. Par suite, le maire a pu légalement et donc sans commettre de faute procéder pour un motif d'atteinte à la sécurité publique au retrait du permis de construire qu'il avait initialement délivré à M. D... et Mme E... et délivrer un certificat d'urbanisme opérationnel déclarant non réalisable le projet de Mme C... d'implanter une construction à usage d'habitation.

6. D'autre part, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer une autorisation d'urbanisme, alors même qu'aucun plan n'aurait classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques. Dès lors, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'un plan de prévention des risques naturels pour caractériser l'absence d'un risque de glissement de terrain sur sa parcelle.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce, " Le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant : 1° La date de la non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable ;(...) ".

8. La requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme qui n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'application de l'article R. 111-2 du même code à des terrains inconstructibles pour des motifs de sécurité publique et ce, alors même que le maire ne se serait pas opposé à la demande préalable de division parcellaire formée par l'intéressée.

9. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 5 et 6 du présent arrêt que le maire de Laudun l'Ardoise n'a pas commis de faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune en estimant, par les décisions d'urbanisme en litige, que le terrain de Mme A... n'est pas constructible pour des motifs de sécurité publique.

10. En troisième lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative pour un vice de procédure ou un vice d'incompétence, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière ou aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière ou aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice de procédure ou du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

11. Il résulte de ce qui vient d'être exposé au point 8 du présent arrêt qu'à supposer que les décisions en litige soient entachées d'un vice de procédure ou d'un vice d'incompétence, le maire de Laudun l'Ardoise aurait pris les mêmes décisions, la parcelle en litige étant soumise à un risque de glissement de terrain. Par suite, le préjudice économique dont il est demandé réparation ne peut être regardé comme la conséquence des vices d'incompétence et de procédure dont se prévaut l'appelante.

12. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le détournement de pouvoir allégué soit établi.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Laudun l'Ardoise qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... A... et à la commune de Laudun l'Ardoise.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. Chabert

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL01662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01662
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BLANC - TARDIVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-16;21tl01662 ?
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