Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et E... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016.
Par un jugement n° 1804254 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2021 sous le n° 21MA00748 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00748 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 31 août 2021 et le 24 février 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Amiel, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le rachat et l'annulation des titres apportés par Mme C... à la société GA7 n'a pas mis fin au report d'imposition de la plus-value réalisée lors de cet apport dès lors que le produit de la cession a été réinvesti dans l'acquisition de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon, ayant pour effet de lui en conférer le contrôle à la date du réinvestissement ;
- à titre subsidiaire, le terme " conférer ", mentionné au 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, ne peut avoir pour effet d'exiger une absence de contrôle antérieurement au réinvestissement ;
- les premiers juges ont omis d'examiner ce dernier moyen, qui était soulevé devant le tribunal ;
- à titre très subsidiaire, le contrôle direct ou indirect de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon par Mme C... n'est pas établi à la date de l'apport.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 13 juillet 2021, le 30 novembre 2021 et le 20 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. et Mme C....
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge d'une pénalité de recouvrement dans un litige d'assiette de l'impôt.
Par un mémoire, enregistré le 2 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.
Par un mémoire, enregistré le 6 février 2023, M. et Mme C... ont présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Amiel pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... font appel du jugement du 28 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016, à raison de l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport, opéré par Mme C... le 28 juillet 2016, des actions de la société D... à la société GA7.
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I.- L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant (...) à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (...) est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. (...) / Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion : (...) 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit, dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (...) et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle au sens du 2° du III du présent article (...) III.- Le report d'imposition est subordonné aux conditions suivantes : (...) 2° La société bénéficiaire de l'apport est contrôlée par le contribuable. Cette condition est appréciée à la date de l'apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l'issue de celui-ci. Pour l'application de cette condition, un contribuable est considéré comme contrôlant une société : a) Lorsque la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société est détenue, directement ou indirectement, par le contribuable ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ; b) Lorsqu'il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires ; c) Ou lorsqu'il y exerce en fait le pouvoir de décision. / Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu'il dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne. / Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu'ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus que l'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont cédés par cette dernière dans un délai de trois ans à compter de l'apport, ne remet pas en cause l'application du mécanisme de report d'imposition des plus-values qu'elles prévoient, lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement dans un délai de deux ans dans une activité économique limitativement énumérée, ayant pour effet d'en conférer le contrôle à cette dernière société.
4. La société D... a procédé, le 26 septembre 2016, au rachat et à l'annulation des titres de cette société qui avaient été apportés par Mme C... à la société GA7 le 28 juillet 2016. Ce rachat, qui est intervenu dans un délai de trois ans à compter de l'apport des titres, correspond à l'un des évènements prévus à la première phrase du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts et susceptible de mettre fin au report d'imposition de la plus-value réalisée lors de l'apport.
5. Il résulte toutefois de l'instruction que la société GA7 a investi plus de 50 % du prix de cession des titres de la société D... en procédant, le 27 octobre 2016, à l'acquisition de 291 parts sociales de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon, qui exerce l'une des activités énoncées à la deuxième phrase du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. A l'issue de ce réinvestissement, la société GA7, qui disposait d'un total de 301 parts de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon sur les 600 parts composant son capital social, soit 50,2 %, en détenait le contrôle au sens du 2° du III de l'article 150-0 B ter du code général des impôts.
6. L'administration fait valoir qu'à l'issue de l'opération d'apport réalisée le 28 juillet 2016, la société GA7 possédait 42 % des titres de la société D..., qui avait elle-même 97,5 % des parts du capital de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon. Il en résulte que la société GA7, qui détenait par ailleurs 10 parts de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon, disposait à cette date, directement et indirectement, d'une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette dernière supérieure à 33,33 %. L'administration en déduit que l'opération du 27 octobre 2016 a permis à la société GA7 de reprendre le contrôle de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon, qu'elle avait perdu quelques jours auparavant du fait de la cession du 26 septembre 2016. A supposer même que la société GA7 ait contrôlé la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon, au sens du 2° du III de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dès le 28 juillet 2016, tel n'était en tout état de cause plus le cas postérieurement au 26 septembre 2016, date du rachat de ses propres titres par la société D....
7. Il se déduit de ce qui précède que l'investissement réalisé le 27 octobre 2016 par la société GA7 a eu pour effet de lui conférer le contrôle de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon dans les conditions prévues à la deuxième phrase du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. Par suite, la condition du réinvestissement prévue à l'article 150-0 B ter du code général des impôts a été respectée. Au surplus, le réinvestissement intervenu le 27 octobre 2016 a permis, pour la première fois, à la société GA7 de détenir directement la majorité des parts composant le capital social de la société Groupement Forestier de la Forêt de Bauzon. Dans ces conditions, c'est à tort que l'administration fiscale a estimé que M. et Mme C... ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier du report d'imposition de la plus-value réalisée au titre de l'apport, à la société GA7, des titres de la société D..., et a intégré cette plus-value à leur revenu imposable au titre de l'année 2016.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité du jugement, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
En ce qui concerne la pénalité de recouvrement :
9. Il résulte de l'instruction que les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis au titre de l'année 2016 ont été assorties de la majoration de 10 % prévue, par l'article 1730 du code général des impôts, en cas de retard dans le paiement de tout ou partie des impositions, qui doivent être versées aux comptables du Trésor. Si les intéressés demandent la décharge de l'imposition en litige, en ce compris cette majoration, s'agissant d'une pénalité de recouvrement, ils ne sont pas recevables à en contester le bien-fondé dans le cadre du présent contentieux d'assiette. Dès lors, leurs conclusions tendant à la décharge de cette majoration doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : M. et Mme C... sont déchargés des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 à raison de l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport opéré le 28 juillet 2016.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. et Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 9 février 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL00748 2